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Publié dans : #matiere a reflexion

LE VRAI/FAUX POUVOIR DES MEDIAS

Les médias occupent l’intégralité de l’espace social et politique, mais bien au-delà, ils occupent les consciences et même, ce qui est plus grave, les modèlent, les déterminent dans leurs comportements y compris militants.

Pourtant ce pouvoir exorbitant est en réalité très relatif. A l’exemple de la religion qui durant des siècles a modelé les consciences, leur pouvoir n’est pas « leur » pouvoir, mais celui que nous leur prêtons.

LE PRIVILÈGE DES POUVOIRS

Tous les pouvoirs, quels qu’ils soient et à toutes les époques ont utilisé de la magie, de la religion, de l’illusion, tout cela plus ou moins baptisé « information » pour asseoir leur hégémonie et tenir dans une médiocrité intellectuelle les individus qu’ils exploitaient.

D’un système d’information religieuse nous sommes passés à un système d’information marchande. Privilèges du pouvoir religieux, allié direct, et intégralement partie prenante des classes dominantes dans le système féodal, l’information et la communication sont aujourd’hui au service des principes du fonctionnement du Capital… Ils font même mieux, nous allons le voir, ils sont un secteur de la valorisation du Capital.

Nombreuses et nombreux sont celles et ceux qui trouvent scandaleuse cette situation et considèrent qu’un système de communication devrait exister indépendamment des forces économiques et politiques. Il est vrai que le pouvoir religieux ne prenait pas autant de précaution en matière d’indépendance et assumait en toute clarté l’asservissement de l’information à ses propres intérêts… qui étaient évidemment ceux de Dieu. Aucune contestation n’étant alors plus possible.

Le système marchand a eu lui l’idée ingénieuse de faire croire, puisqu’il était, et est, « démocratique » ( ?), que les pouvoirs étaient, devaient être « indépendants » les uns des autres depuis le 18e siècle, y compris, depuis, ce « quatrième pouvoir » que l’on nomme INFORMATION. Ceci est évidemment faux,… mais ça marche, tout le monde, ou à peu près le croit, l’Université l’enseigne,… là est l’essentiel.

Il est en effet impensable d’imaginer qu’un pouvoir, garant d’un système d’exploitation, générateur d’inégalité et d’exclusion, puisse laisser autonome, indépendant, le traitement de l’information, surtout à une époque où les moyens de communication sont hyper développés. Si la main mise n’est pas explicite, elle en est tout au moins implicite et la structure du système marchand présente l’intérêt exceptionnel de rendre cette possession pas du tout évidente.

L’INFORMATION – MARCHANDISE

En effet, ce qui est un véritable totalitarisme dans la domination de l’appareil d’information n’apparaît pas en tant que tel. Il n’y a pas comme dans un système explicitement totalitaire une chape de plomb bureaucratique. Formellement la liberté règne, mais elle règne dans le sens que l’entend la marchandise c’est-à-dire que seuls ceux qui en ont les moyens financiers peuvent prétendre, de manière indépendante, à l’expression et à l’information. Certes, des exceptions existent, comme le Canard Enchaîné et de petites maisons - associations d’édition, mais ce sont des exceptions qui ne remettent pas en question le principe de base qui est celui de l’argent. Ces exceptions sont même, pourrait-on dire, la caution « démocratique » du système dominant. Les grands moyens d’information, écrits, audio et visuels sont entre les mains de puissances financières jalouses de ce qui constitue une puissance marchande, et fonctionnent sur le marché boursier comme n’importe quelle autre entreprise capitaliste.

Les médias sont certes médiocres, mais ils sont avant tout marchands, comme étaient religieux les « mystères », saynètes religieuses jouées autrefois sur les parvis des églises et que nous trouverions, aujourd’hui, tout à fait ridicules et scandaleusement infantilisantes.

Ne parlons pas de la publicité qui structure de plus en plus l’espace médiatique et qui est l’empreinte la plus évidente de l’omniprésence de la marchandise dans celui-ci. Publicité qui constitue également le principal financeur des médias.

Publicité, jeux, séries commerciales, sport, informations triées en fonction de l’impact publicitaire, constituent l’essentiel du paysage médiatique marchand.

