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Publié par PM sur
Publié dans : #matiere a reflexion

LA PIERRE PHILOSOPHALE

 

Qu’est ce que la Pierre Philosophale ?

La Pierre Philosophale était le but suprême de l’alchimie. Elle devait changer le plomb en or. (On lui prêtait parfois d’autres vertus non moins fantastiques telles que de prolonger indéfiniment la vie et la jeunesse.) Néanmoins sa recherche n’était pas motivée par la cupidité mais par un élan spirituel. Ce n’était pas le but qui comptait mais le chemin pour l’atteindre. La quête de la Pierre Philosophale n’était pas la recherche d’une recette mais la tentative de parvenir au bout d’un long labeur patient et méticuleux de purification de la matière et de l’officiant.

Livrons nous à un petit jeu et réécrivons ce qui vient d’être dit en nous plaçant dans la perspective d’une volonté de changement social...

La Prise du pouvoir était le but suprême de l’action politique. Elle devait changer l’ordre de la société, l’aliénation en libération. (On lui prêtait parfois d’autres vertus non moins fantastiques telles que de satisfaire le besoin de puissance.) Néanmoins sa recherche n’était officiellement pas motivée par la cupidité mais par un élan humaniste. Ce n’était pas le but qui comptait mais le chemin pour l’atteindre. La quête de la Prise du Pouvoir n’était pas la recherche d’une recette mais la tentative de parvenir au bout d’un long labeur patient et méticuleux de changer la société.

Certes l’exercice est facile... pourtant, au-delà de l’aspect ludique, il ne manque pas d’intérêt.

Toute l’action politique, aujourd’hui, ressemble à cette recherche désespérée de la Pierre philosophale, objet mythique qui devait ouvrir les portes de la félicité de l’abondance et de la richesse... On est à « deux doigts », on y est « presque arrivé », « il suffirait que... »... et tout retombe désespérément comme avant. Alors on recommence, on change de grimoire et de formule, on rajoute certains ingrédients, on en enlève d’autres...une vraie alchimie,... et ça ne marche toujours pas. Finalement c’est le processus de recherche qui supplante l’objectif poursuivi. L’action devient une fin en soi. Le processus même de la recherche en est devenu la raison. On perd de vue l’objectif et l’on se concentre exclusivement sur le moyen.

Cette quête tragi-comique du pouvoir au travers de l’élection, et même à certaines époques, quoique cette méthode soit en grande partie abandonnée, par le coup d’Etat, ou de la « tentative du coup d’Etat », qui a donné naissance au mythe du « Grand Soir », a systématiquement tourné, à terme, au fiasco... Rien n’a changé au point que nombreuses et nombreux sont celles et ceux qui se demandent si cela est possible... le scepticisme et le découragement menacent les plus motivé-e-s.

La succession des échecs de la méthode fait douter de la réalité et de la faisabilité de l’objectif.

Et si la méthode était fondamentalement fausse, erronée ?

Et si le changement social ne se faisait pas suivant cette méthode ?

Et si celui ou celle qui s’arrête de chercher frénétiquement et prend un temps pour repenser la validité de la méthode, avait raison ?

Oh certes il n’a pas spontanément la méthode, la solution, mais au moins il évite de persister dans une impasse. Or, aujourd’hui nous sommes incontestablement dans une impasse.

Dans une action, la répétition des échecs est très rarement enrayée par l’obstination. Il arrive un moment où l’on ne peut pas ne pas se demander si ce n’est pas la méthode elle-même qui est en cause. Il s’agit alors de repenser de fond en comble l’ensemble des données du problème.

Cette obstination « citoyenne » et « militante », qui tient lieu aujourd’hui de pratique politique, tient à la nature même du système économico politique dans lequel nous vivons. Ce n’est pas une exception... tous les systèmes ont agi de la même manière. Ce système a réussi à nous convaincre, du moins pour la plupart, qu’il était l’aboutissement ultime de l’Histoire et qu’un changement ne pouvait s’opérer qu’en son sein et seulement sur quelques aménagements. C’est cette conception qui fonde aujourd’hui toute l’action politique... et c’est cette conception qu’il est urgent de remettre en question.

Ce n’est pas nouveau de remettre en question des évidences. Remettre en question la méthode électorale aujourd’hui équivaut à ce qu’aurait été, et ce qu’a été, la remise en question du caractère divin du pouvoir durant l’Ancien Régime.

Rappelons que l’on a abandonné la Pierre philosophale quand s’est construite la physique moderne, autrement dit lorsque l’on a posé les problèmes d’une autre manière. Tous les progrès, que ce soit dans le domaine des sciences exactes, mais aussi dans celui de l’évolution sociale se sont fait en remettant en question les « évidences ».

Comment peut-on être sûr que l’on fait fausse route et que le changement social se place sur un autre terrain et lequel ?

L’Histoire répond, en partie, à cette délicate question :

- les acquis ne sont jamais définitifs comme on aurait tendance à le croire en raisonnant à l’échelle de la vie humaine... la preuve, tous les acquis sociaux, fruits des luttes sociales, sont remis en question (protection sociale, retraites, contrats de travail, services publics,...)

- un véritablement changement se fait lorsque un système nouveau prend le relais d’un système pourrissant,

- la conscience se forme dans la pratique

Ce à quoi l’Histoire ne répond pas c’est la manière de s’y prendre, du moins dans le détail, et les échéances...

Si tout cela est exact on comprendra le caractère dérisoire de l’action politique actuelle, le gaspillage inouï d’énergie dans des querelles, des discussions et des débats qui sont complètement « à côté de la plaque », « hors sujet », totalement en décalage par rapports aux vrais questions et aux exigences du moment... « débat » qui n’est en fait qu’une opération médiatique de marketing politique.

