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Publié par PM sur
Publié dans : #matiere a reflexion

LA PEUR EN HERITAGE

Tous les pouvoirs, même les soi-disant « plus démocratiques » ont, à un moment ou à un autre pratiqué la politique de la peur, sinon celle de la terreur. Et tous ont eu, bien évidemment, les meilleures raisons du monde pour justifier cette attitude. Pourtant ce ne sont ni la peur, ni la terreur qui sont les meilleurs garants de la survie des systèmes. Un autre type de peur assure sinon leur stabilité, du moins leur pérennité, la « peur du vide ».

« UN TIEN » VAUT MIEUX QUE DEUX « TU L’AURAS »

Dit simplement on peut poser la question de la manière suivante : « Comment se construit un avenir économique, politique et social ? ». Dit de manière plus sophistiquée, la question est la suivante : « Quelles garanties et conditions pour dépasser le système dans lequel on vit ? » Être dans un système, y vivre, c’est y avoir ses repères, ses habitudes, ses réseaux. Bref c’est reconnaître la validité des rapports sociaux dans lesquels on vit,… même si ceux-ci sont antagoniques et contradictoires.

L’exemple le plus édifiant est celui de la classe ouvrière des pays industriels développés, classe exploitée mais qui ne s’est jamais donné les moyens de dépasser le système capitaliste et s’est au contraire intégré au point d’en retirer un maximum d’avantages. C’est d’ailleurs aussi vrai, dans une certaine mesure, de la paysannerie durant l’Ancien Régime.

Aujourd’hui les conditions ont changé dans l’expression des rapports salariés… Pourtant, malgré une aggravation de leurs conditions – exclusion, inégalités croissantes, perte des acquis sociaux,…- les salariés n’en demeurent pas moins « fidèles » aux rapports qui les dominent. Il n’est qu’à voir leur comportement électoral et les stratégies dérisoires qu’ils développent : manifestations, pétitions, … S’ils avaient voulu prendre le pouvoir il y a longtemps qu’ils l’auraient.

Autrement dit, à leurs yeux, les projets théoriques produites par les formations politiques de « gauche », les programmes alléchants des « révolutionnaires » et autres « altermondialistes » n’ont aucun valeur pratique,… la preuve, ils reconduisent systématiquement au Pouvoir les gestionnaires, de gauche et de droite, du système marchand… délaissant leurs « sauveurs »

Pourquoi ?

Parce qu’ils préfèrent une réalité qu’ils connaissent, même si celle-ci est dure et insupportable, plutôt que d’être obligé de prendre une initiative, de mettre en place une alternative qui ira de toute manière contre les intérêts d’une classe politique mythifiée.

La pratique des politiciens a fait de la plupart des citoyens des êtres dépendants, craintifs et sans imagination, attendant que l’élu prenne les décisions à sa place, lui règle ses problèmes, le fasse rêver… à condition de ne rien changer. Ce qui explique que les gestionnaires du système ne prennent aucun risque à donner un pouvoir fictif - le bulletin de vote - à des citoyens qui, de toute manière les reconduiront systématiquement et régulièrement au Pouvoir… C’est d’ailleurs ce qui se passe depuis plus d’un siècle.

L’INCOMPRÉHENSION CONTRE LA CONSCIENCE

Ce que l’on appelait la « conscience de classe » et qui a été un extraordinaire moteur pour les salariés pour… améliorer leurs conditions de travail et de vie, a cédé la place à l’ « incompréhension ». « Ils ne devraient pas faire ça », « c’est inhumain », « c’est incompréhensible », « ça n’a pas de sens » … telles sont les expressions que l’on entend aujourd’hui lorsque l’on interroge des victimes de licenciements, suite souvent à des restructurations ou délocalisations.

Que les salariés soient scandalisés par le fait que, dans une entreprise, priorité soit donnée aux actionnaires plutôt qu’à eux, en dit long sur la compréhension du système dans lequel ils sont opprimés, sur la conception et l’intelligence qu’ils ont de celui-ci. Or, cette connaissance – ou plutôt méconnaissance – rejaillit évidemment sur leur manière de riposter, et la seule riposte qu’il connaissent ce sont les « bonnes vieilles méthodes » - aujourd’hui obsolètes - qui correspondaient à une situation où le Capital pouvait, et acceptait, de céder des miettes. : Grève, manifestation, pétition,…

Devant l’inefficacité de leurs actions, c’est donc aujourd’hui l’incompréhension qui passe par le stress, la déprime, le désarroi,… voire pour les plus fragiles, le suicide.