L’intérêt de l’information ne réside pas dans le fait d’informer le public, mais dans ce que cette information va pouvoir apporter en taux d’audience : « sang, cul, jeux/sports » constituent le tiercé gagnant du monde médiatique.

Dans cette logique le pouvoir y trouve un double intérêt :
- en tant que garant du règne de la marchandise il favorise le développement d’un secteur quasiment industriel aux profits mirifiques ;…

- il développe un secteur particulièrement débile sur le plan intellectuel permettant de maintenir le « bon peuple » dans l’inconscience et l’inaction politique.

Il faut honnêtement reconnaître que le système est tout à fait efficace dans cette entreprise et ce, dans tous les pays.

UNE SOUMISSION GÉNÉRALISÉE

Ce système médiatique fonctionne en effet apparemment à la satisfaction générale. La frange de la population qui le dénonce est très réduite et la culture médiatique marchande a été universellement adoptée.

Le système médiatique encadre et rythme les grandes activités de la société civile. Des journaux d’information vis-à-vis desquels on est dépendant pour « savoir ce qui se passe », aux reportages sportifs sur lesquels on s’aligne pour organiser ses propres activités, la vie de la société civile est dépendante du système médiatique… et pas seulement télévisuel, mais même de la radio et des journaux dont les colonnes reflètent ou non ce que bon leur semblent.

Même les militants en sont à calquer leurs heures de manifestations et leurs déclarations pour les faire coïncider avec les horaires des informations télévisées. La présence ou non de journalistes - avec caméras de préférence - est un facteur ou non de réussite d’une mobilisation.

A la limite une manifestation non couverte médiatiquement n’existe pas.

Le spectaculaire se vendant bien, la contestation s’adapte à cette donnée marchande au point qu’il est aujourd’hui acquis qu’une manifestation violente, où, par exemple, des voitures sont brûlées, est sure de faire la une des médias. N’a-t-on pas vu des « journalistes » payer des « casseurs » pour faire des scoops ? N’a-t-on pas vu le pouvoir utiliser politiquement des faits divers largement médiatisés pour faire basculer l’opinion à la veille d’élections ?

Devant un tel déferlement de suivisme, de servilité, de bassesse, de mauvais foi et finalement… d’efficacité, il est tout à fait compréhensible que les médias se sentent tout puissants et que le pouvoir désire frénétiquement les contrôler… indirectement… pour sauver les apparences

Il est en effet aujourd’hui de notoriété publique que personnel politique et personnel des médias sont deux catégories qui s’interpénètrent largement – et ce, au sens propre comme au sens figuré. Le pouvoir des « patrons » de presse et autres médias, est suffisamment considérable pour que le Pouvoir s’y intéresse particulièrement. Quand ils ne sont pas directement nommés par le Pouvoir, comme dans le cas du service dit « public », les « patrons » des médias entretiennent des relations très étroites avec les hommes du Pouvoir. Il n’est qu’à constater la servilité des médias quand une grande échéance électorale se profile.

Sportifs, chanteurs et acteurs courtisans et autres éléments de la faune de la jet-set qui vivent en parasite de la société, contribuent, en faisant fantasmer le « bon peuple » sur des évènements sordides, minables et inessentiels fidèlement rapportés par les médias, à maintenir le degrés zéro de la conscience citoyenne.

Pour les contestataires, c’est la portion minimale qui leur est réservée…. Et non seulement ils s’en contentent mais la revendiquent, risquant en cas de protestation de se voir réduits définitivement au silence. La plupart des organisations politiques ont intégrés ces règles du jeu et obéissent fidèlement quand on les siffle pour « passer à la télé ».

Les rares journalistes sérieux et indépendants sont vite mis sur la touche ainsi que leurs émissions déplacées (« LA-BAS SI J’Y SUIS »), voire carrément annulées (« ARRET SUR IMAGE »).

Aux marges du système médiatique on trouve tout ce qui, aux yeux du pouvoir politico-commercial ne compte pas ou presque pas.

Tout ce qui peut-être envahi par la marchandise l’est irrémédiablement… généralement par la publicité qui fini par contrôler le journal, la radio… et en faire un support commercial.