Bien sûr, les « vieux alchimistes », les politiciens profiteurs, celles et ceux qui ont fait de cette recherche une profession, un faire valoir, un instrument de promotion sociale, perdant au passage de vue l’objectif, vont être réticents pour changer de méthode. Ils vont doctement nous expliquer, contre toute évidence et pour certains (pas tous) avec bonne foi, que c’est la « seule valable », qu’il « ne faut pas désespérer », qu’il « faut persévérer », que « c’est ça la démocratie » (sic).

Avant que nous puissions établir une rupture avec le système marchand, il va bien falloir que nous fassions un « rupture dans nos têtes », que nous pensions l’évolution sociale autrement.

Nous ne convaincrons pas qu’avec des mots, des discussions, de polémiques, des programmes et des promesses, aussi convaincants soyons nous. L’esprit du changement, l’idée de nouvelles relations sociales s’implantera dans les esprits, dans les consciences qu’à partir d’une pratique sociale concrète qui montrera que le monde que nous voulons est non seulement souhaitable mais aussi et surtout possible.

A défaut de cette problématique politique nous retomberons dans les vieilles ornières du passé... nous ne les avons d’ailleurs pas quittées. Nous ne nous en tiendrons qu’à des slogans, certes accrocheurs, mais purement incantatoires. Celles et ceux que nous voulons avec nous, continuerons, à défaut d’autre chose, à croire aux vieilles lunes électorales.

L’action politique telle qu’elle est conçue aujourd’hui, avec bien entendu l’approbation des tenants du système, n’est qu’une recherche de la Pierre philosophale qui capte toute notre énergie citoyenne, nous submerge d’espoir, mais est totalement stérile. Elle est l’élément central de la mystification spectaculaire de la politique et l’instrument de notre aliénation au système.

Le système marchand, de part son développement mondialisé, sa déliquescence sociétale, sa capacité à exclure massivement et l’atteinte irrémédiable à l’environnement qu’il impose à la planète, nous met au pied du mur.

Sans vouloir faire dans le pathétique, à moyen terme, il est possible que le dilemme soit : le changement ou la mort. A nous de choisir ! Mais attention, le temps presse... Nous n’avons plus le droit à l’erreur.

24 juin 2006                                                                          Patrick MIGNARD

Voir également les articles :

« ELECTIONS : PARTICIPER OU PAS ? »

LA PIERRE PHILOSOPHALE

 

Qu’est ce que la Pierre Philosophale ?

La Pierre Philosophale était le but suprême de l’alchimie. Elle devait changer le plomb en or. (On lui prêtait parfois d’autres vertus non moins fantastiques telles que de prolonger indéfiniment la vie et la jeunesse.) Néanmoins sa recherche n’était pas motivée par la cupidité mais par un élan spirituel. Ce n’était pas le but qui comptait mais le chemin pour l’atteindre. La quête de la Pierre Philosophale n’était pas la recherche d’une recette mais la tentative de parvenir au bout d’un long labeur patient et méticuleux de purification de la matière et de l’officiant.

Livrons nous à un petit jeu et réécrivons ce qui vient d’être dit en nous plaçant dans la perspective d’une volonté de changement social...

La Prise du pouvoir était le but suprême de l’action politique. Elle devait changer l’ordre de la société, l’aliénation en libération. (On lui prêtait parfois d’autres vertus non moins fantastiques telles que de satisfaire le besoin de puissance.) Néanmoins sa recherche n’était officiellement pas motivée par la cupidité mais par un élan humaniste. Ce n’était pas le but qui comptait mais le chemin pour l’atteindre. La quête de la Prise du Pouvoir n’était pas la recherche d’une recette mais la tentative de parvenir au bout d’un long labeur patient et méticuleux de changer la société.

Certes l’exercice est facile... pourtant, au-delà de l’aspect ludique, il ne manque pas d’intérêt.

Toute l’action politique, aujourd’hui, ressemble à cette recherche désespérée de la Pierre philosophale, objet mythique qui devait ouvrir les portes de la félicité de l’abondance et de la richesse... On est à « deux doigts », on y est « presque arrivé », « il suffirait que... »... et tout retombe désespérément comme avant. Alors on recommence, on change de grimoire et de formule, on rajoute certains ingrédients, on en enlève d’autres...une vraie alchimie,... et ça ne marche toujours pas. Finalement c’est le processus de recherche qui supplante l’objectif poursuivi. L’action devient une fin en soi. Le processus même de la recherche en est devenu la raison. On perd de vue l’objectif et l’on se concentre exclusivement sur le moyen.

Cette quête tragi-comique du pouvoir au travers de l’élection, et même à certaines époques, quoique cette méthode soit en grande partie abandonnée, par le coup d’Etat, ou de la « tentative du coup d’Etat », qui a donné naissance au mythe du « Grand Soir », a systématiquement tourné, à terme, au fiasco... Rien n’a changé au point que nombreuses et nombreux sont celles et ceux qui se demandent si cela est possible... le scepticisme et le découragement menacent les plus motivé-e-s.

La succession des échecs de la méthode fait douter de la réalité et de la faisabilité de l’objectif.

Et si la méthode était fondamentalement fausse, erronée ?

Et si le changement social ne se faisait pas suivant cette méthode ?

Et si celui ou celle qui s’arrête de chercher frénétiquement et prend un temps pour repenser la validité de la méthode, avait raison ?

Oh certes il n’a pas spontanément la méthode, la solution, mais au moins il évite de persister dans une impasse. Or, aujourd’hui nous sommes incontestablement dans une impasse.

Dans une action, la répétition des échecs est très rarement enrayée par l’obstination. Il arrive un moment où l’on ne peut pas ne pas se demander si ce n’est pas la méthode elle-même qui est en cause. Il s’agit alors de repenser de fond en comble l’ensemble des données du problème.

