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Publié dans : #matiere a reflexion

SYNDICATS : LA FIN ?

Question sacrilège diront certains.

Il ne s’agit pas d’une vision prémonitoire mais de ce que l’on peut tirer de l’expérience des mobilisations sociales – novembre 2007 et surtout du fiasco revendicatif absolu de mai 2008 sur fond de fantasme à propos de « mai 68 ».

Il ne s’agit pas non plus de dénoncer simplement ce que certains appellent la « trahison des directions syndicales » qui ont négocié par dessus la tête des salariés, et qui en mai 2008 se sont révélées totalement impuissantes… mais plutôt de l’expliquer.

La situation est en effet autrement plus grave qu’une simple « trahison de bureaucrates », c’est tout le sens de l’action syndicale qui est remis en question, c’est toute la question du problème de la riposte des salariés aux atteintes de leurs acquis et de leurs conditions de vie par le capital.

CONDAMNÉS A LA DÉFENSIVE

L’offensive conservatrice sans égal depuis un quart de siècle auquel doit faire face le monde salarié se fonde sur deux piliers déterminants et solides :

- l’absolue nécessité de rentabiliser le capital dans un monde marchand généralisé, ce que l’on appelle la « mondialisation »
- la perte de toute capacité sérieuse d’initiative des salariés due en grande partie à cette nouvelle répartition du travail…. entraînant un éclatement des forces.

Cette rentabilisation du capital, qui fonde le système en place depuis son origine, est devenue aujourd’hui un impératif catégorique qui, contrairement à une époque, où dominaient les « grands pays industriels développés », ne peut plus se permettre d’accorder des « avantages » à ses salariés.

La mondialisation marchande, en mondialisant les marchés des biens et services, mais aussi celui de la force de travail, a vidé la classe ouvrière des pays développés d’une grande partie de son potentiel offensif et l’a atomisé, mettant ainsi les gestionnaires du capital en position de force.

A l’époque où l’on pouvait arracher des concessions au capital et bénéficier de miettes substantielles, les syndicats jouaient un rôle essentiel dans l’amélioration des conditions de vie et de travail des salariés. Ils étaient en position essentiellement défensive mais des résultats étaient incontestablement obtenus.

Ce n’est plus du tout la même situation aujourd’hui.

UNE STRATÉGIE EN TROMPE L’OEIL

Bien sûr les directions syndicales ne peuvent pas reconnaître cette nouvelle situation,… il y va de leur survie. Reconnaître cette situation c’est reconnaître ses limites. Les salariés eux-mêmes ont du mal à l’admettre… ils maintiennent l’espoir illusoire d’une efficacité dans la lutte… ceci est tout à fait humain de leur part… Et ce d’autant plus qu’ils n’ont aucune stratégie de rechange, se reposant exclusivement sur les directives syndicales.

Le patronat et le Gouvernement pour leur part ont aussi intérêt à maintenir l’illusion pour éviter tout acte de désespoir… et de jouer le jeu du « conflit social sérieux » avec les syndicats… et de l’ « espoir de résultats »…. Sans parler du double discours sur la « volonté de dialogue ».

On assiste ainsi à une curieuse chorégraphie entre « partenaires sociaux » et l’Etat où chacun ment sur ses intentions… L’Etat et le patronat font mine de respecter les syndicats alors qu’ils savent pertinemment qu’ils n’ont aucune issue, et les syndicats jouent un rôle offensif, qui n’est en fait que défensif, alors qu’ils savent qu’ils seront obligés de céder…. et ce sont les salariés de base qui font les frais de cette escroquerie.

Les syndicats brassent de l’air, des promesses, des espoirs, en faisant croire aux salariés que l’ « on va voir ce que l’on va voir ». La situation de mai 2008 est significative à cet égard !

En fait il n’y a plus rien à voir : Gouvernement et patronat non seulement font passer leurs « réformes » mais taillent à la hache dans les « acquis sociaux » et ce, dans le silence assourdissant d’une « opposition » qui sur le fond est satisfaite que le « sale boulot » soit fait par la droite… car, ne nous faisons aucune illusion,… quand la « gauche » reviendra au pouvoir, elle entérinera les décisions prises par la droite – souvenez vous des privatisations !

