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Publié par PM sur
Publié dans : #matiere a reflexion

ELECTIONS : PARTICIPER OU PAS ? (1)

Il est un fait évident, c’est que la question se pose avec de plus en plus d’insistance. Il y a quelques années, mis à part des irréductibles de l’abstention, la question ne se posait pratiquement pas… aujourd’hui le spectre de l’abstention hante les organisations politiques. Comment en est-on arrivé là ?

Il y aurait, paraît-il, une « perte de civisme »… c’est un peu rapide comme jugement… mais il est vrai que l’abstention progresse. A quoi est du ce phénomène ? Ecartons la thèse ridicule d’une génération qui aurait, « par quel miracle de la génétique ? » perdu ce sens inné de la citoyenneté et essayons de comprendre.

Le principe de base de l’élection est clair et précis : faire participer activement le citoyen aux affaires de la cité, faire en sorte que soit tenu compte de son opinion et qu’il soit représenté dans les instances décisionnelles… Ce principe n’est pas nouveau,…il remonte à l’Antiquité. Sur ce principe il y a peu de chose à redire… et il est évident que la plupart de celles et ceux qui n’ont plus confiance, aujourd’hui, dans l’élection, ne le remettent pas en cause. Pourtant…

UN SYSTEME VERROUILLE QUI SE BLOQUE

Méfions nous des évidences. Ce n’est pas parce qu’un système est, au niveau de son principe, juste, qu’il l’est réellement et donne toute satisfaction.

Il est évident qu’un système qui donne le pouvoir de l’expression politique, comparé au système antérieur qui faisait sans l’assentiment des membres de la collectivité, est un progrès… en ce sens, le droit de vote est un acquis, c’est incontestable… mais est ce suffisant ? Apparemment non… pourquoi ?

La critique la plus généralement développée par celles et ceux qui « ne vont plus voter » est de dire : « même si l’on va voter, rien ne change sur le fond, après les élections, on est toujours dans la même situation ». Le recul que l’on a aujourd’hui montre qu’un tel jugement correspond en grande partie à la réalité.

Le principe de l’élection n’est pas contestable, ce qui le relativise ce sont les conditions sociales dans lesquelles elle s’exerce. En effet, le système marchand n’est pas un système égalitaire, n’est même pas un système qui fait de l’être humain son fondement essentiel. La preuve en est, et on peut le vérifier tous les jours, que les femmes et les hommes dans notre société sont instrumentalisés, sont soumis aux conditions de la réalisation de la valeur de la marchandise. « J’ai besoin, j’embauche, je n’ai plus besoin, je licencie » « tu as un revenu, tu consommes, tu n’en as pas, tu galères », tel est le principe concret du système marchand… de même qu’entre l’intérêt financier et la santé publique, voire l’environnement, c’est toujours le premier qui prime. Ceci n’est pas une analyse, c’est simplement un constat.

Il faut rapprocher cette situation concrète au principe et au discours sur « le citoyen qui exerce son pouvoir par l’élection », alors apparaît le décalage entre un statut politique de l’individu, celui de « citoyen », en principe libre et acteur de la vie politique, et celui économique de salarié ou assimilé, complètement dépendant de lois économiques qui le déterminent socialement.

Tant que la situation économique des salariés n’est pas catastrophique, tant qu’ils ont les moyens de gagner leur vie, tant que les possesseurs du capital peuvent s’acheter la paix sociale… le décalage, même s’il existe, est plus ou moins accepté par tous. Les choses se gâtent lorsque la situation économique dévoile l’ampleur du décalage qui rend ridicule le statut de citoyen au regard des conditions de vie de ces mêmes citoyens. Or c’est exactement ce qui se produit aujourd’hui. En effet, l’évolution du système économique précarise les individus et le système a de moins en moins les moyens de s’acheter la paix sociale (licenciements, exclusion, réduction des budgets sociaux). Le vécu de l’alternance politique (droite… gauche… droite… gauche…etc) révèle les limites du système politique comme instrument du changement, voire simplement instrument de gestion des besoins collectifs.

Ainsi les élections, en principe, expression libre du peuple, peuvent devenir, et deviennent, un extraordinaire instrument de contrôle et de conservation d’un système qui instrumentalise l’individu et est incapable de lui assurer bien être et dignité. Le système est de fait verrouillé.