Cette obstination « citoyenne » et « militante », qui tient lieu aujourd’hui de pratique politique, tient à la nature même du système économico politique dans lequel nous vivons. Ce n’est pas une exception... tous les systèmes ont agi de la même manière. Ce système a réussi à nous convaincre, du moins pour la plupart, qu’il était l’aboutissement ultime de l’Histoire et qu’un changement ne pouvait s’opérer qu’en son sein et seulement sur quelques aménagements. C’est cette conception qui fonde aujourd’hui toute l’action politique... et c’est cette conception qu’il est urgent de remettre en question.

Ce n’est pas nouveau de remettre en question des évidences. Remettre en question la méthode électorale aujourd’hui équivaut à ce qu’aurait été, et ce qu’a été, la remise en question du caractère divin du pouvoir durant l’Ancien Régime.

Rappelons que l’on a abandonné la Pierre philosophale quand s’est construite la physique moderne, autrement dit lorsque l’on a posé les problèmes d’une autre manière. Tous les progrès, que ce soit dans le domaine des sciences exactes, mais aussi dans celui de l’évolution sociale se sont fait en remettant en question les « évidences ».

Comment peut-on être sûr que l’on fait fausse route et que le changement social se place sur un autre terrain et lequel ?

L’Histoire répond, en partie, à cette délicate question :

- les acquis ne sont jamais définitifs comme on aurait tendance à le croire en raisonnant à l’échelle de la vie humaine... la preuve, tous les acquis sociaux, fruits des luttes sociales, sont remis en question (protection sociale, retraites, contrats de travail, services publics,...)

- un véritablement changement se fait lorsque un système nouveau prend le relais d’un système pourrissant,

- la conscience se forme dans la pratique

Ce à quoi l’Histoire ne répond pas c’est la manière de s’y prendre, du moins dans le détail, et les échéances...

Si tout cela est exact on comprendra le caractère dérisoire de l’action politique actuelle, le gaspillage inouï d’énergie dans des querelles, des discussions et des débats qui sont complètement « à côté de la plaque », « hors sujet », totalement en décalage par rapports aux vrais questions et aux exigences du moment... « débat » qui n’est en fait qu’une opération médiatique de marketing politique.

Bien sûr, les « vieux alchimistes », les politiciens profiteurs, celles et ceux qui ont fait de cette recherche une profession, un faire valoir, un instrument de promotion sociale, perdant au passage de vue l’objectif, vont être réticents pour changer de méthode. Ils vont doctement nous expliquer, contre toute évidence et pour certains (pas tous) avec bonne foi, que c’est la « seule valable », qu’il « ne faut pas désespérer », qu’il « faut persévérer », que « c’est ça la démocratie » (sic).

Avant que nous puissions établir une rupture avec le système marchand, il va bien falloir que nous fassions un « rupture dans nos têtes », que nous pensions l’évolution sociale autrement.

Nous ne convaincrons pas qu’avec des mots, des discussions, de polémiques, des programmes et des promesses, aussi convaincants soyons nous. L’esprit du changement, l’idée de nouvelles relations sociales s’implantera dans les esprits, dans les consciences qu’à partir d’une pratique sociale concrète qui montrera que le monde que nous voulons est non seulement souhaitable mais aussi et surtout possible.

A défaut de cette problématique politique nous retomberons dans les vieilles ornières du passé... nous ne les avons d’ailleurs pas quittées. Nous ne nous en tiendrons qu’à des slogans, certes accrocheurs, mais purement incantatoires. Celles et ceux que nous voulons avec nous, continuerons, à défaut d’autre chose, à croire aux vieilles lunes électorales.

L’action politique telle qu’elle est conçue aujourd’hui, avec bien entendu l’approbation des tenants du système, n’est qu’une recherche de la Pierre philosophale qui capte toute notre énergie citoyenne, nous submerge d’espoir, mais est totalement stérile. Elle est l’élément central de la mystification spectaculaire de la politique et l’instrument de notre aliénation au système.

Le système marchand, de part son développement mondialisé, sa déliquescence sociétale, sa capacité à exclure massivement et l’atteinte irrémédiable à l’environnement qu’il impose à la planète, nous met au pied du mur.

Sans vouloir faire dans le pathétique, à moyen terme, il est possible que le dilemme soit : le changement ou la mort. A nous de choisir ! Mais attention, le temps presse... Nous n’avons plus le droit à l’erreur.

24 juin 2006                                                                          Patrick MIGNARD

Voir également les articles :

« ELECTIONS : PARTICIPER OU PAS ? »

« VICTOIRE DE "LA" POLITIQUE... MORT "DU" POLITIQUE »

« PEUT-ON AVOIR CONFIANCE DANS LES HOMMES/FEMMES POLITIQUES ? »

« TEMPS ELECTORAL CONTRE TEMPS CITOYEN »

« CONTESTATION SOCIALE ET IMPUISSANCE POLITIQUE »

 

« VICTOIRE DE "LA" POLITIQUE... MORT "DU" POLITIQUE »

« PEUT-ON AVOIR CONFIANCE DANS LES HOMMES/FEMMES POLITIQUES ? »

« TEMPS ELECTORAL CONTRE TEMPS CITOYEN »

« CONTESTATION SOCIALE ET IMPUISSANCE POLITIQUE »

 

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Publié dans : #matiere a reflexion

DROIT DE GREVE ET LIBERTE DU TRAVAIL

 

De la démocratie dans les luttes...

L’opposition entre « droit de grève » et « liberté du travail » empoisonnent régulièrement les conflits du travail.

Une lutte sociale peut-elle se mener démocratiquement ? ou bien y a-t-il fatalement des comportements « antidémocratiques » induits par la lutte ? Piquets de grèves, blocages des issues, décisions en Assemblées générales, sont ce des pratiques anti démocratiques ?

Une lutte sociale se mène généralement collectivement, avec le respect d’une éthique à l’égard de celles et ceux qui sont, sinon engagés, du moins directement concernés (collègues de travail, soutiens divers,...).