LE SYNDICALISME D’ANTAN EST MORT

Bien sûr, les syndicats ne vont pas disparaître comme par enchantement, et ce pour trois raisons :

- le pouvoir a besoin d’interlocuteurs responsables, c’est-à-dire capables de canaliser le mécontentement,
- les syndicats sont des bureaucraties puissantes qui luttent pour leur survie,
- il va falloir du temps pour que la majorité des salariés constatent la situation impossible dans laquelle ils se trouvent et finissent par comprendre le rôle des uns et des autres… en l’absence de nouvelles structures,… ils vont se contenter d’un statut quo.

Mais le syndicat tel qu’on l’a connu, instrument de lutte pour défendre efficacement le salarié, est mort.

Alors que la défense était « payante » à l’époque où le Capital « pouvait payer »,… cette défense est aujourd’hui impossible… encore moins les « conquêtes ».

Le rôle aujourd’hui du syndicat est de faire passer en douceur les décisions du Capital… c’est exactement ce qui vient de se jouer, mais aussi, et ça se passe tous les jours, pour négocier des conditions pas trop pénibles de licenciement… « aménagement des plans sociaux » comme on dit pudiquement.

Le syndicat est devenu la confiture pour faire passer la pilule.

LE VIDE… « IL VAUT MIEUX ÇA QUE RIEN »

Si tout ce qui vient d’être dit est vrai, les derniers conflits sociaux l’ont clairement montré, malgré une mobilisation potentiellement conséquente, les syndicats n’ont plus les moyens de défendre les intérêts acquis, encore moins de prétendre à de nouvelles conquêtes sociales… tout juste organiser la débâcle.

Il sont bien évidemment incapables de procéder à un tel diagnostic, et ne veulent même pas en entendre parler… mais la question demeure : que faire à présent ?

Qui a la réponse à cette question ? A priori personne, pourtant elle est et demeure.

Ce vide, l’Etat et le patronat vont s’y engouffrer, élargir leurs conquêtes. Les principaux acquis sociaux et les bastions qui les défendaient ont été vaincus. C’est désormais la porte ouverte à toutes les atteintes… à la rupture, comme ils disent, avec la liquidation du modèle social si difficilement conquis par les salariés.

La stratégie de lutte est à revoir… aussi bien la défensive, qui vient de faire faillite, que l’offensive qui a été abandonnée depuis pas mal de temps et qui demande à être réinitialisée.

La culture de lutte qui était entretenue par les syndicats est entrain de se déliter…

Beaucoup de salariés en restent au constat simpliste : « Il vaut mieux ça que rien !... », « Il vaut mieux un syndicat faible que pas de syndicat du tout !... ». Cette remarque d’aparemment bon sens n’est en fait qu’un constat de capitulation et surtout un formidable obstacle à un ressaisissement en vue de l’avenir.

Ce fatalisme, entretenu par toutes les structures syndicales vermoulues et un patronat toujours prêt à liquider les acquis, est absolument à combattre non pas en ayant une attitude conservatrice (repli sur soi), mais en ouvrant des perspectives nouvelles.

Pessimisme diront certains… ce à quoi je répondrai : il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.

Patrick MIGNARD
 28 mai 2008

Voir aussi :
« ILS NE CEDERONT PLUS RIEN »
« LE TROISIEME AGE DU SYNDICALISME »
« LA REVOLUTION NEO CONSERVATRICE »
« CHRONIQUE D’UNE CAPITULATION NON ANNONCEE »
« LA DERNIERE ILLUSION »

 

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LA DERNIERE ILLUSION

 

Attention, aux yeux de certains ce texte est ravageusement pessimiste. Si vous êtes bardés de certitudes quand à la continuité des actions entreprises aujourd’hui,… passez votre chemin.

Il exprime pourtant une réalité qui va se confirmer dans les jours, voire les semaines, à venir : l’impuissance du mouvement de protestation face à la détermination du gouvernement.