On trouve, en cherchant bien, quelques îlots sains, des canaux, payants, sur satellites ou le câble avec des programmes de qualité, mais là encore faut-il faire l’effort, en particulier financier, pour y accéder.

Ainsi, la connaissance, la culture qui pourraient être largement aidées par les moyens modernes de communication sont ainsi laissées en friche et dans un état indigent par un système médiatique entièrement soumis aux intérêts financiers et idéologiques du Capital.

ALTERNATIVE ET MEDIAS

Il faut absolument se convaincre, et convaincre, que ce ne sont pas les médias qui font l’Histoire, même s’ils arrivent à manipuler l’actualité.

Les médias nous poussent à faire dans le spectaculaire sous prétexte de « popularisation », or, le traitement médiatique de l’évènement n’est que de pure forme, totalement soumis aux intérêts de l’ « information - marchandise »

Les rapports qu’entretiennent les militants alternatifs avec les médias sont souvent malsains. Ceux-ci, en particulier les chaînes de télévision, poussent à ce type de rapport en faisant miroiter le vedettariat.

La construction d’un évènement, d’une manifestation se fait généralement en fonction des critères médiatiques, par peur qu’ils ne viennent pas « couvrir » l’évènement, pas en fonction d’un projet stratégique d’ensemble… Conclusion, on a l’illusion momentanée de l’efficacité… en fait l’évènement n’est qu’un « feu de paille ».

Apprenons à nous passer des médias. A ne pas faire pour eux, mais pour nous, en fonction de notre propre projet, de notre propre stratégie. Si ça leur plaît, tant mieux, sinon, peu importe.

Ils ne sont pas avec nous et ne sont pas fait pour nous Ils ne fonctionnent pas sur notre logique, ils n’ont aucun de nos objectifs. Nous n’en avons rien à attendre d’essentiel. Il vaut mieux faire quelque chose de construit, non médiatisé, qu’une belle manifestation qui passera à la télé. S’ils viennent c’est bien, s’ils ne viennent pas, tant pis.

La question de l’information est importante pour populariser nos projets et nos actions. Il faut se donner des moyens de communication pour assumer cette fonction, certainement d’une autre manière que ne le font aujourd’hui les médias. Internet est un bon exemple de ce qui peut être fait.

Patrick MIGNARD
27 Avril 2008

Voir aussi :
« COMMUNICATION ET POLITIQUE »
« HOMO MEDIATICUS »
« LA DICTATURE DES APPARENCES »

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Publié dans : #matiere a reflexion

QU’EST-CE QUE CONSTRUIRE UNE ALTERNATIVE ? (4)

Echec de la mondialisation, échec à la mondialisation

La mondialisation marchande est un échec dans tous les domaines, économique, éthique, social et écologique ; mais cette mondialisation non seulement domine mais fait peur par sa globalisation.

Qui n’a pas entendu maintes fois la remarque suivante, ou à quelques variantes près : « le système est mondial, on n’aura jamais les moyens de l’affronter et de l’abattre »

Pourtant, si l’on regarde l’Histoire, il en a été de même pour tous les systèmes dominants qui apparaissaient indépassables,…. Tous ont tout de même disparu malgré leur puissance apparente.

UN SYSTEME APPAREMMENT VERROUILLE

Il est exact que le système marchand, pour la première fois dans l’histoire de l’Humanité est un système à l’échelle planétaire. Rien ni personne n’en est à l’abri. C’est un système totalisant (global), et totalitaire, en ce sens qu’il ne laisse, à priori, aucune autre alternative et semble capable soit d’absorber toute nouvelle structure, soit la dénaturer au point de la faire disparaître.

Considéré dans sa totalité et sa logique il apparaît comme indépassable ce qui est à l’origine du sentiment d’impuissance et de désespérance pour celles et ceux qui souhaiteraient « changer ». Les autres sombrant dans une forme de fatalisme qui en assure la pérennité.

Jusqu’à présent, toute tentative, réformiste comme révolutionnaire a échoué. Le système « retombe toujours sur ses pieds » avec encore plus de vigueur. Même ses crises structurelles, aussi bien économiques, financières, qu’idéologiques ne l’ont apparemment pas affaibli.

Hors du capitalisme point de salut ?