LES DONNEES DU PROBLEME

La grève est « la cessation collective et concertée du travail par des salariés en vue d’appuyer des revendications professionnelles »... par extension on peut imaginer la grève de non salariés comme les étudiants ou les lycéens, mais là n’est pas le problème.

Le problème est par contre les relations entre celles et ceux qui « font grève » et celle et ceux qui « ne font pas grève ».

Il est bien évident que l’arrêt de travail crée une gêne économique pour l’employeur, et par extension le trouble dans les Universités au regard de l’Etat, et que c’est justement ce fait qui permet de faire pression. La gène touche également celles et ceux qui font grève qui se trouvent ainsi privés de leur revenu.

Il est tout aussi évident que si des personnes concernées par les revendications, passent outre du mouvement et continuent leur activité, elles affaiblissent le mouvement de contestation. C’est ce qui explique l’existence des « piquets de grève ».

Le « piquet de grève » dépasse incontestablement le cadre du « droit de grève » et empiète sur un autre droit, celui du « droit de travailler ». Le « piquet de grève » force la main, fait pression, sur celle ou celui qui veut travailler. De plus, le « piquet de grève » n’a aucune légitimité juridique... l’a-t-il morale ? On peut certes expliquer que le « piquet de grève » est là pour s’assurer que le mot d’ordre de grève est bien suivi, mais doit-il impliquer par la pression voire par la force, dans son action, quelqu’un qui ne veut pas y être ? Peut-il empêcher, à un moment de l’action quelqu’un de changer d’avis et de reprendre le travail ?

Autrement dit l’exercice du « droit de grève », par l’utilisation des « piquets de grève » porte-t-il atteinte à la « liberté du travail » ?

REGLE DE DROIT ET DYNAMIQUE SOCIALE

Formellement et juridiquement, le fait de s’opposer physiquement à quelqu’un qui veut travailler, pour l’en empêcher, est une atteinte à cette liberté.

Mais est ce aussi simple dans la réalité ? Bien évidemment non.

Il faut prendre l’acte de grève dans son ensemble et sa dynamique. La grève n’est pas qu’un droit, c’est aussi et avant tout un « rapport de forces » entre employeurs et salariés. C’est un rapport de forces qui, historiquement, a imposé la démocratie, pas le droit. Le droit n’a fait qu’entériner un rapport de forces à un moment donné, et celui-ci peut évoluer et modifier le droit. L’Histoire en est le plus parfait exemple. Un rapport de force a des points forts et des points faibles. Il est évident que la grève est d’autant moins efficace si un nombre conséquent de salariés travaillent... ceux-ci affaiblissent le mouvement. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’employeur invoque la « liberté du travail » de celles et ceux qui veulent travailler... ses positions et intentions ne sont, bien entendu, pas d’une pureté absolue, c’est moins dans un soucis d’éthique que pour affaiblir le mouvement qu’il soutien les non grévistes.

Il est donc parfaitement logique que les grévistes, dans un souci d’efficacité de leur action bloquent les accès des lieux de travail.

L’attitude des grévistes instaurant des « piquets de grève » ne peut donc s’apprécier que dans le cadre de ce rapport de force, qu’en fonction du nombre des grévistes et de leur manière de gérer la grève. Même la règle classique de la démocratie stipulant que, n’est pas suffisante pour justifier le non respect de la liberté du travail « la minorité se plie aux décisions de la majorité ». En effet il y a atteinte à la « liberté du travail » si l’on bloque l’entreprise, même si la majorité l’a décidé... il suffit qu’un seul veuille aller travailler. Alors ?

Alors, nous sommes là aux limites du Droit, aux limites de ce qu’il est, qu’il dit, de ce qu’il dicte et de ce qu’il représente, aux limites même de ce qui nous semble, en « temps normal », la normalité, c’est-à-dire le soit disant « juste ». Raisonner en terme de droit, à ce stade est stérile et n’apporte aucun éclaircissement et solution. On comprend que le tribunal, qui dit le droit, et qui dans certains cas est amené à trancher sur ces questions, est juridiquement compétent mais tout à fait socialement incompétent. La réponse en droit ne saurait refléter la réalité sociale, elle peut même être complètement décalée par rapport à elle, même s’il arrive que « force reste à la loi ».

DU BON USAGE DES LUTTES

La vie et la dynamique sociale ne sauraient se résumer à la règle de droit. Elle la transgresse en même temps qu’elle la crée... l’Histoire montre quelle ne peut ne pas la respecter et même dans certain cas ne doit pas la respecter... la légalité change de contenu, et de valeurs, avec les systèmes. Elle est tout à fait relative, et non absolue comme on voudrait nous le faire croire.

Un moment de lutte, comme la grève, ou une occupation de locaux, est un moment intéressant de confrontation de la réalité sociale avec la règle de droit, de même quelle est un moment privilégié d’apprentissage pour chacune et chacun de ce qu’est le rapport avec l’autre, un rapport de force et la confrontation avec ce qui nous est présenté comme un absolu, la légalité.

Un moment de lutte est un moment d’authenticité, qui rompt avec la routine impersonnelle et mécanique des relations sociales codifiées et administrées. C’est un moment où l’on se retrouve avec des questions essentielles de la vie sociale, des relations avec les autres, de prises de décisions au sein d’un groupe, de lutte pour des objectifs sociaux et des valeurs. C’est un moment où l’on se rend compte de la mystification des relations sociales « officielles ». Où l’on touche du doigt la complexité d’ « être socialement » et d’être, au sens noble du terme un « être politique ». Ceci explique certainement toutes les difficultés que l’on a à s’arracher de ce moment et la nostalgie que l’on en éprouve.