L’absurde attitude de déni qui, depuis des années, a saisi les syndicalistes et les organisations politiques dites « progressistes » abouti peu à peu à un véritable grippage de l’action politique et une stagnation, aujourd’hui régression, du progrès social. Non seulement le système a réussi à faire rentrer dans sa logique toutes ces organisations, mais il est en passe de réussir dans la liquidation de tous les acquis sociaux obtenus depuis plus d’un siècle.

L’ILLUSION DE LA FORCE…

La montée du mécontentement si elle a un sens en soit, n’en demeure pas moins une incertitude et une improbable solution pour l’avenir. Ce n’est pas une question de masse critique, comme essaient de nous le faire croire les syndicats et les organisations politiques, qui à partir d’un certain seuil se transformerait en révolte... et plus.

La puissance des manifestations n’est somme toute que symbolique. Génératrice de flux d’adrénaline chez les participants, elles donnent une fausse idée de la puissance… il suffit d’entendre les commentaires naïvement enthousiastes après les manifestations.

Car quel est le but de la manifestation, de la grève de 24 heures, de la protestation massive ? Se faire entendre du gouvernement ? Mais il sait tout ça ! Il s’en fout et le proclame. Il sait qu’en dehors de cette « protestation », il n’y a rien d’autre… il suffit qu’il joue le pourrissement dans le temps… ce qui est très exactement entrain de se produire actuellement.

Ce type de manifestation, d’action constitue le credo essentiel, et même unique, des leaders politiques et syndicaux…. Qu’ont-ils d’autre à proposer sinon d’agrémenter cela d’une grève de 24 heures qui laisse de marbre le gouvernement. ? Rien.

En ce printemps de remise en question massive de tous nos acquis sociaux, parfumé par des souvenirs hautement symboliques, la force de l’imagination dépasse largement les capacités stratégiques d’un mouvement qui se cherche et ne sait pas trop comment s’y prendre. A défaut de poser ses pieds sur terre, il garde la tête dans les nuages.

Le rêve l’emporte sur la conscience lucide. Le gouvernement, sûr de notre impuissance, en rajoute dans la « peopolisation » des leaders, qui voient là une dérisoire reconnaissance, et la médiatisation d’ « évènements- musée » qui nous amusent et nous excitent plus qu’ils ne l’effraient. Nous avons l’illusion d’avancer,… en fait nous faisons du sur place devant une glace – la télévision – qui nourrit notre narcissisme et nous donne une fausse image de ce que nous sommes réellement.

LES VIEILLES RECETTES DANS LES VIEUX POTS

Que peut produire concrètement cette illusion ?

Une dépense d’énergie débordante certes,… mais l’essentiel de cette énergie est employée à la fabrication de tracts, d’affiches, de banderoles qui ne nous apprennent plus rien, ni à nous, ni à ceux à qui nous nous adressons… mais l’essentiel étant, semble-t-il, que ces bibelots militants existent et que l’on y projette nos espoirs.

L’Histoire ce n’est pas comme la cuisine : ce n’est pas dans les vieux pots, avec des vieilles recettes, que l’on fait la meilleure soupe.

L’Histoire est riche de « ras le bol », de colères, de révoltes,… qui n’ont jamais abouti. Ce n’est pas en trépignant, pas plus qu’en se révoltant que l’on change un système.

Nous sommes prisonniers, de nos habitudes, de notre culture de contestation sociale, des organisations, et de leurs discours, qui mettent en musique ces pratiques, de nos pratiques/magouilles d’appareils même quand ceux-ci n’existent pas. Nous nous satisfaisons lâchement de ces initiatives auxquelles nous participons et qui, nous le savons, n’aboutissent pas. « Que faire d’autre ? », « Il vaut mieux ça que de ne rien faire ! », « Il faut montrer notre mécontentement ! »,… telles sont les expressions que l’on entend dans les manifestations, les entreprises, les lycées et les universités quand on pousse un peu loin le dialogue.

On relooke les vieilles pratiques tout en gardant l’essentiel, on crée de nouvelles organisations, de nouveaux partis, en se triturant les méninges sur le logo, l’appellation, la tactique organisationnelle…Pendant ce temps l’Histoire nous passe par-dessus la tête, les acquis sociaux s’envolent, le service public est démantelé, les inégalités s’accroissent,… la planète agonise !