Il est évident qu’avec les moyens dont nous disposons, avec la stratégie – si tant est que ce soit une stratégie- de changement que nous croyons avoir,… on ne pourra rien changer, on ne pourra que subir,… ce que nous faisons depuis des années. Nous n’avons aucun dispositif qui soit capable d’enrayer les mécanismes de marché et de bloquer rapidement son fonctionnement… sinon une bonne volonté (boycott par ci, boycott par là !), qui n’est jamais été, dans les faits, collective donc jamais opérationnelle.

Pourtant, un système dominant n’est indestructible qu’en apparence… l’Histoire nous le démontre à tous les stades du développement des civilisations humaines.

Ce serait cependant une erreur de ne compter que sur le développement ultime de ses contradictions,… et espérer par là même un changement, une alternative. Ceci est d’autant plus vrai, dans le cas du système marchand, que le stade ultime du développement de ses contradictions ne peut déboucher que sur la « barbarie sociale » et la mort de la planète. L’action politique est donc indispensable… et même urgente.

UTILISER NOTRE FAIBLESSE COMME UNE FORCE

Ce n’est pas qu’une technique d’arts martiaux… l’Histoire nous montre que ce sont les petites structures, insignifiantes à une époque, qui ont réussi à supplanter et à carrément évincer des systèmes qui apparaissaient comme indestructibles.

Face à l’énormité du système, un affrontement direct est voué à l’échec et ce pour deux raisons essentielles :

- il s’est doté d’une défense (militaire, policière, idéologique) qui dépasse largement nos capacités offensives ;

- nous n’avons, concrètement, rien d’alternatif à proposer,… sinon nos idées et notre « bonne volonté »… on sait ce que ça a donné dans le passé.

Notre faiblesse est constituée par quoi ?

- nous n’avons pas le pouvoir, eux l’ont… mais ça n’est paradoxalement pas le point le plus important ;

- nous sommes « verrouillés », conditionnés, déterminés dans des rapports sociaux qui sont les leurs… et là est leur force essentielle.

Si le système marchand, par son histoire, par sa logique et par le fait qu’il existe en fait et est dominant, arrive à « structurer » l’ensemble de la planète, nous, à notre niveau et avec nos forces, nous en sommes bien incapables…. Et tous nos prédécesseurs depuis plus d’un siècle en ont été incapables.

Envisager d’emblée une stratégie et une action à l’échelle mondiale est totalement irréaliste, cela voudrait dire que nous ayons des outils à la dimension du système que nous combattons,… ce qui n’est pas le cas… Rappelez vous des « Internationales », des « Forums Sociaux Mondiaux » qui ont fait long feu !…

Il nous faut apprendre à être plus modestes pour être plus puissants.

Notre force réside dans la réalité sociale que nous sommes capables de créer…. En marge, en parallèle, voire en opposition avec la réalité sociale marchande - voir QU’EST-CE QUE CONSTRUIRE UNE ALTERNATIVE (3).

C’est ce « penser global, agir local » que le mouvement altermondialiste, qui le rabâche dans ses discours, est incapable, depuis dix ans, de mettre en pratique. Pourtant les éléments nous les avons « sous la main ».

Cette stratégie déroge effectivement aux vieux schémas allégoriques du « grand soir » et des « épopées révolutionnaires ».. c’est vrai ! Mais quand on sait ce qu’ont donné ces pratiques…

Posée ainsi, la stratégie politique peut aller à la « conquête du monde », mais pas comme on l’avait imaginé – à tord – jusqu’à présent.

Une telle conception stratégique permet en effet, à la fois de fonder une pratique alternative en respectant les spécificités locales – la culture, les rythmes, les particularités, les expériences,…, et de s’auto éduquer à de nouvelles relations sociales, à une nouvelle éthique.

Fédérée nationalement et internationalement, en respectant les rythmes forcément différents, une telle conception constitue une stratégie face au Capital. Pas une stratégie de contournement, au contraire, une stratégie qui le prend sur son propre terrain celui de l’organisation de la vie quotidienne… prouvant ainsi peu à peu que les lois, les principes, l’éthique qui sont les siens sont aujourd’hui obsolètes, dangereux et insatisfaisants.