Juger du « bien fondé » ou du « mal fondé » d’une action, d’une décision, est d’abord l’affaire de celles et ceux qui y sont impliqués. Le rapport à la règle de droit n’est qu’un rapport temporel, qui peut prendre des dimensions insoupçonnées quand on est dans l’action et l’Histoire nous montre que c’est toujours la vie qui a le dernier mot, pas le droit.

La démocratie ne se trouve pas dans les codes, pas plus que gravée dans la pierre du fronton des établissements publics La démocratie se crée au fur et à mesure des rapports entre les individus. Elle est en constante élaboration de même quelle est constamment menacée. La démocratie n’est pas un

DROIT DE GREVE ET LIBERTE DU TRAVAIL

 

De la démocratie dans les luttes...

L’opposition entre « droit de grève » et « liberté du travail » empoisonnent régulièrement les conflits du travail.

Une lutte sociale peut-elle se mener démocratiquement ? ou bien y a-t-il fatalement des comportements « antidémocratiques » induits par la lutte ? Piquets de grèves, blocages des issues, décisions en Assemblées générales, sont ce des pratiques anti démocratiques ?

Une lutte sociale se mène généralement collectivement, avec le respect d’une éthique à l’égard de celles et ceux qui sont, sinon engagés, du moins directement concernés (collègues de travail, soutiens divers,...).

LES DONNEES DU PROBLEME

La grève est « la cessation collective et concertée du travail par des salariés en vue d’appuyer des revendications professionnelles »... par extension on peut imaginer la grève de non salariés comme les étudiants ou les lycéens, mais là n’est pas le problème.

Le problème est par contre les relations entre celles et ceux qui « font grève » et celle et ceux qui « ne font pas grève ».

Il est bien évident que l’arrêt de travail crée une gêne économique pour l’employeur, et par extension le trouble dans les Universités au regard de l’Etat, et que c’est justement ce fait qui permet de faire pression. La gène touche également celles et ceux qui font grève qui se trouvent ainsi privés de leur revenu.

Il est tout aussi évident que si des personnes concernées par les revendications, passent outre du mouvement et continuent leur activité, elles affaiblissent le mouvement de contestation. C’est ce qui explique l’existence des « piquets de grève ».

Le « piquet de grève » dépasse incontestablement le cadre du « droit de grève » et empiète sur un autre droit, celui du « droit de travailler ». Le « piquet de grève » force la main, fait pression, sur celle ou celui qui veut travailler. De plus, le « piquet de grève » n’a aucune légitimité juridique... l’a-t-il morale ? On peut certes expliquer que le « piquet de grève » est là pour s’assurer que le mot d’ordre de grève est bien suivi, mais doit-il impliquer par la pression voire par la force, dans son action, quelqu’un qui ne veut pas y être ? Peut-il empêcher, à un moment de l’action quelqu’un de changer d’avis et de reprendre le travail ?

Autrement dit l’exercice du « droit de grève », par l’utilisation des « piquets de grève » porte-t-il atteinte à la « liberté du travail » ?

REGLE DE DROIT ET DYNAMIQUE SOCIALE

Formellement et juridiquement, le fait de s’opposer physiquement à quelqu’un qui veut travailler, pour l’en empêcher, est une atteinte à cette liberté.

Mais est ce aussi simple dans la réalité ? Bien évidemment non.

Il faut prendre l’acte de grève dans son ensemble et sa dynamique. La grève n’est pas qu’un droit, c’est aussi et avant tout un « rapport de forces » entre employeurs et salariés. C’est un rapport de forces qui, historiquement, a imposé la démocratie, pas le droit. Le droit n’a fait qu’entériner un rapport de forces à un moment donné, et celui-ci peut évoluer et modifier le droit. L’Histoire en est le plus parfait exemple. Un rapport de force a des points forts et des points faibles. Il est évident que la grève est d’autant moins efficace si un nombre conséquent de salariés travaillent... ceux-ci affaiblissent le mouvement. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’employeur invoque la « liberté du travail » de celles et ceux qui veulent travailler... ses positions et intentions ne sont, bien entendu, pas d’une pureté absolue, c’est moins dans un soucis d’éthique que pour affaiblir le mouvement qu’il soutien les non grévistes.

Il est donc parfaitement logique que les grévistes, dans un souci d’efficacité de leur action bloquent les accès des lieux de travail.

L’attitude des grévistes instaurant des « piquets de grève » ne peut donc s’apprécier que dans le cadre de ce rapport de force, qu’en fonction du nombre des grévistes et de leur manière de gérer la grève. Même la règle classique de la démocratie stipulant que, n’est pas suffisante pour justifier le non respect de la liberté du travail « la minorité se plie aux décisions de la majorité ». En effet il y a atteinte à la « liberté du travail » si l’on bloque l’entreprise, même si la majorité l’a décidé... il suffit qu’un seul veuille aller travailler. Alors ?

Alors, nous sommes là aux limites du Droit, aux limites de ce qu’il est, qu’il dit, de ce qu’il dicte et de ce qu’il représente, aux limites même de ce qui nous semble, en « temps normal », la normalité, c’est-à-dire le soit disant « juste ». Raisonner en terme de droit, à ce stade est stérile et n’apporte aucun éclaircissement et solution. On comprend que le tribunal, qui dit le droit, et qui dans certains cas est amené à trancher sur ces questions, est juridiquement compétent mais tout à fait socialement incompétent. La réponse en droit ne saurait refléter la réalité sociale, elle peut même être complètement décalée par rapport à elle, même s’il arrive que « force reste à la loi ».

DU BON USAGE DES LUTTES

La vie et la dynamique sociale ne sauraient se résumer à la règle de droit. Elle la transgresse en même temps qu’elle la crée... l’Histoire montre quelle ne peut ne pas la respecter et même dans certain cas ne doit pas la respecter... la légalité change de contenu, et de valeurs, avec les systèmes. Elle est tout à fait relative, et non absolue comme on voudrait nous le faire croire.