Les partis politiques qui au début (au 19e s) exprimaient, pour certains, des nuances, voire des critiques du système sont rapidement devenus les gestionnaires de ce système et à ce titre trouvent leur compte dans le système électoral qui permet de conserver une situation qui correspond à leurs intérêts et en particuliers aux aspirations de leurs dirigeants de bénéficier des privilèges du pouvoir.

La classe politique qui est passée maître dans l’art de la manipulation électorale, transforme le principe de l’élection en un simple instrument de reproduction du système politique. pour cela, elle dispose d’un certain nombre de moyens : le charcutage des circonscriptions (diviser pour régner), la main mise sur les grands moyens de communication (journaux, télés, radios), et donc organise à son profit le partage du pouvoir dont l’accès est bloqué et filtré par ces bureaucraties politiques.

Le discours officiel (la pensée unique) et dominant de la classe politique, ne retient de tout cela que l’aspect « droit et devoir du citoyen »… l’accent est d’ailleurs surtout mis sur le « devoir ». En effet, et on le comprend, il est vital pour la classe politique gestionnaire que le citoyen considère comme un impératif moral catégorique le fait d’aller voter. Toute suspicion concernant ce « devoir » remet en question la légitimité du pouvoir et donc la légitimité du système. C’est ce qui explique l’extraordinaire effort de culpabilisation de celles et ceux qui ne vont plus voter. Autrement dit il faut que le « salarié instrumentalisé » ai l’impression d’être un « citoyen libre et acteur de la vie sociale »… et pour cela vote. Cette illusion joue de moins en moins (les marges de manœuvres des politiques étant limitées par la mondialisation marchande), d’où aujourd’hui cette soit disante « perte de civisme » qui n’est en fait que la prise de conscience d’une mystification.

L’ABSTENTION EST-ELLE UNE SOLUTION ?

Bien sûr que non, mais pas plus que l’élection n’en serait une. La seule solution est (serait) le changement de rapports sociaux, or, nous l’avons vu, tout est fait par les gestionnaires du système pour faire en sorte que l’élection n’aboutisse pas à cette situation, ne se pose même pas la question et permette simplement, avec l’illusion du consentement collectif, la reproduction du système.

On se rend compte également que les organisations politiques les plus contestataires, les plus critiques à l’égard du système, tentées par l’utilité propagandiste de l’élection, commencent à participer superficiellement au processus électoral, puis, peu à peu, en font l’essentiel de leur activité politique… le piège a parfaitement fonctionné et s’est refermé sur elles.

Alors que c’est la pratique en vue d’un changement des relations sociales, des rapports de production qui devraient constituer le centre de gravité de toute stratégie de changement, ce sont en fait les élections qui tiennent ce rôle. Alors que les élections ne devraient constituer, dans la stratégie de changement, qu’un facteur marginal, permettant par exemple de populariser les nouvelles pratiques et d’aider à la prise de conscience collective (l’essentiel se faisant dans la pratique), elles sont, en fait, présentées comme l’instrument fondamental de la pratique démocratique. Ainsi, le système marchand a réussi l’extraordinaire tour de force à faire admettre et accepter la pratique électorale, qui ne fait que reproduire le système, comme un instrument de changement… la mystification est totale, l’illusion est parfaite, toute velléité de changement est tuée dans l’œuf.

La question essentielle aujourd’hui n’est pas, et n’a jamais été : « faut-t-il aller voter ou pas ? ». Le vote, pas plus que l’abstention, ne peuvent être une attitude stratégiquement positive en vue du changement. Le problème se situe ailleurs, dans les pratiques sociales permettant de mettre en place une alternative sociale et économique aux rapports marchands. Il est évident que dans le cas d’une dynamique de changement des rapports sociaux, l’élection pourrait être alors considérée comme un élément intéressant d’échange, de discussion, d’élaboration et de choix. Or, ce n’est absolument pas le cas aujourd’hui, l’élection n’étant même plus l’aboutissement d’une réflexion, d’un débat politique, mais simplement un « défilé de mode » des candidats prétendant au pouvoir qui sont prêts à tout (compromission, promesses mensongères, séduction,…)pour être élus.

On peut comprendre ainsi que l’élection soit considérée comme une mascarade et une insulte à la démocratie et donc que l’abstention ne soit pas une attitude de désintéressement de la chose publique, mais au contraire un refus de cautionner une mystification. De même que l’on peut comprendre que devant le vide politique et social pour l’avenir, certaines et certains, au risque de cautionner, ce système, aillent « tout de même » voter « pour le moins pire ».