Les organisations politiques et syndicales, censées défendre la « cause des salariés », sont bien sûr incapables de répondre à cette nouvelle situation,… elles ne sont capables que d’accompagner les pleurs, les lamentations, l’indignation, les « hommages » rendus aux suicidés,… mais rien de concret sur le plan de l’organisation stratégique. Rien ? Formellement pas tout à fait,… elles proposent à chacune et chacun la seule chose qu’elles savent faire : voter pour elles, soit aux élections professionnelles, soit lors des consultations politiques. Autant dire concrètement RIEN !

Le désarroi actuel des salariés n’est que l’expression de cette situation qui érige l’incompréhension, la condamnation morale du système marchand, en « pratique politique »… ce dont le système se moque totalement.

Il s’en moque d’autant plus qu’il sait qu’aucune alternative sérieuse ne lui est opposée. La conscience de ce qu’il est exactement, de sa relativité dans l’Histoire, de ses contradictions, de ses points faibles et des alternatives qui pourraient l’affaiblir et finalement l’abattre, sont totalement hors du champs de la réflexion politique de l‘ « opposition officielle »… celle qui ne joue que le jeu électoral qu’il impose et qui verrouille toute alternative.

LA PEUR, NOUVEAU CHAMP SOCIAL

C’est donc la débandade sur le plan moral, éthique, psychologique, humain, politique, sur l’attitude quotidienne dans les relations de travail. La solidarité de classe laisse peu à peu la place à l’égoïsme, à la suspicion… la conscience de classe a cédé la place, dans le meilleur des cas à l’individualisme, dans le pire au « syndrome de la meute »… qui consiste à s’allier, entre concurrents, pour exclure le plus faible… et sauver sa place, du moins temporairement.

Le nouveau management surfe un maximum sur cette nouvelle donne sociale. Exploite à fond, et pour le plus grand profit du Capital, cette dérive mortifère Il saccage jusque dans les derniers recoins des vestiges de la conscience et de la solidarité. Le mythe du « gagneur », du « meilleur »,… et autres foutaises devient la référence sociale, le nouveau paradigme… Affaiblissant la coopération, la solidarité, il permet d’écrémer, de passer au filtre de la sélection – fondée sur la compétitivité et la rentabilité – la masse des salariés pris au piège, et contraints de jouer ce jeu.

Désormais la peur règne dans les ateliers, les bureaux, l’École. La peur de « ne pas être à la hauteur », la peur d’être « le prochain sur la liste », la peur de « déplaire à la hiérarchie »,… La peur règne sur un avenir incertain, sur celui de la planète, des générations futures.

Cette peur qui s’étend à tous les domaines... Cette peur qui fait la fortune des « experts », vendeurs de rêves-politiciens, gourous, religieux et autres sectes… Cette peur qui permet d’augmenter les effectifs des forces de répression, les contrôles divers et variés, la vidéo surveillance, les tests ADN, … tout en n’abordant jamais les vraies causes du malaise.

Cette peur, qui suinte par tous les pores de cette société en décomposition, empoisonne, annihile les consciences, l’esprit de combat, de révolte, au grand bénéfice des gestionnaires du capital qui peuvent continuer leurs petites et grandes affaires, mais aussi la classe politique qui peut se reproduire en surfant sur cette peur en promettant des lendemains qui chantent.

Cette peur qui isole le citoyen correspond parfaitement à la conception qu’a le système marchand de la « démocratie » : une pensée isolée, soumise au matraquage idéologique de faiseurs de rêve, dont le seul mot d’ordre peut se résumer à : « nous ou le chaos ! »

Et le tour est joué !

Patrick MIGNARD

31 Octobre 2009

Voir aussi :

« LE FAUX HUMANISME DE LA MARCHANDISE »

« DÉCADENCE »

« CONFLITS SOCIAUX : DE LA LUTTE AU… SUICIDE »

« LA PRIVATISATION DE L’ETAT »

et pour éviter toute désespérance : « MANIFESTE POUR UNE ALTERNATIVE »

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