VIE ACTIVE ET DUREE DE VIE
Mais où a-t-on trouvé cette idée, qu’il faille « travailler plus longtemps par ce que l’on vit plus longtemps »?
Cette idée qui semble faire l’unanimité chez les politiciens – de droite comme de gauche -, ne se fonde sur rien,… c’est une pure invention idéologique qui se donne des apparences d’évidence.
« Depuis 1983, « le PIB par personne a augmenté de 45%. L’augmentation de l’espérance de vie est très faible en comparaison. Le nombre de travailleurs par retraité est passé de 4,4 en 1983 à 3,5 en 2010, mais la croissance du revenu national a été bien plus que suffisante pour compenser l’évolution démographique, y compris l’évolution de l’espérance de vie. » L’économiste Mark Weisbrot, qui dirige avec Dean Baker le Center for Economic and Policy Research, met l’accent sur une dimension généralement absente du débat et salue la mobilisation française contre la régression sociale. The Guardian, 20 octobre 2010 – extrait »
LE TEMPS DE VIVRE …
Vivre plus longtemps ne veut pas dire travailler plus longtemps.
Si l’homme a, par son intelligence, réussi à se procurer ce dont il avait besoin pour vivre en se fatigant le moins possible,… ce qui est à la base de tout le progrès technique : les outils, la roue, les énergies (domestication des animaux, énergie du vent, de l’eau,…),… c’est justement pour éviter de passer sa vie au travail.
Une amélioration des conditions de vie, et toutes celles et tous ceux qui, au cours de l’Histoire étaient contraints de travailler ont lutté pour, consiste à réduire au maximum le temps de travail. Et ce d’autant plus que l’acte de travail n’a jamais été libre… demandez aux esclaves, aux serfs et aux salariés !
La revendication du temps de repos, du temps libre, du temps de loisirs, bref, la réduction du temps de travail, est générale et universelle. Et il se trouve que cette revendication n’est pas absurde, dans l’absolu, puisque, justement, l’amélioration des conditions de production, de la productivité du travail humain, a été en constante progression.
Le discours officiel qui proclame hautement qu’il faut « travailler plus longtemps parce que l’on vit plus longtemps » est donc parfaitement absurde, infondé, contraire à toute logique. Par contre il répond à une autre logique parfaitement inavouable pour celles et ceux qui en profitent, les exploiteurs.
… ET LE TEMPS DE PAYER
La question des retraites n’est pas, à la base, une question financière et/ou comptable,… elle est une question philosophique,… Elle pose, en effet, la question existentielle du sens de la vie. De la finalité et du sens de l’activité humaine et du partage des richesses – biens et services – produits collectivement.
C’est un fait acquis et incontestable qu’il y a suffisamment de biens et services produits pour satisfaire l’ensemble de la population… Reste la question de la répartition,… et c’est là qu’est le problème. C’est la seule vraie question qui se pose,… et qui n’est jamais posée. Pourquoi ?
Pour une raison fort simple, c’est que le système salarial est fondé, non pas sur la satisfaction des besoins de l’individu mais sur l’objectif de réaliser un profit privé – pour quelques uns – en faisant travailler les salariés. De plus ce profit est d’autant plus élevé que l’on rentabilise le travail des salariés employés, autrement dit qu’on les remplace par des machines.
Conséquences : on a tendance à peu payer ceux qui ont un travail,… aujourd’hui avec la mondialisation les profits peuvent se réaliser à l’exportation, et l’on utilise le moins possible de force de travail – de salariés – que l’on remplace par de la technologie.
Dans le cas d’une retraite par répartition on comprend donc qu’il puisse y avoir un problème de financement si on le fonde sur une baisse des salaires et un taux de chômage élevé. Cette situation est d’autant plus scandaleuse que la productivité du travail progresse constamment – autrement dit que la quantité de biens et services par personne qui travaille augmente sans cesse.
Nous avons donc une situation qui pénalise pécuniairement celui qui a un travail et exclue systématiquement, pour des questions de rentabilité, une bonne partie de celles et ceux qui voudraient travailler.
Si nous nous trouvions dans une situation où, il y aurait l’absence de jeunes pour prendre le relais,… alors le problème se poserait autrement… Or ce n’est évidemment pas le cas, bien au contraire.
Résumons nous et disons les choses autrement : Si l’on part de la quantité de richesses produites, par rapport au besoin de la population, du fait de la productivité du travail humain, on peut largement, non seulement réduire le temps de travail des actifs, mais aussi permettre un départ très tôt de la vie dite « active ». Ce qui fait problème aujourd’hui c’est le système d’appropriation privée des moyens de production et la logique d’enrichissement privé des détenteurs du capital.
Une question demeure cependant : où passe ce surplus de richesse du à l’accroissement de productivité ? Cherchez bien :! Mais oui, vous avez trouvé,… dans la rémunération du capital, ce qui explique le transfert de valeur du travail aux revenus du capital.
La situation est aujourd’hui encore plus aggravée par le fait que le marché de la force de travail se réduit. Le chômage est endémique dans nos sociétés et il y a fort à parier qu’une grande partie de la population ne pourra pas présenter un nombre suffisant d’années d’activité pour avoir une retraite décente… Rallonger la durée de la vie « active » est donc une manière pour le gouvernement de ne pas payer des retraites complètes… on a là en fait une véritable escroquerie. La « décote » n’est qu’une lâcheté du Pouvoir pour ne pas avouer une baisse des pensions, sans parler des métiers difficiles et usants pour lesquels il faudra carrément être estropiés pour ne pas subir une décote - un pourcentage de 20% de handicap sera exigé ( ?).
Ainsi, le recours à la capitalisation va de plus en plus s’imposer pour tenter de combler, pour chaque salarié, le déficit de revenu,… avec bien entendu toutes les inégalités afférentes à ce système (il faudra pouvoir acheter des produits financiers pour la retraite), et les risques ( les crises financières et leurs conséquences sur les fonds de pension),. Mais de cela, les politiciens et financier s’en foutent totalement,… le jour ou les catastrophes se produiront, ils ne seront plus là.
Enfin, quand à l’argument stupide qui consiste à dire : « Mais regardez ce que font nos voisins,… », faut-il comprendre que si nos voisins font n’importe quoi, il faille aussi le faire ? Avec ce type de raisonnement, en 1789 en France,… on en serait toujours, aujourd’hui, à… l’Ancien Régime.
Finalement on devrait assister à une baisse constante de l’âge de la retraite et non à son allongement. La retraite à 60 ans est même un vrai scandale, on devrait aujourd’hui en être aux alentours de 35-40 ans. Il y aurait alors du travail pour tous, Suffisamment de biens et services pour tous,… et, du fait de l’allongement de la durée de la vie, un temps de vie de repos, loisir, culture bien supérieur à la vie dite « active ».
Quel est le politicien qui oserait soutenir une telle thèse ? Aucun. Tous sont des gestionnaires d’un système – dont ils profitent - qui considère la force de travail comme une marchandise au service des intérêts du Capital.
Le problème c’est qu’ils en ont convaincu le plus grand nombre, ce plus grand nombre qui va bosser jusqu’à en crever.
Octobre 2010 Patrick MIGNARD
Voir aussi :
« LE TRAVAIL EN QUESTION » (1) (2) (3) (4)