« Ah, une grande et puissante mobilisation ! » disent les militants les plus engagés. D’accord mais pour faire quoi ? Aller où ? Quelle organisation sociale après la mobilisation ?... A toutes ces questions essentielles ils n’apportent aucune réponse… ils ne se les posent d’ailleurs même pas, même plus.

Et même si nous avons une « grande et puissante mobilisation », que peut-il advenir actuellement ? Seul le pouvoir à l’initiative, nous sommes essentiellement en situation strictement défensive. Alors ? Alors, l’entonnoir des élections nous guette…. Toute cette colère, cette mobilisation, ces revendications seront inéluctablement dirigées, canalisées, vers les urnes. Rappelez vous comment s’est terminé « Mai 68 » !

Cette impuissance du mouvement n’est pas une fatalité historique, mais l’expression d’une faillite stratégique. C’est la dernière illusion. Pourquoi la « dernière » ? Parce que nous sommes d’une part au fond de notre incapacité d’action, au bout de la pratique stérile des vieilles formes de luttes et de mobilisation, mais aussi au seuil de la catastrophe sociale et écologique.

Continuer à blablater, tergiverser, discutailler comme nous le faisons depuis des décennies, c’est à coup sûr hypothéquer gravement notre avenir et celui des générations suivantes. Le temps va nous manquer.

Patrick MIGNARD
19 Mai 2008

Voir aussi  :
MANIFESTE POUR UNE ALTERNATIVE
« INERTIE DES CONSCIENCES ET CHANGEMENT SOCIAL »
« LA CONSCIENCE EN MIETTES »
« LA FOIRE AUX ILLUSIONS »

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LA CROISSANCE COMME REMEDE AU CHOMAGE ?

Cette interrogation est généralement présentée sous forme d’affirmation par la plupart des économistes officiels et des politiciens du système marchand. Pourtant, elle est loin de constituer une évidence. Le problème est plus complexe qu’il n’y parait.

Pour bien comprendre ce qui se joue dans cette question, il faut revenir à un examen précis de ce qu’est la croissance économique, et le statut du travail dans le système marchand.

UNE FAUSSE ÉVIDENCE

La croissance signifiant l’accroissement des richesses produites, et donc un accroissement, sur la durée, de la production,… il est apparemment logique de faire l’hypothèse de la nécessité d’un accroissement de besoin de travail pour procéder à cette augmentation de la production.

Ce mécanisme est vrai si nous considérons un système de production simple, c’est-à-dire liant mécaniquement et directement le besoin de travail et l’augmentation de la production. Or, ceci est faux dans le cas du rapport marchand, et ce pour deux raisons :

  la production y est liée à des conditions économiques précises. On produit pour vendre et dans un système concurrentiel, les conditions économiques de la production sont déterminantes ;
  le travail n’est pas un acte simple, il est « médié » par la technologie qui le rend plus efficace,… et donc permet quantitativement de le réduire.

Ces deux raisons font que croissance et emploi ne se situent pas dans la relation simple de cause à effet.

Pour bien comprendre la complexité de cette relation, il faut revenir au statut marchand de la croissance et à celui du travail.

LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE

L’accroissement de la production dans le système marchand est soumis à des conditions drastiques qui peuvent se résumer par le simple mot : vendre.

« Vendre », contrairement aux apparences, n’est pas la version marchande de « satisfaire des besoins »… ce qui, après tout, pourrait être le simple et unique objectif de la production. Vendre est en fait la condition de la réalisation de la valeur de la marchandise permettant à la fois de récupérer la valeur avancée dans le processus de production et la valeur nouvelle née de cette production. Cette dernière est indispensable pour la rémunération du capital (les dividendes des actionnaires) et l’accumulation du capital (les investissements).

Si produire ne remplit pas ces conditions, l’acte de production n’a pas lieu d’être.

Or, aujourd’hui, dans l’économie mondialisée, dans le cas d’un pays comme la France, produire un bien ne se fait plus dans les mêmes conditions qui étaient celles d’avant la mondialisation.