Dans les deux cas c’est une faillite de la démocratie.

29 février 2004

 

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Publié dans : #matiere a reflexion

PATRONAT ET VOYOUCRATIE

Devant ce qui apparaît être une brusque dégradation des relations sociales dans un certain nombre d’entreprises en voie de liquidation, les médias nationaux n’ont pas hésité à juxtaposer ces deux termes. En marge de l’aspect spectaculaire, typique des médias, il convient de s’interroger sur ce qui est entrain de se passer… assistons nous à une mutation des pratiques sociales et si oui comment l’expliquer ?

METALEUROP, CELLATEX, deux entreprises exemplaires dans lesquelles le patronat liquide brutalement l’activité, sans préavis, sans consultation, sans information du personnel et des autorités, en déménageant les machines pendant les vacances et en laissant en plan l’ensemble du personnel.

Moins graves mais tout aussi précipités les liquidations de DANONE, DAEHOO, les usines PECHINEY en Ariège qui sinistrent toute une vallée.

Tous ces phénomènes c’est un peu comme la météo, ça surprend pour le moment, on se dit que ce n’est pas possible, que c’est unique, mais quand on regarde les observations faites dans le passé on retrouve le même phénomène… et effectivement il n’y a rien de nouveau sous ce soleil… les exemples sont multiples de ces liquidations plus ou moins précipitées à petite ou à grande échelle.

UN PROCESSUS RECURRENT

La dégénérescence de la pensée politique à l’échelle collective nous a fait oublier un certain nombre de principes essentiels qui sont à la base du système marchand dans lequel nous vivons… et que nous reproduisons consciencieusement sur le plan politique à l’occasion de chaque élection.

Dans le système marchand, l’entreprise est faite pour valoriser du capital et uniquement pour cela. Ceci a deux conséquences importantes :

- seul, en droit, l’actionnaire à son mot à dire quand au devenir de l’entreprise, il le fait en assemblée générale des actionnaires et confie ses décisions à la direction de l’entreprise,
- le salarié n’est qu’un élément de la production, autrement dit sa présence dans l’entreprise est strictement liée à l’utilité qu’il représente au regard du calcul économique auquel procède la direction gestionnaire.

Ceci veut dire une chose très claire : l’entreprise n’a jamais été faite pour créer des emplois, pas plus que pour préserver ceux qui existent.

Or, l’entreprise fonctionne dans un contexte qui l’oblige à ajuster ses moyens de production à ses objectifs de compétitivité au regard de ses concurrents pour pouvoir vendre, donc faire du profit qui permettra d’investir (s’agrandir et perfectionner l’appareil de production) et de rémunérer le capital (dividendes des actionnaires). Ce contexte l’oblige donc à réduire les coûts de production. Mais le salaire est aussi un coût de production. On imagine tout de suite les conséquences d’une telle situation. L’existence de l’emploi est donc aussi précaire que la fidélité de l’entreprise à l’égard de n’importe quel fournisseur.

Ce qui vient d’être dit est essentiel pour comprendre la suite. Il ne s’agit ni d’une hypothèse, ni d’un supposition mais de l’énoncé des principes qui sont à la base de notre système économique.

DE LA FRAGILITE DES « ACQUIS SOCIAUX »

La lutte des salariés depuis le 19e siècle a évidemment atténué la rigueur du raisonnement précédent. Mais attention, elle n’a fait que l’atténuer, en aucun cas ne l’a supprimé. Le principe est, et demeure.

Ces acquis sociaux sont en fait des garanties, souvent arrachées par la lutte, sur les salaires, les conditions de travail, la stabilité de l’emploi, et ont pris des formes juridiques et administratives : salaire minimum, conventions collectives, comité hygiène et sécurité, préavis de licenciements, etc… Ces acquis, s’ils ont grandement amélioré les conditions de vie et de travail des salariés n’ont absolument pas changé la nature du rapport salarial, c’est à dire l’instrumentalisation de l’individu au regard des règles du fonctionnement marchand. Autrement dit la nature du système est restée la même et c’est ce que nous avons peu à peu oublié et fini par accepter. D’autre part, au fil du temps, bercés par l’habitude et les discours lénifiants des syndicats et organisations politiques, soit disant progressistes, nous avons acquis la conviction que ces acquis étaient définitifs. Les salariés ont même cru qu’ils avaient des droits sur l’entreprise, erreur fatale qui plonge aujourd’hui les licenciés dans des abîmes d’incompréhension (« La direction n’a pas le droit de nous jeter comme bon lui semble… »).

