TECTONIQUE DES PLAQUES ET CRISE FINANCIERE
Quel titre curieux. Quels rapports entre ces deux notions ? A priori aucun. Pourtant en observant les réactions du plus grand nombre, on constate d’étranges et inquiétantes similitudes.
Dans les deux cas une forme de passivité qui confine au fatalisme.
L’INELUCTABLE ET L’IMPARABLE
Cas n°1
Lorsque les avions ont cessé de voler, suite à l’éruption du volcan islandais en avril 2010, ça a été la stupeur, l’agacement, puis la résignation. Que peut-on faire contre les forces de la Nature ?
Certains se sont plongés, pour l’occasion, dans une méditation philosophique, particulièrement saine sur la « place de l’homme dans la Nature » et plus généralement dans l’Univers… On n’est pas grand-chose,… on l’avait oublié,… il est bon, de temps en temps, de « remettre les pendules à l’heure ». Ainsi, ceux qui n’ont pas pu partir sont restés chez eux, ceux qui ne pouvaient pas rentrer sont restés sur place… ce qui étaient en transit, ont campé dans les aéroports, dormant tels des SDF et sans papiers sur les moquettes et dans les couloirs. Bref, tout le monde a pris son mal en patiente en espérant !... Ah, l’espoir !
Cas n°2
Lorsque les banques ont cessé de financer, en 2008, suite au déclanchement de la crise financière, ça été la stupeur, l’agacement, puis la résignation. Que peut-on faire contre les lois de l’Économie ?
Certains se sont plongés dans une méditation politico-philosophique particulièrement saine sur la « place de l’Homme dans la Société » et plus généralement dans l’Histoire… On est bien peu de chose,… on l’avait oublié, … il est bon, de temps en temps, de « remettre les pendules à l’heure ». Ainsi ceux qui avaient des projets à financer, les ont abandonnés, ceux qui les avaient en cours ont été face à de grandes difficultés et angoisses. Tout le monde est resté pendu aux informations pour juger de la situation. Bref, tout le monde à pris son mal en patiente en espérant !... Ah l’espoir !
J’exagère ! Les situations ne sont pas semblables ! Oui, bien sûr,… évidemment !... Mais reconnaissez qu’il y a tout de même de quoi s’y tromper.
Pourquoi ?
Parce que les situations ont été vécues par l’immense majorité des peuples, à peu près de la même manière : résignation et impuissance.
Dans le cas n°1 on peut le comprendre. Pas dans le cas n°2.
LA PUISSANCE DESTRUCTURANTE DES RITES
Il est vrai que dans le cas n°1 il n’y a pas eu de protestation et, manifestations, ce qui aurait été parfaitement ridicule, mais quand on constate les réactions dans le cas n°2, les manifestations, quand il y en a eu, ne manquent pas moins de ridicule. Elles sont restées au niveau de ce qu’elles étaient il y a quarante ans, et encore à cette époque elles étaient plus nombreuses,… et parfois aboutissaient à un résultat. Or, aujourd’hui, rien de tout cela. On sait pertinemment que les manifestations ne changeront rien,… pourtant on continue.
On pourrait imaginer – chose qui se produit dans d’autres pays – des manifestations religieuses, processions prières, pour infléchir la volonté de/des dieu/x face à une éruption volcanique. En France, du moins publiquement cela est impensable.
Mais alors que dire des processions, pardon des manifestations, des prières, pardon des slogans, pour protester contre la crise financière, la spéculation, les dirigeants politiques (élus par ceux là même qui protestent). ?
Est-ce à dire que je fais un parallèle entre les processions religieuses et les manifestations du mouvement social. ? Oui, absolument !
Il y a indubitablement dans les deux cas une croyance en une force supérieure que l’on peut amadouer par des pratiques magiques…. Les politiques « doivent» entendre, comme les Dieux ! En fait, tous sont sourds.
Il y a des rites religieux comme il y a des rites laïques et politiques qui ne sont que des allégeances à des « puissances supérieures »,… L’attachement à ces rites, attachement tout ce qu’il y a d’irrationnel et d’irréfléchi, donne la mesure du degré de vide politique des consciences, de la soumission servile au Pouvoir, du manque d’imagination pour faire l’Histoire.
Les « barrières mentales », le conditionnement politique mis en place par le système marchand en place sont d’une redoutable efficacité. Elles ont stérilisé toute initiative, toute réflexion, toute réaction qui se résume simplement à … une plainte.
LE DENI, UN MODE DE VIE
La comparaison des deux situations, faite de manière caricaturale apparaît comme insupportable, et d’autant plus révoltante, qu’elle reflète pourtant une part de réalité que l’on ne veut pas s’avouer… par honte…. quand on se rend compte de notre incurie, misère politique, esprit « munichois ».
Chacun espère qu’il s’en sortira, lui et les siens,… l’individualisme décomplexé – prôné par le système - règne en maître. On se réfugie dans des certitudes infondées, ridicules et obsolètes : « ils » trouveront la solution, … « il n’y a qu’a leur faire confiance »,… « il n’y a pas autre chose à faire »,… « voter c’est tout ce qui nous reste et donc on y tient ». On refuse de voir la réalité,… c’est le règne du déni qui enferme, isole et fragilise.
Voter, manifester, pétitionner, c’est effectivement tout ce qui nous reste, tout ce que nous autorise le système pour assurer sa pérennité et canaliser la contestation, le mécontentement, la révolte. Celle ou celui qui ne respecte pas ce cadre, cet « exercice imposé » est « excommunié », montré du doigt,… c’est hérétique, un délinquant, pour tout dire un terroriste (Qui veut noyer son chien….).
La classe politique dans son ensemble, toutes tendances confondues, est à la fois l’instrument de ce décervelage collectif et la principale bénéficiaire de cette « capitulation citoyenne ». Qui peut faire confiance aujourd’hui à un politicien ?
Nous croyons parce que nous avons voté que nous nous sommes libérés, alors qu’en fait nous nous sommes passé la « corde au cou ». Nous croyons que les personnages que nous avons choisis sont là pour « régler nos problèmes », « défendre le bien public »,… alors que depuis plus de cent cinquante ans d’histoire politique c’est exactement le contraire qui se passe. Ils nous enfoncent inéluctablement dans une situation qui devient de plus en plus catastrophique tout en profitant, eux, de privilèges exorbitants (des exemples ?).
« C’est la loi », « Qui pouvons nous ? », « C’est là haut que ça se décide », « Ça a été toujours comme ça », « C’est le pot de terre contre le pot de fer »,… etc. Ces expressions que nous entendons tous les jours dénotent un fatalisme qui réduit la citoyenneté à un simple effet de style, à une apparence de démocratie.
Tant que les pâturages ont été gras, ce genre d’attitude n’a pas eu trop de conséquences,… Aujourd’hui le troupeau a été amené sur un terrain où il peine à trouver de l’herbe, situation d’autant plus insupportable que le berger a manifestement l’air de s’en foutre et demeure grassouillet. Il compte sur son chien de garde pour faire régner l’ordre dans le troupeau et sur sa persuasion à faire croire que ce n’est qu’un problème de saison et de météo… et qu’il n’y peut rien. L’important pour lui c’est que la tonte ait lieu et se déroule sans problème. Jusqu’à présent les bêlements – seule chose que sait faire le mouton - n’ont servi à rien.
Combien de temps cela va durer.
mai 2010 Patrick MIGNARD