Avant la mondialisation la France, comme la plupart des pays « développés et industriels », se devait, et pouvait, à peu près tout produire car, ce n’était pas produit ailleurs ou bien cela l’était dans des pays aux mêmes conditions économiques et sociales (Europe et USA).

Aujourd’hui la situation est radicalement différente : nombre de biens et services que la France produisait peuvent l’être, et le sont, dans des pays aux conditions économiques bien plus avantageuses en terme de compétitivité et de concurrence sur les marchés (coûts de production très bas). Si la France s’obstine à fabriquer ces produits, elle ne les vendra pas… donc elle ne les fabrique plus…. donc elle supprime des secteurs de production…

La croissance économique est donc tout à fait problématique et ne procède pas d’une simple volonté politique, et même, s’il y avait un lien simple de cause à effet, entre croissance et emploi, on voit bien qu’elle est loin de présenter une solution à la question du chômage. Mais il y a plus grave.

L’EMPLOI ET LE CHÔMAGE

L’acte de travail, dans le cadre du système marchand, n’est pas non plus un acte simple.

Les exigences imposées à la production dans le cadre de ce système entraînent deux séries de conséquences pour le travail :

  le coût de la main d’œuvre (le salaire et acquis sociaux : protection sociale, retraites,…) est un élément de l’évaluation de la marchandise produite et influe sur la décision de produire ou non, au regard des exigences du marché… Si le coût de production est trop élevé, on ne pourra pas vendre.
  l’introduction du progrès technique dans le processus de production entraînant une accroissement de la productivité du travail, relativise celui-ci quant à sa quantité utilisée… en effet, l’introduction d’une machine ne réduit pas le temps de travail des salariés mais entraîne une réduction de leur nombre.

Autrement dit, dans la situation d’un système marchand mondialisé, le producteur recherche le coût salarial le plus bas, qu’il trouve… dans les nouveaux pays industriels (NPI) et est incité à réduire la masse salariale par l’augmentation de la productivité du travail (l’expérience de l’application de la loi des 35 heures en France est significative à cet égard).

EN CONCLUSION…

La croissance peut-elle être le remède au chômage ?

La réponse positive n’est pas aussi évidente qu’il n’y paraît.

On comprend pourquoi l’augmentation de la production ne crée pas forcément des emplois… Certes, un certain nombre seront créés… et ceci sera abondamment présenté comme un « succès » par les politiciens au pouvoir, mais globalement ce n’est pas exact.

On comprend comment même l’hypothèse de la relance de la croissance est aujourd’hui problématique dans un pays comme la France.

Dans le cadre de la pensée libérale une politique peut cependant faire illusion – c’est la déréglementation du marché de la force de travail.

Le raisonnement est le suivant : les nouveaux pays industriels s’accaparant l’essentiel de la croissance économique du fait de leurs bas coûts de production, réduisons en France ces coûts, et en particulier le coût lié à la force de travail (salaires et acquis sociaux). Cette politique permettra de limiter les délocalisations et la perte de secteurs de production de biens et services. Ainsi des activités, donc des emplois, seront maintenus, voire créés puisqu’il n’y aura plus de raison de craindre des surcoûts liés aux salaires.

Ce raisonnement est parfaitement logique mais il a pour corollaire une déréglementation du marché de la force de travail qui signifie la suppression du salaire minimum, des conventions collectives, limitation du temps de travail,… bref des garanties imposées depuis plus d’un siècle par les salariés à leurs employeurs, de même que la liquidation de tous les acquis sociaux comme la protection sociale et les régimes de retraites…

C’est cette politique qu’ont mis en place dès le début des années 80 les USA (Reagan) et l’Angleterre (Thatcher).… C’est vers cette politique que s’orientent Droite et Gauche confondues dans les autres pays européens… C’est en France la politique préconisée par le MEDEF.

Dans ces conditions, la croissance économique pourra, dans une certaine mesure, limiter les suppressions d’emplois, voire créer des emplois… mais au prix d’un recul social qui nous ramènera aux conditions sociales initiales du système marchand, celles du 19e siècle.