Un moment de lutte, comme la grève, ou une occupation de locaux, est un moment intéressant de confrontation de la réalité sociale avec la règle de droit, de même quelle est un moment privilégié d’apprentissage pour chacune et chacun de ce qu’est le rapport avec l’autre, un rapport de force et la confrontation avec ce qui nous est présenté comme un absolu, la légalité.

Un moment de lutte est un moment d’authenticité, qui rompt avec la routine impersonnelle et mécanique des relations sociales codifiées et administrées. C’est un moment où l’on se retrouve avec des questions essentielles de la vie sociale, des relations avec les autres, de prises de décisions au sein d’un groupe, de lutte pour des objectifs sociaux et des valeurs. C’est un moment où l’on se rend compte de la mystification des relations sociales « officielles ». Où l’on touche du doigt la complexité d’ « être socialement » et d’être, au sens noble du terme un « être politique ». Ceci explique certainement toutes les difficultés que l’on a à s’arracher de ce moment et la nostalgie que l’on en éprouve.

Juger du « bien fondé » ou du « mal fondé » d’une action, d’une décision, est d’abord l’affaire de celles et ceux qui y sont impliqués. Le rapport à la règle de droit n’est qu’un rapport temporel, qui peut prendre des dimensions insoupçonnées quand on est dans l’action et l’Histoire nous montre que c’est toujours la vie qui a le dernier mot, pas le droit.

La démocratie ne se trouve pas dans les codes, pas plus que gravée dans la pierre du fronton des établissements publics La démocratie se crée au fur et à mesure des rapports entre les individus. Elle est en constante élaboration de même quelle est constamment menacée. La démocratie n’est pas un modèle prédigéré et figé de fonctionnement, elle est un état d’esprit, le produit d’une relation consciente, discutée, négociée. Elle est d’abord une manière d’être avec l’autre, une manière d’assumer les différences, les accords et les désaccords, bref de « faire avec l’autre »... et ça, aucune règle de droit, aucun tribunal, aucun élu (e) ne pourra jamais l’assumer et à fortiori le remplacer.

10 juin 2006                                                                           Patrick MIGNARD

 

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Publié dans : #matiere a reflexion

SUR LE « PATRIOTISME ECONOMIQUE »

C’est la tarte à la crème du gouvernement actuel, le hochet qui doit permettre de faire passer les conséquences du libéralisme ambiant. C’est la version économique de la « Patrie en danger »... ce n’est plus « Aux armes citoyens » mais « Aux bourses citoyens ».

« Patriotisme économique » est une contradiction dans les termes, il suffit pour le démontrer d’expliquer comment fonctionne le capital.

DU PROTECTIONNISME...

Il faut bien le reconnaître, il y a eu une période où le « patriotisme économique » a existé. Pourtant à cette époque ce n’est pas ce terme que l’on employait, c’était le terme « protectionnisme ». Etre protectionniste c’était, et c’est, protéger à l’intérieur de frontières plus ou moins étanches, le développement d’un, de son, système économique.

Dans sa prime jeunesse, le système marchand s’est développé au sein de ce que l’on nomme les « Etats nation ». D’ailleurs, au 19e siècle les Etats-nation se sont constitués dans la dynamique du développement du système marchand : c’est le cas en particulier de l’Italie et de l’Allemagne qui, pour devenir de grandes puissances font, à cette époque, leur unité politique... de même que les USA.

En ce temps là, la mondialisation telle qu’on la connaît aujourd’hui n’existait pas, du moins dans sa forme actuelle. Le capital, ou plutôt les capitaux, avaient respectivement leurs centres stratégiques et productifs, géographiquement et politiquement identifiables : les grandes puissances industrielles... et lorsque ces grandes puissances se sont multipliées, au cours du 19e siècle, elles ont commencé à se protéger. Leurs concurrences entraînaient d’ailleurs directement des conflits inter-nationaux. Les classes possédantes avaient un grand sens national, patriotique dans la mesure où leurs intérêts économiques coïncidaient avec ceux de l’Etat-nation - la 1er Guerre Mondiale est la plus parfaite illustration de cette guerre inter-capitaliste.

L’ « unité nationale » se confondait alors avec l’ « unité économique ». Cette alliance « sacrée » donnait sur le plan moral le patriotisme et sur le plan politique le nationalisme... la frontière entre les deux étant plus que floue.

Le patriotisme et le nationalisme présentaient l’immense avantage de défendre sous couvert de soit disantes valeurs morales et politiques le « système marchand national » autrement dit les intérêts locaux du capital.

L’Etat, garant du l’existence et de la valorisation du capital pouvait jouer sur les deux tableaux : défendre l’unité nationale et les intérêts locaux du capital national.... Ce qui ne l’empêchait d’ailleurs pas d’aller au bord de la guerre civile, toujours du côté du capital, dans le conflit des classes sociales qui s’affrontaient, au sein même de l’Etat-nation, quant au partage des richesses et aux conditions de leurs créations. Notons que même, quand la Gauche prit le pouvoir en 1936, les intérêts fondamentaux du capital furent préservés... comme d’ailleurs en 1945, sans parler de 1981.

Le protectionnisme arrangeait finalement tout le monde, le monde du capital et celui du travail. On s’organisait, on s’affrontait, on négociait au sein de la « niche économique nationale », à l’abri des influences extérieures... mais l’on arrivait tout de même à des compromis qui faisaient baisser la tension sociale et politique. Le capital avait les moyens de se payer la paix sociale et les salariés pouvaient arracher de substantiels avantages au capital.

Cette époque est terminée. Elle s’est terminée avec la décolonisation et la mondialisation du capital. Les Etats nation, et en particulier en Europe ont été vite dépassés par les nouvelles conditions du développement du capital à l’échelle mondiale.