Il est vrai que tant que le système a pu fonctionner malgré la présence de ces acquis, qui ne sont en aucun cas un droit sur l’entreprise, qu’il avait bien été obligé d’accepter, il a fonctionné sans jamais les remettre ouvertement en question. Son acceptation, de ces acquis, était aussi pour lui une garantie de paix sociale nécessaire au bon fonctionnement des affaires. Son acceptation était aussi liée au fait qu’il n’y avait pas de grands changements économiques qui auraient pu remettre en question cet équilibre économique et social… ceci à duré jusqu’aux années 70.

En effet, un changement important des conditions de la valorisation du capital pouvait remettre en question ce fragile équilibre entre acquis sociaux et exigences du marché. Et c’est exactement ce qui s’est produit et est entrain de se produire.

LA MONDIALISATION MARCHANDE ET SES CONSEQUENCES

Un des aspects de la mondialisation marchande a été de modifier les conditions de la production et de la distribution.

Au niveau de la production on a pu faire ailleurs qu’en Europe et avec des coûts réduits (matières premières, salaires) d’ou la tendance à la délocalisation qui est entrain de s’accélérer. Le marché de la force de travail est désormais mondial.

Au niveau de la distribution le marché est devenu international ce qui a eu pour conséquence d’accentuer la concurrence … d’ou ses répercussions sur les conditions de la production.

On peut donc dire que la mondialisation marchande a surdéterminé pour les entreprises l’impératif de rentabilité lié au principe du système marchand de valorisation du capital et ce au détriment des acquis sociaux qui deviennent dés lors un poids encombrant pour le fonctionnement de l’entreprise. Et que l’espèce de consensus mou qui liait salariés, patronat, organisations syndicales et pouvoir d’Etat est en train de voler en éclat.

C’est dans ce contexte qu’il faut comprendre la dégradation des relations sociales et les vagues de licenciements massifs en cours. Que des patrons profitent de la conjoncture, de la démobilisation des salariés pour ne plus respecter les quelques acquis sociaux dont nous avons parlé, voire fassent un chantage éhonté à des salariés (AIR LIB par exemple), ne doit pas nous étonner et ce d’autant plus qu’ils savent qu’ils ne risquent pratiquement rien : la structure de leurs entreprises les protège, de même qu’ils savent pertinemment que l’Etat ne fera rien puisqu’il est le garant du fonctionnement de ce système. Face à la grogne des salariés, les politiques vont faire le gros dos en attendant que le temps estompe l’esprit de révolte. Il n’y a certainement et proportionnellement pas plus de patrons voyous que dans le reste de la population…. C’est le système lui même qui est « voyou ».

Il ne s’agit donc pas d’un phénomène local, conjoncturel ou lié à la personnalité de tel ou tel dirigeant d’entreprise, encore moins une responsabilité liée à un quelconque dirigeant politique, mais d’un phénomène lié à la nature même du système marchand. C’est d’ailleurs ce qui explique qu’il n’y a aucune solution dans le cadre de ce système et que la Droite pas plus que la Gauche ne peut dépasser cette situation.

24 février 2004                                                       Patrick MIGNARD

 

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TRANSITION

C’est le processus qui consiste à passer d’un système social à un autre système social. Moment délicat à analyser et… l’Histoire l’a prouvé, impossible à prévoir… seule l’étude à posteriori donne des éléments d’explication. C’est en étudiant ce « passage » que l’on se rend compte en quoi l’Histoire… et toutes les « sciences » afférentes (économie, sociologie, psycho-socio, science po.…) n’est pas une science exacte. C’est ce qui explique certainement, du moins en partie, que ce phénomène est devenu objet de spéculation et enjeu politique, source de toutes les manipulations… il faut dire qu’il y va de l’intérêt historique des classes sociales.

De même que l’Homme a essayé de dominer la Nature, il croit pouvoir dominer l’Histoire.