Ainsi donc, la réduction du chômage par une croissance économique conséquente est un mythe que vont chèrement payer les salariés qui ne contrôlent rien et qui ne sont même pas sûrs des résultats obtenus.

A noter enfin que n’a pas été abordé ici, volontairement, le problème aujourd’hui fondamental de l’équilibre écologique remis en question par la croissance économique… ce qui complique encore plus le problème d’ensemble.

Patrick MIGNARD

12 mai 2008

Voir aussi :
« LA CROISANCE, QUELLE CROISSANCE ? »
« LE TRAVAIL EN QUESTION » (1) (2) (3) (4)
« LOGIQUE MARCHANDE OU LOGIQUE SOCIALE : IL FAUT CHOISIR »

 

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LA MARCHANDISE A L’EPREUVE DU PETROLE

Le débat, si tant est que l’on puisse appeler cela un débat, sur les agro carburants, illustre de manière lumineuse comment les gestionnaires du système marchand entendent « résoudre » les problèmes posés par celui-ci.

Nous avons là un extraordinaire exemple de « faux problème » comme seul un système dominant est capable d’en produire pour assurer sa pérennité.

COMMENT EST POSÉ LE PROBLÈME ?

Les réserves de pétroles baissent inexorablement et la consommation a tendance à augmenter – non moins inexorablement- (Développement marchand des pays émergents, croissance de la construction automobile, de l’aéronautique,…). Il ne faut pas avoir fait de longues études en économie pour se douter que les prix vont flamber – si j’ose dire à propos de pétrole.

La question est alors très simple : où trouver un carburant de substitution, en même quantité et moins cher. ?

La réponse est apparemment évidente : les agro carburants. C’est-à-dire un carburant issu de la culture de plantes.

Cette « solution » apparaît comme satisfaisante à tous les niveaux :

- ils se substituent au pétrole ;
- ils sont reproductibles indéfiniment, contrairement au pétrole ;
- ils polluent moins – ce qui est vrai pour certains

Où est donc le problème ?

C’est que, vu la quantité nécessaire on ne sait pas trop où « planter » pour obtenir ces agro carburants. En France, en Allemagne,…. ? On n’a pas assez de place.

Par contre, à l’étranger, dans les « pays pauvres », avides de devises, il y a des espaces ruraux « exploitables ».

Mais là, nouveau problème : ces pays, ou du moins leurs classes dirigeantes, sont prêtes à sacrifier les meilleures terres pour la production des agro carburants, aggravant ainsi les problèmes d’approvisionnement alimentaires locaux. Ces pays, qui le sont déjà, deviennent encore plus importateurs de biens alimentaires qu’ils sont économiquement incapables de produire eux–mêmes, pour des raisons de marchés trustés par les pays riches, accroissant ainsi dépendance et famines.

On en est actuellement là, sans savoir comment démêler ce sacs de nœuds.

COMMENT IL NE SE POSE PAS ?

Les gestionnaires du système, contrairement aux apparences, ne font pas « n’importe quoi »,… au contraire, leurs choix, leurs décisions, leurs actions sont en parfaite conformité avec la logique du système dont ils essayent de convaincre la multitude, nous, que c’est la seule rationalité qui vaille.

La question, la seule question qu’ils ne veulent pas se poser est pourtant très simple : pourquoi ne pas revoir l’utilisation de l’énergie – et en particulier du pétrole qui en est en grande partie la base ?

La question est pertinente, mais elle est dangereuse.

Pourquoi ? Mais parce qu’elle remet en question l’ensemble du système :

L’utilisation de l’énergie, comme de la technique d’ailleurs, dans un système n’est pas neutre, elle structure socialement le groupe. En retour, elle est soumise à ses lois de production et de répartition de celle-ci : que produire ? pour qui ? comment ? Ces questions, apparemment techniques mais en fait éminents politiques, sont implicites à tout système et ne peuvent faire l’objet d’aucune contestation au risque de remettre en question son sens.

Ainsi, dans le système marchand :

- on produit ce qui est rentable
- pour ceux qui sont solvables
- dans les conditions de rentabilité maximum.