Mais comment se sont constituées les grandes civilisations, les grand systèmes dans l’Histoire, sinon ainsi…

Arrêtons d’avoir une « vision hollywoodienne » de l’Histoire qui nourrit nos fantasmes de grandeurs et nos appétit de pouvoir absolu.

Arrêtons de reproduire les mêmes pratiques qui ont toutes conduit à des erreurs tragiques.

Face à la mondialisation marchande, imposons par notre pratique, à notre niveau et en concertation avec les autres régions du monde, l’autosuffisance alimentaire dans un premier temps, une collaboration plus large par la suite.

Vue sous cet angle, la domination du Capital apparaît comme dépassable.

La volonté d’en découdre globalement avec le système nous condamne à l’échec. Les générations qui nous ont précédé ont payé très cher cette vision aberrante du combat politique et des lois de l’Histoire. Il est temps de repenser notre action.

Patrick MIGNARD

Avril 2008

Voir aussi :

QU’EST-CE QUE CONSTRUIRE UNE ALTERNATIVE ? (1) (2) (3).

« MANIFESTE POUR UNE ALTERNATIVE »

Publié par PM sur
Publié dans : #matiere a reflexion

QU’EST-CE QUE CONSTRUIRE UNE ALTERNATIVE ? (3)

Quelle stratégie pour quel « monde nouveau »?

Cette stratégie doit d’abord se fonder sur une déconstruction de notre conception de l’Histoire et par voie de conséquence de ce qui constitue les luttes sociales et l’action politique. C’est une action difficile car elle remet en question tout ce que nous sommes en tant qu’acteurs politiques et sociaux et qui a été édifié par plus d’un siècle d’engagement et d’action politique.

Nous avons une puissance d’anticipation et d’imagination de ce que nous souhaiterions être qui dépasse largement ce dont nous sommes capables d’être. Notre être social, dans son devenir est très en deçà de nos projections intellectuelles. C’est le vivre social qui nous détermine dans notre devenir, pas, magiquement, nos désirs.

REPENSER LES LUTTES

La répétition mécanique de formes de luttes, qui ont été efficaces à la fin du 19e siècle et une bonne partie du 20e siècle, pour améliorer les conditions sociales, dans des conditions où le rapport de force était favorable aux salariés et où le capital pouvait se « payer la paix sociale », conduit aujourd’hui au fiasco.

Qu’il s’agisse de la grève, de la manifestation ou autre forme de lutte, il n’est plus possible d’en user et d’en abuser inconsidérément – comme c’est le cas actuellement - sachant que l’on n’obtient plus rien. Or, bureaucraties syndicales et politiques ne savent pas faire autre chose et nous maintiennent dans cette impasse.

« Lutter », « se mobiliser », sont des termes qui ont perdu en grande partie tout leur sens. Ce sont des mots devenus magiques, à forte charge affective, utilisés à profusion dans les déclarations enflammées qui donnent l’illusion de ….

Adapter ces formes de luttes aux nouvelles conditions d’existence du système marchand, et aux marges de manœuvres et possibilités qu’il nous offre, est indispensable pour ne pas sombrer dans la lassitude et la démobilisation. Par exemple développer la lutte pour la gratuité, généraliser la désobéissance civique, transformer des occupations en reprise de l’entreprise par les salariés,…

Il ne s’agit pas de nier toutes les formes de luttes existantes mais d’en repenser la forme, la portée et les intégrer dans une stratégie globale.

Ces nouvelles formes de luttes sont évidemment hors de portée et de pensée des organisations traditionnelles encroûtées dans la routine bureaucratique.

Mais ça, quoique important, n’est pas le plus déterminant.

La résistance au système dominant n’a de sens que si elle prend une forme offensive, alternative et constructive,… pas seulement défensive, autrement dit si elle forge une stratégie qui aujourd’hui n’existe pas.

REPENSER LA TRANSFORMATION SOCIALE

D’abord et surtout repenser le rapport au Pouvoir.

Aussi paradoxal que cela puisse paraître, nous savons désormais que ce qui fonde la transformation ce n’est pas la possession du Pouvoir. – qu’il ait été pris par l’insurrection ou par les urnes.

Ce qui fait la crédibilité, la validité, la viabilité d’un système nouveau c’est l’alternative qu’il offre au système dominant décadent.