... AU « PATRIOTISME ECONOMIQUE »

Voir derrière le « patriotisme économique », du « protectionnisme » n’est pas tout à fait absurde. L’Etat, n’importe quel Etat, ne peut plus se permettre d’utiliser le terme de protectionnisme surtout en cette époque de libéralisme économique où les Etats précisément se sont engagés à... se désengager de l’activité économique.

Contrairement au terme de « protectionnisme », le terme de « patriotisme » échappe au domaine des catégories économiques, c’est d’ailleurs pour cela qu’on l’affuble du terme « économique ». C’est une subtilité sémantique qui permet de ne pas appeler un chat, un chat, qui permet de ne pas être mis en demeure de s’expliquer clairement sur ses intentions, auprès de ses partenaires et concurrents.

Dans les faits c’est du double langage si cher aux politiciens, qui noient le poissons en rassurant les concurrents économiques en même temps que le « bon peuple » inquiet de l’évolution économique qui a ainsi l’impression que l’Etat défend toujours ses intérêts.

Le « patriotisme économique » est au « protectionnisme » ce que le « demandeur d’emploi » est au « chômeur », l’ « ouverture du capital » à la « privatisation », le « plan social » au « licenciement ». On change les termes pour atténuer la rigueur de ce qu’ils représentent.

CONTOURNER UN TABOU

Pourquoi ce retour camouflé à ce qui pourrait apparaître, et qui est d’une certaine manière, comme du « protectionnisme » ? Simplement parce que le fonctionnement libéral du système marchand est générateur de tensions dangereuses.

La conception libérale du fonctionnement du système marchand qui fait du marché, et de lui seul, le mécanisme à la base de toute relation sociale n’oublie qu’une chose : l’humain. L’être humain avec ses besoins, ses désirs, ses hésitations, ses valeurs, ses espoirs et ses craintes, ses comportements rationnels mais aussi irrationnels. Aucune mécanique, aussi bien conçue soit-elle, ne pourra intégrer toutes ces données... C’est pourtant le pari fait par les libéraux.

Cette logique de « déshumanisation » des rapports sociaux, même les libéraux les plus « purs et durs » n’y croient pas. Ils savent qu’une telle problématique conduira à terme à la catastrophe sociale, autrement dit à la déstabilisation du système marchand. Leur rigueur théorique dans la définition d’un ordre économique et social fondé uniquement sur des mécanismes de marché doit être pondérée, pour éviter l’explosion, par des interventions publiques qui garantissent l’ordre social en accordant des miettes. La répression joue certes un rôle important dans cette logique, mais elle ne règle pas tout. Il faut, à certains moments de tension, de conflit, de risque d’explosion,... ou de proximité d’élections, donner des gages concrets de ce qui pourrait être de la « justice sociale », de répartition équitable, bref donner l’illusion que le système est « humain ».

C’est ce à quoi s’emploient, avec plus ou moins de succès, les politiciens. Ils gagnent ainsi à la fois, du temps et provisoirement la confiance de celles et ceux qu’ils trompent.

L’appel au « patriotisme économique » n’a pas d’autre fonction que de donner le change formel au « froid calcul égoïste » de la marchandise. A transcender la rigueur du calcul financier par un recours à des « valeurs » qui, dans le passé, ont su faire illusion.

Monde de faux fuyant, d’apparences, de double discours, d’intentions suggérées, de promesses garanties sur rien,... l’important c’est que la grande masse y croit et que la valorisation du capital puisse être assurée moyennant quelques concessions sans importances. Le tabou du « protectionniste », inavouable est contourné. La face est sauvée et avec elle le système.

La « patrie en danger » a toujours était payante... on l’avait timidement inaugurée dans le domaine économique, il y a quelques années, avec le « Achetons français »... On fait désormais les choses sur une plus grande échelle.

Que pouvons nous réellement en attendre ? Rien bien sûr...ça comme du reste. Mais l’illusion durera peut être jusqu’en 2007... et là n’est-il pas l’essentiel pour les politiciens ?

3 juin 2006                                                     

SUR LE « PATRIOTISME ECONOMIQUE »

C’est la tarte à la crème du gouvernement actuel, le hochet qui doit permettre de faire passer les conséquences du libéralisme ambiant. C’est la version économique de la « Patrie en danger »... ce n’est plus « Aux armes citoyens » mais « Aux bourses citoyens ».

« Patriotisme économique » est une contradiction dans les termes, il suffit pour le démontrer d’expliquer comment fonctionne le capital.

DU PROTECTIONNISME...

Il faut bien le reconnaître, il y a eu une période où le « patriotisme économique » a existé. Pourtant à cette époque ce n’est pas ce terme que l’on employait, c’était le terme « protectionnisme ». Etre protectionniste c’était, et c’est, protéger à l’intérieur de frontières plus ou moins étanches, le développement d’un, de son, système économique.

Dans sa prime jeunesse, le système marchand s’est développé au sein de ce que l’on nomme les « Etats nation ». D’ailleurs, au 19e siècle les Etats-nation se sont constitués dans la dynamique du développement du système marchand : c’est le cas en particulier de l’Italie et de l’Allemagne qui, pour devenir de grandes puissances font, à cette époque, leur unité politique... de même que les USA.

En ce temps là, la mondialisation telle qu’on la connaît aujourd’hui n’existait pas, du moins dans sa forme actuelle. Le capital, ou plutôt les capitaux, avaient respectivement leurs centres stratégiques et productifs, géographiquement et politiquement identifiables : les grandes puissances industrielles... et lorsque ces grandes puissances se sont multipliées, au cours du 19e siècle, elles ont commencé à se protéger. Leurs concurrences entraînaient d’ailleurs directement des conflits inter-nationaux. Les classes possédantes avaient un grand sens national, patriotique dans la mesure où leurs intérêts économiques coïncidaient avec ceux de l’Etat-nation - la 1er Guerre Mondiale est la plus parfaite illustration de cette guerre inter-capitaliste.