Toute activité économique et sociale est soumise à ces conditions. Ainsi repenser la problématique de l’utilisation de l’énergie en dehors de ces conditions, c’est déstabiliser entièrement l’organisation sociale, remettre en question l’ensemble du système. C’est définir une rationalité autre que la rationalité marchande. Les gestionnaires du système marchands, ne peuvent pas courir un tel risque.

ET LA SOLUTION DANS TOUT ÇA ?

Le pétrole n’est que – parmi tant d’autres – un révélateur des contradictions qui fondent et minent le rapport marchand et plus généralement le système marchand dans son ensemble.

Dans le cadre de la rationalité du système marchand, il n’y a bien évidemment aucune solution. La seule chose que peuvent faire les gestionnaires du système c’est « bricoler » les solutions bâtardes, comme ils savent en trouver pour le chômage (déréglementation du « marché du travail »), l’environnement (développement durable),…

Cependant ils ne sont pas seuls à refuser de poser le vrai problème. Une grande partie de la population des pays développés hésite elle aussi à regarder objectivement les faits. Pourquoi ? Parce que cela remet en question son mode de vie, sa manière de se déplacer, de s’alimenter, de se chauffer, bref de vivre…Et le système politique est fait de telle sorte que la population rejette sur ses représentants la responsabilité de « trouver une solution » pour ne pas remettre en question son confort de vie, fournissant par là même un bon prétexte aux dirigeants pour… ne rien changer.

Nier la réalité des faits est une manière commode de se convaincre qu’ils n’existent pas. C’est une attitude de toutes les époques, mais c’est une attitude qui a ses limites… constituées par le développement insupportable des contradictions qui fondent le système. Or aujourd’hui nous approchons de ce point critique.

IN CAUDA VENENUM

La spéculation – qui est le fondement même du système marchand –, à tous les niveaux (financiers, matières premières, denrées alimentaires,…) fait des ravages, les prix flambent, la famine s’étend, les inégalités s’accroissent, l’exclusion se généralise, l’air devient –au sens propre comme au sens figuré – irrespirable…

L’obstination et la vision à court terme des gestionnaires du système, la myopie et l’inconscience des populations nanties – du moins jusqu’à aujourd’hui – ouvrent la porte au désastre final qui peu à peu s’installe.

S’en remettre – par le processus électoral, dont on a vu l’efficacité – aux programmes et décisions des bouffons politiciens, c’est se mettre d’abord la « tête dans le sable », puis finalement « la tête sur le billot », c’est refuser de voir les faits, c’est faire confiance en des individus qui n’ont aucunement l’intention de changer la situation dont ils profitent eux et leurs complices.

Le discours trompeur sur la soit disante « démocratie » stérilise toute velléité de changement… et le plus grand nombre attend patiemment que le changement vienne des urnes. « L’eau monte et l’on regarde la télé en espérant qu’elle annoncera qu’elle baisse ».

Le désastre qui s’annonce ne sera pas enrayé par le simple attentisme qui caractérise l’attitude du plus grand nombre et qui au nom de : «  il y a des responsables pour prendre les décisions qui s’imposent », ne fait rien.

Le faire individuel : prendre son vélo, trier les déchets, éteindre les lumières,… si « ça ne peut pas faire de mal » et qu’ « il vaut mieux ça que rien »,… ne donne évidemment pas la solution. Ces attitudes qui déculpabilisent à bon compte aussi bien nous individuellement que les pseudo écologiques qui sont au Pouvoir, permettent d’éviter la vraie question qui est celle des conditions de la production des richesses et des critères de leur répartition. La décision individuelle, et forcément limitée, permet de faire l’impasse, jusqu’à présent, à la satisfaction de tous, sur ce qui fait l’Histoire, l’engagement collectif.

Patrick MIGNARD
5 mai 2008

Voir aussi :
« LA CROISSANCE ? QUELLE CROISSANCE ? »
« LA DECROISSANCE, QUELLE DECROISSANCE ? »
« L’HOMME APPARTIENT-IL A LA NATURE ? »

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