Jusqu’au 18e siècle, les hommes faisaient l’Histoire « sans le savoir ». Les changements avaient lieu, mais ils n’étaient pas « théorisés » en tant qu’évènements historiques expliquant le mouvement de l’Histoire. La citoyenneté (responsabilité à l’égard de l’Histoire) et les valeurs laïques (les Hommes ne sont plus soumis à Dieu), ont placé l’être humain au gouvernail de l’Histoire… l’Histoire est devenue consciente… ou conscientisée. Ce sont alors posées les trois traditionnelles questions : où ? comment ? et quand ? Quel projet ? Comment y parvenir ? et quand situer l’action pour cela ? Ces trois questions ont hanté, et hantent encore, la réflexion politique. C’est autour de ces trois questions que se sont constitués les partis politiques, les équipes dirigeantes, et les stratégies politiques.

La perte du sens de l’Histoire

Un curieux phénomène s’est développé, et ne fait jamais l’objet de la moindre réflexion : le moyen a fini par primer sur l’objectif. Quoique ce soit regrettable, nous allons le voir, cette dérive s’explique et est source d’erreurs tragiques.

La victoire de l’économie de marché a été la « victoire » du rationalisme et… paraît-il, des droits de l’homme. L’exclusion de la divinité en matière de légitimation du pouvoir a fait conclure, un peu rapidement, que les fondements de la « société démocratique » étaient définitivement établis et que donc, le système marchand était indépassable et ne nécessitait que quelques aménagements techniques. C’est cette idée qui est profondément ancrée dans les esprits et, bien entendu, largement reprise et assénée par l’idéologie officielle, de droite comme de gauche.

Il faut dire que cette attitude n’est pas spécifique au système marchand. Cet « égocentrisme historique » qui fait croire que le système dans lequel on vit est indépassable est commun à peu prés à tous les idéologues et à toutes les époques. Mais, avant le 18e siècle, cette attitude n’est pas surprenante dans la mesure où, comme je viens de le dire, on n’a pas réellement conscience de l’Histoire.

Aujourd’hui le problème ne se pose plus du tout de la même manière, au contraire. Hormis celles et ceux, nous dirons les « conservateurs », qui, consciemment et volontairement, veulent reproduire le système existant, les adeptes et « théoriciens » du changement ont une conscience aigue de ce changement … ils théorisent ce changement, voire ils le « modélisent ». A partir de là deux attitudes apparaissent :

- celle qui consiste à utiliser les formes légales proposées par le système, formes qui renvoient toujours à sa gestion… autrement dit, qui ne changent rien,
- celle qui consiste à « penser » le nouveau système, à partir de valeurs, d’aspirations, de principes et à en exiger l’instauration immédiate… « il n’y a qu’à ! »

La première attitude conçoit un Changement par, essentiellement, le changement du personnel politique à la tête de l’Etat. Il est fait l’hypothèse que, par petites touches, le système dans son ensemble va qualitativement se transformer en un autre système ( ?). Toutes les expériences, sans exception, ont montré que cette méthode, si elle atténue, ou peut atténuer conjoncturellement, les conséquences du fonctionnement du système marchand, n’aboutit jamais à un changement radical… et ceci est surdéterminé aujourd’hui par la mondialisation qui relativise le pouvoir des Etats-Nation.

La deuxième attitude consiste à nier globalement, à exiger l’abolition immédiate et radicale du système marchand et à appeler à l’élaboration d’un autre système dont on énonce simplement les principes.

Si la première attitude peut-être qualifiée de, finalement, conservatrice, la seconde comporte une bonne dose d’incantation magique.

Entre les deux, bien sûr, des nuances avec, à terme, il suffit de voir l’évolution des organisations et des individus, un ralliement à l’une ou à l’autre.

Le « changement » est posé, dans tous les cas, en terme de « pouvoir » et exclusivement en terme de « pouvoir »… au point que la finalité du changement semble être la « prise du pouvoir » .

Comment en est-on arrivé à une telle dérive ? Deux explications, liées entre elles, peuvent être avancées :

- le système marchand s’est bâti sur une ambiguïté qui n’a jamais été relevée : l’instrumentalisation de l’individu (salariat) et son statut de citoyen (voir l’article DECADENCE). Cette situation a rationalisé le système au point de le rendre aux yeux de tous indépassable.
- le rôle de l’idéologie de la « démocratie marchande » qui a su imposer comme incontournable un système de fonctionnement politique qui assure la reproduction du système politique (la fameuse « alternance » à laquelle la classe politique tient tant… et pour cause).

Ainsi le « sens » de l’Histoire a été complètement oublié au profit d’une illusion réformatrice.