Ce qui fait la décadence du système dominant, c'est-à-dire sa faiblesse et la possibilité de son dépassement, c’est non seulement le développement de ses contradictions, mais aussi et surtout le fait qu’il existe une alternative viable et crédible.

C’est cette problématique qui doit fonder notre pratique politique, c’est elle qui niée, a conduit à tous les échecs du 20e siècle.

Cette problématique, totalement étrangère, aux soit disantes stratégies – aujourd’hui purement électorales - de changement des organisations « révolutionnaires » ou assimilées, ne peut prendre son véritable sens, et son opérationnalité que dans une pratique concrète, un engagement de chacun et progressivement de toutes et tous dans la construction de structures alternatives.

L’ALTERNATIVE COMME PRATIQUE SOCIALE

Il faut que la pratique – la praxis - que nous mettons en place réponde à deux impératifs :

- c’est une manière de vivre socialement qui entraîne – par sa qualité - l’adhésion, progressivement, du plus grand nombre,

- face aux contradictions et aux aberrations du système marchand, ce nouveau mode doit devenir peu à peu incontournable.

Ces deux impératifs correspondent en fait à une double action indispensable à tous les changements :

- un évolution de l’esprit, de la conscience, un apprentissage de nouvelles relations sociales, d’une nouvelle éthique au travers du faire collectif ;

- la création d’un rapport de force progressif face au système marchand dominant décadent.

Ainsi l’alternative n’est alors plus un simplement un mot à la mode, un argument de tribune,… bref un concept vide – ce qu’il est aujourd’hui -, mais une réalité qui prend tout son sens dans la vie quotidienne et dans les perspectives concrètes qui s’ouvrent.

Ainsi l’alternative devient l’outil concret, ayant une réalité sociale qui permet de jeter les bases de nouveaux rapports de production et de distribution des richesses.

UNE STRATEGIE METHODIQUE

Par où commencer ?

La réponse est simple : partout où c’est possible, partout où le besoin s’en fait sentir, partout où il y a des hommes et des femmes motivé-e-s qui en ressentent le besoin, l’urgence, la nécessité. La mise en place de structures de « circuits courts », de réseaux, n’est pas un luxe d’intellectuel progressiste mais une nécessité vitale pour assurer la qualité de la vie et la survie de la planète.

Ne posons pas le problème en terme global : faire tout, tout de suite et avec tout le monde à la fois. Cela n’est pas possible.

Il n’y a pas de hiérarchie, de plans préétablis, il y a des possibilités, des opportunités. On démarre là où c’est possible, avec celles et ceux qui veulent, qui peuvent, qui souhaitent, dans toutes les branches de l’activité économique, à l’occasion de décisions collectives, d’évènements particulier (conflits, luttes, occupations d’entreprises,…).

Ca a déjà commencé !

Nous ne partons pas de zéro. Déjà, en France et dans d’innombrables pays développés et moins développés, des structures alternatives, plus ou moins formelles existent, dans l’agriculture, dans l’industrie (en Argentine par exemple).

Produits de la décomposition du système marchand, avec des hommes et des femmes qui cherchent de nouvelles manières de vivre (Système d’Echanges Locaux, Associations pour le Maintien de l’Agriculture Paysanne,…), ou redécouverte de vieilles structures solidaires comme la structure de la coopérative (par exemple les Coopératives d’Utilisation du Matériel Agricole),…Toutes ces initiatives doivent être considérées comme des éléments de la constitution de la nouvelle stratégie.

Toutes ces structures doivent se fédérer – et non se centraliser- pour constituer un nouveau tissu social et économique alternatif au système marchand.

Le système dominant réagira, c’est une évidence, mais alors un rapport de force pourra s’établir sur des bases identiques au siennes : l’organisation sociale… Chose qui n’existe pas aujourd’hui, le « rapport de force » nous étant systématiquement défavorable… la preuve ? il suffit de voir le résultat de nos luttes.

Bien sûr, ce n’est pas un « renversement radical » du capitalisme comme l’ont rêvé mythiquement, à tort, plusieurs générations de nos prédécesseurs, mais c’est par contre à n’en pas douter certainement plus réaliste quant à ce qu’est l’Histoire pour sortir du marécage politique, social et écologique dans lequel nous nous enfonçons

Il n’y a pas et n’y aura pas de « Grand Soir de la Révolution », mais nous vivons aujourd’hui le Crépuscule du Système marchand.