L’ « unité nationale » se confondait alors avec l’ « unité économique ». Cette alliance « sacrée » donnait sur le plan moral le patriotisme et sur le plan politique le nationalisme... la frontière entre les deux étant plus que floue.

Le patriotisme et le nationalisme présentaient l’immense avantage de défendre sous couvert de soit disantes valeurs morales et politiques le « système marchand national » autrement dit les intérêts locaux du capital.

L’Etat, garant du l’existence et de la valorisation du capital pouvait jouer sur les deux tableaux : défendre l’unité nationale et les intérêts locaux du capital national.... Ce qui ne l’empêchait d’ailleurs pas d’aller au bord de la guerre civile, toujours du côté du capital, dans le conflit des classes sociales qui s’affrontaient, au sein même de l’Etat-nation, quant au partage des richesses et aux conditions de leurs créations. Notons que même, quand la Gauche prit le pouvoir en 1936, les intérêts fondamentaux du capital furent préservés... comme d’ailleurs en 1945, sans parler de 1981.

Le protectionnisme arrangeait finalement tout le monde, le monde du capital et celui du travail. On s’organisait, on s’affrontait, on négociait au sein de la « niche économique nationale », à l’abri des influences extérieures... mais l’on arrivait tout de même à des compromis qui faisaient baisser la tension sociale et politique. Le capital avait les moyens de se payer la paix sociale et les salariés pouvaient arracher de substantiels avantages au capital.

Cette époque est terminée. Elle s’est terminée avec la décolonisation et la mondialisation du capital. Les Etats nation, et en particulier en Europe ont été vite dépassés par les nouvelles conditions du développement du capital à l’échelle mondiale.

... AU « PATRIOTISME ECONOMIQUE »

Voir derrière le « patriotisme économique », du « protectionnisme » n’est pas tout à fait absurde. L’Etat, n’importe quel Etat, ne peut plus se permettre d’utiliser le terme de protectionnisme surtout en cette époque de libéralisme économique où les Etats précisément se sont engagés à... se désengager de l’activité économique.

Contrairement au terme de « protectionnisme », le terme de « patriotisme » échappe au domaine des catégories économiques, c’est d’ailleurs pour cela qu’on l’affuble du terme « économique ». C’est une subtilité sémantique qui permet de ne pas appeler un chat, un chat, qui permet de ne pas être mis en demeure de s’expliquer clairement sur ses intentions, auprès de ses partenaires et concurrents.

Dans les faits c’est du double langage si cher aux politiciens, qui noient le poissons en rassurant les concurrents économiques en même temps que le « bon peuple » inquiet de l’évolution économique qui a ainsi l’impression que l’Etat défend toujours ses intérêts.

Le « patriotisme économique » est au « protectionnisme » ce que le « demandeur d’emploi » est au « chômeur », l’ « ouverture du capital » à la « privatisation », le « plan social » au « licenciement ». On change les termes pour atténuer la rigueur de ce qu’ils représentent.

CONTOURNER UN TABOU

Pourquoi ce retour camouflé à ce qui pourrait apparaître, et qui est d’une certaine manière, comme du « protectionnisme » ? Simplement parce que le fonctionnement libéral du système marchand est générateur de tensions dangereuses.

La conception libérale du fonctionnement du système marchand qui fait du marché, et de lui seul, le mécanisme à la base de toute relation sociale n’oublie qu’une chose : l’humain. L’être humain avec ses besoins, ses désirs, ses hésitations, ses valeurs, ses espoirs et ses craintes, ses comportements rationnels mais aussi irrationnels. Aucune mécanique, aussi bien conçue soit-elle, ne pourra intégrer toutes ces données... C’est pourtant le pari fait par les libéraux.

Cette logique de « déshumanisation » des rapports sociaux, même les libéraux les plus « purs et durs » n’y croient pas. Ils savent qu’une telle problématique conduira à terme à la catastrophe sociale, autrement dit à la déstabilisation du système marchand. Leur rigueur théorique dans la définition d’un ordre économique et social fondé uniquement sur des mécanismes de marché doit être pondérée, pour éviter l’explosion, par des interventions publiques qui garantissent l’ordre social en accordant des miettes. La répression joue certes un rôle important dans cette logique, mais elle ne règle pas tout. Il faut, à certains moments de tension, de conflit, de risque d’explosion,... ou de proximité d’élections, donner des gages concrets de ce qui pourrait être de la « justice sociale », de répartition équitable, bref donner l’illusion que le système est « humain ».

C’est ce à quoi s’emploient, avec plus ou moins de succès, les politiciens. Ils gagnent ainsi à la fois, du temps et provisoirement la confiance de celles et ceux qu’ils trompent.

L’appel au « patriotisme économique » n’a pas d’autre fonction que de donner le change formel au « froid calcul égoïste » de la marchandise. A transcender la rigueur du calcul financier par un recours à des « valeurs » qui, dans le passé, ont su faire illusion.

Monde de faux fuyant, d’apparences, de double discours, d’intentions suggérées, de promesses garanties sur rien,... l’important c’est que la grande masse y croit et que la valorisation du capital puisse être assurée moyennant quelques concessions sans importances. Le tabou du « protectionniste », inavouable est contourné. La face est sauvée et avec elle le système.

La « patrie en danger » a toujours était payante... on l’avait timidement inaugurée dans le domaine économique, il y a quelques années, avec le « Achetons français »... On fait désormais les choses sur une plus grande échelle.

Que pouvons nous réellement en attendre ? Rien bien sûr...ça comme du reste. Mais l’illusion durera peut être jusqu’en 2007... et là n’est-il pas l’essentiel pour les politiciens ?

3 juin 2006                                                                    Patrick MIGNARD

Voir aussi les articles :

« CONTESTATION SOCIALE ET IMPUISSANCE POLITIQUE »

« LE FAUX HUMANISME DE LA MARCHANDISE »

 

            

 

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