Le retour à l’Histoire

A y regarder de près, le passage d’un système à un autre ne se fait pas par la simple « conquête du pouvoir » qu’elle soit légale ou violente.

Que le pouvoir joue un rôle important dans l’Histoire, c’est une évidence, mais contrairement à une croyance bien ancrée, elle n’est que l’aboutissement d’un processus. Exemple : la bourgeoisie commerçante ne prend pas véritablement le pouvoir en France le 14 juillet 1789… en fait elle le prend, ou du moins elle le prépare, durant les 8 siècles qui ont précédé cette date. La Révolution Française n’est que l’aboutissement politique de l’établissement d’un système qui a miné (économiquement, moralement et idéologiquement) l’Ancien régime au point de le rendre incohérent et insupportable. Ce qui prime donc, ce n’est pas la « prise du pouvoir » en elle-même, mais le « sens » qu’elle a au regard des nouveaux rapports sociaux qui sont susceptibles de « prendre le relais » des anciens. C’est la maturité économique, politique et idéologique de ces nouveaux rapports qui crée les conditions historiques du changement… se pose alors, et seulement alors, le problème de la prise institutionnelle du pouvoir politique.

A contrario l’Histoire montre qu’une prise du pouvoir, qu’elle se fasse de manière légale ou violente, indépendamment de ce que je viens d’appeler les conditions historiques, est vouée à l’échec… l’exemple le plus significatif est l’exemple soviétique, mais on peut prendre aussi le cas de Lula au Brésil et de multiples autres exemples de l’arrivée de la gauche au pouvoir.

La transition d’un système à un autre système, autrement dit le « Changement », l’illustration de « Un autre monde est possible » (slogan « marketing », aujourd’hui sans contenu et purement mythique) ne peut s’envisager que dans cette problématique. Ceci veut dire que l’on ne peut pas improviser le changement ou le considérer comme quelque chose qui « va de soit » une fois que l’on a accédé au pouvoir. Ceci veut dire que si l’Homme est acteur de l’Histoire il ne l’est pas n’importe comment et pas dans n’importe quelles conditions.

La tâche actuelle n’est donc pas d’user ses forces dans des opérations médiatico-électorales, au cours desquelles les déclarations ne sont que des incantations plus ou moins gratuites (encore que ça coûte cher en énergie et en argent), mais d’œuvrer à la mise en place de pratiques sociales, de relations sociales et de les fédérer en vue d’un projet global.

Concrètement ça veut dire quoi ? Tout simplement (si j’ose dire) qu’il est temps d’avoir des pratiques sociales nouvelles, en conformité avec les valeurs que nous proclamons et véhiculons. Des pratiques de production, de consommation, d’échange et même de luttes (Voir l’article DROIT DE GREVE ET SERVICE PUBLIC) qui prouvent deux choses : l’absurdité et la malfaisance du système marchand, mais aussi la validité concrète des valeurs et des principes que nous proclamons. Ces pratiques existent localement et même mondialement mais elles ne sont jamais prises en considération dans une stratégie politique, elles ne sont pas fédérées pour constituer une stratégie de changement, elles ne servent que d’illustrations exotiques à des discours grandiloquents sans véritable portée.

Développer ces actions, penser ces actions, fédérer ces actions devraient constituer l’essence même d’une véritable politique de changement. Alors oui, « un nouveau monde » ne sera pas un vœux pieux mais pourra devenir une réalité.

17 février 2004                                                                        Patrick MIGNARD

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DECADENCE

L’époque que nous vivons n’est probablement pas nouvelle dans l’Histoire humaine. Nous vivons la décadence d’un système qui après avoir connu son apogée est entrain de s’achever miné par des contradictions qu’il est incapable de dépasser. Ca n’est pas nouveau, tous les systèmes, même les plus puissants et les plus stables sont passés par cette étape. C’est ça l’Histoire.

La « perte de repères », la « perte de sens », la « faillite des valeurs » ces expressions résument assez bien, dans le langage courant ce que nous ressentons tous devant la situation économique, politique et sociale. Nous ressentons confusément que la « situation n’est pas comme avant ». La montée de l’incivisme donne une nouvelle dimension à la situation sociale. Les règles, les principes, les valeurs ne sont plus respectées, ni en haut, ni en bas de la société. Ce n’est plus le conflit social classique, bien repéré par nos esprits, bien « pratiqué » depuis des années, correspondant à des données claires qui éclate devant nos yeux, mais une lente « décomposition sociale » dont on ne comprend pas très bien la cause et surtout l’issue.