Patrick MIGNARD

avril 2008

Voir également :

« MANIFESTE POUR UNE ALTERNATIVE »

Publié par PM sur
Publié dans : #matiere a reflexion

QU’EST-CE QUE CONSTRUIRE UNE ALTERNATIVE ? (2)

Les raisons de l’échec historique

L’échec est patent et incontestable nous l’avons vu, même s’il est refoulé au plus profond de l’inconscient d’une bonne partie des militants qui « veulent changer le monde ». Il s’agit dés lors d’essayer de comprendre le « pourquoi » de cette faillite générale. Entreprise difficile car entravée par la pesanteur idéologique de la pensée « critique » officielle… celle justement qui est à l’origine du désastre.

Revisiter l’Histoire est un travail indispensable, et cela sans à priori, sans préjugés, sans tabou. Ne plus expliquer les faits par les textes, mais soumettre la critique des textes par les faits.

LA PROBLEMATIQUE CENTRALE

Elle est fort séduisante et peut se résumer : le capitalisme système d’exploitation asservi principalement la classe ouvrière qu’il spolie de plus en plus, la concentre dans les usines, en fait une force de contestation qui en s’organisant, prendra le pouvoir et instaurera une société sans classe débarrassée de toute exploitation.

Au premier abord rien que de très logique. C’est cette vision, avec quelques adaptations idéologiques, qui s’est imposé dès le 19e siècle.

Cette problématique a rapidement produit une nouvelle dimension de l’action politique : l’organisation. En effet, il peut apparaît logique que pour mener à bien cette action, forcément concertée, nécessitant des moyens logistiques, une organisation existe.

Or, toute organisation pose, et posera toujours deux problèmes : celui du pouvoir effectif et de son contrôle, et le détachement progressif de ses membres de la réalité qu’ils représentent… autrement dit pose le problème de ce que l’on nomme la bureaucratisation.

Cette problématique centrale va se déchirer dès le 19e siècle sur cette question et donner naissance à différents courants dont aucun d’entre eux ne réussira, au cours du 20e siècle à faire la preuve de la justesse de son choix.

Mais il y a plus grave : le système capitaliste n’a pas évolué dans le sens « prévu ».

« TRAHIS » PAR LA REALITE

Plusieurs facteurs imprévus, du moins dans leurs conséquences, vont entraîner la faillite de la problématique centrale.

La lutte des salariés, leur combat pour l’amélioration de leurs conditions de travail et de vie, leurs revendications pour légaliser leurs organisations, vont, dans une certaine mesure, finalement aboutir…. entraînant non pas une aggravation des conditions des salariés mais une amélioration – augmentation du pouvoir d’achat, garanties sociales, légalisation des syndicats…

Pourquoi une telle évolution ? Parce que le système n’avait pas le choix, coincé dans ses Etats-nations industriellement développés, il devait pouvoir compter sur « sa » classe ouvrière qui représentait à la fois les producteurs et les consommateurs… et puis c’était l’époque où, à la tête de puissants empires coloniaux, le capitalisme avait les moyens de s’acheter la « paix sociale ».

Une telle situation a eu des conséquences incalculables, et en particulier l’effondrement de la problématique centrale. Même si « théoriquement » on parle toujours de « prise du pouvoir par les travailleurs », on ne passera jamais à la pratique dans les pays développés – cela même où devait, selon la théorie, se renverser, à brève échéance, le capitalisme ( ?). Les conditions de la classe ouvrière ne justifiant plus un passage en force pour l’accession au Pouvoir, la démocratie marchande ayant suffisamment donné de garanties (formelles et à peu de frais) quant à l’expression politique, on passera de la logique de la prise de pouvoir par la force à la logique de la prise de pouvoir par les urnes.

L’EXCEPTION SOVIETIQUE

On peut en effet parler aujourd’hui, d’exception, de parenthèse, à propos du « soviétisme »… et non d’une véritable alternative.

En effet, reprenant à son compte la « problématique centrale », les leaders soviétiques ont entraîné la Russie, plus tard la Chine,… dans une « marche forcée » vers ce qui devait être une « alternative au capitalisme » et qui s’est avéré être une impasse tragique. Pourquoi ?

La problématique centrale, inopérante dans les pays développés a été transposée mécaniquement dans des pays sous développés, croyant qu’ils constituaient des « maillons faibles » du capitalisme ( ?).

Sans préparation sociale, sans mise en place de structures de transition permettant d’établir une dualité économique, et par conséquent de pouvoir, par une simple pression idéologique, appuyée par une logistique militaire, une minorité, au regard de la population a fait une « révolution » qui s’est en fait avéré être un magistral et spectaculaire « coup d’Etat ». L’appareil du parti prenant le pouvoir et prétendant « faire le bonheur du peuple » a instauré un « ordre social nouveau »

Cette démarche s’est révélé rapidement absurde, irresponsable et à l’origine d’un véritable désastre social et politique… ceci étant aggravé par une situation internationale particulièrement défavorable (intervention étrangère).

Non contents d’assumer cette catastrophe, les « théoriciens révolutionnaires » du monde entier vont inciter les pays - sous développés – en voie de décolonisation à prendre la même voie qui finira inéluctablement dans le même désastre.

L’alchimie fatale, concoctée par ce que l’on appellera à l’époque le « mouvement communiste international » ruinera toute alternative au système marchand qui reprendra à la fin du 20e siècle toute la vigueur que nous lui connaissons aujourd’hui.

POURQUOI CET ECHEC ?

La raison tient probablement à une conception erronée de la « dialectique de l’Histoire », et remet évidemment en question la « problématique centrale » de départ.

Il n’y a aucun exemple dans l’Histoire d’une rupture radicale permettant de passer subitement d’un mode de production à un autre.

Il n’y a aucun exemple dans l’Histoire d’un changement de mentalité, de comportement de populations entières qui font leur des principes nouveaux de fonctionnement social.

Or, la problématique centrale est de fait fondée sur cette croyance. Ceci vient du fait qu’il y a une surdétermination aberrante de la logique de l’esprit humain qui consiste à croire que « si on veut le mieux, on le peut immédiatement », que l’adaptation et la mise en place de structures radicalement différentes peut se faire quasi instantanément si cette action est dirigée par une structure politique (le parti) qui en garantie la réalisation.

Une telle conception peut apparaître cohérente et satisfaisante sur le papier,… dans la réalité ça ne marche pas, et toutes les tentatives ont échoué.

Une société humaine ne se construit pas comme un moteur, c'est-à-dire en agençant logiquement des pièces en vue d’un mécanisme précis. Les relations sociales, les rapports sociaux sont le produit d’une évolution, d’une pratique sociale qui prend du temps (et oui !), passe par des échecs et des succès.

Ce n’est que lorsque l’ancien système est obsolète, a développé ses contradictions au point d’être insupportables et que les nouvelles structures sont opérantes, sont acceptées que le passage à un « autre monde » est possible.

Toutes les expériences de changement social au 20e siècle on fait fi de ces conditions, elles ont toutes brûlé les étapes et ont lamentablement échoué.

Toutes les stratégies des organisations politiques « révolutionnaires », altermondialistes, et autres fonctionnent, aujourd’hui, à quelques détails près sur ce modèle aberrant…. remplaçant la prise du pouvoir central par la violence (qui a échoué), par la prise du pouvoir central par les urnes (qui échoue toujours aussi systématiquement.

Si tout ceci est exact nos tâches sont claires :

- déconstruire la vision naïve et simpliste que nous avons de l’Histoire héritée du 19e siècle,

- reconnaître, en dépit de toutes nos réticences, du moins de celles de certains, l’échec total de cette vision et les catastrophes qu’elle a entraîné ;

- repenser la « dialectique de l’Histoire » et y adapter une nouvelle stratégie.

Avril 2008 Patrick MIGNARD

Prochain article :

QU’EST-CE QUE CONSTRUIRE UNE ALTERNATIVE ? (3)

Quelle stratégie pour quel « monde nouveau »?

Voir aussi :

« MANIFESTE POUR UNE ALTERNATIVE »

« CRITIQUE DU SOCIALISME » Edit. AAEL

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