UN RAPPORT SOCIAL A LA DERIVE

L’économie de marché est fondée sur un rapport social précis. La reconnaissance et l’existence de l’individu (du moins pour la plupart des individus) passe par son appartenance à un processus de travail qui lui donne les moyens de sa subsistance (le salaire). C’est dans ce rapport (le métier, la profession) que se créent des relations sociales, un lien social, qui donne à l’individu une représentation sociale… une identité sociale. Ce rapport social n’est certes pas harmonieux, il est basé sur l’instrumentalisation de l’individu (le salarié), en fonction d’exigences qui lui sont extérieures et sur lesquelles il n’a aucune prise (il est utilisé quand on a besoin de lui, viré lorsqu’on en a plus besoin). Ce sont les conditions de valorisation du capital qui passent par la rentabilisation des processus de production, des entreprises, qui constituent ces exigences. Pourtant, aussi contraignant qu’il soit ce rapport est « intégrateur », c’est-à-dire que pour le plus grand nombre il « donne une place dans la société ». Ainsi, le salarié, même s’il est « instrumentalisé », a sa place… et d’ailleurs tient à cette place qui lui assure sa survie matérielle et sociale. Cette situation d’ « aliénation-intégration » subie mais acceptée, explique que dans les pays développés le système marchand n’ait jamais été renversé.

Tant que le système « procure du travail » il met à disposition des moyens d’existence, mais crée aussi du « lien social », de la « cohésion » sociale, certes conflictuelle, mais suffisamment cohérent pour éviter l’explosion de l’ensemble. La répression (police) et les réformes (mesures sociales) permettent en fonction des circonstances de s’ « acheter la paix sociale » indispensable pour le bon fonctionnement du système marchand.

Le problème aujourd’hui, c’est que ce mécanisme fonctionne de moins en moins bien et même se bloque. Pourquoi ? Dans les pays développés, la course effrénée à l’automatisation et la mondialisation de la valorisation du capital (délocalisation), ont largement relativisé le rôle de la force de travail dans les processus de production.

Sur une vaste échelle, dans ces pays, un grande partie des branches de production, qui ont créé dans le passé des millions d’emplois, soit ont été supprimées (textile, sidérurgie, une partie de la construction navale, houillères,…) soit ne fonctionnent plus qu’avec des machines sophistiquées et peu de personnel (aéronautique, automobiles, chimie…)… sans parler de l’agriculture où les emplois se réduisent comme une peau de chagrin. Certes le secteur tertiaire (services) s’est développé mais il ne compense pas les pertes et d’autre part, jouent dans ce secteur les mêmes logiques de rentabilisation, concentration, suppressions d’emplois… Autrement dit, le lien social, le tissu social que créait le système marchand et qui faisait sa cohérence et son unité,… il le crée de moins en moins. Or, un système social qui ne crée plus du lien social perd de son « sens ». Qu’elle est en effet la place de l’être humain dans un tel système ? Comment peut-il se situer ? Comment peut-il acquérir un statut social ? Quel sens peut avoir la « morale républicaine » pour quelqu’un qui est privé de moyens de vivre par les lois économiques de ce même système ? Un tel système peut-il offrir un idéal de vie ?

L’IMPOSSIBLE SOLUTION

Deux contradictions (liées entre elles) illustrent cette impossibilité : les marges de manoeuvres de plus en plus étroites des systèmes marchands développés du fait de la mondialisation et, par voie de conséquence, la contradiction entre le statut de « salarié » et celui de « citoyen » qui s’exacerbe.

- des marges de manœuvres de plus en plus étroites : le système marchand ne peut plus, aujourd’hui, « se payer la paix sociale » ou du moins peut de moins en moins. Pourquoi ? Parce que le système est « ouvert », la fameuse mondialisation. Tant que les pays développés vivaient « en vase clos » dans un monde qu’ils contrôlaient, fondé sur des Etats-nations souverains, les politiques économiques et sociales qu’ils pratiquaient permettaient à la fois de valoriser le capital (ce qui est le but unique du système), mais aussi d’atténuer les conflits en accordant des avantages financiers, matériels et sociaux. Ceci n’est plus possible dans un cadre mondialisé.

- conséquence du point précédent, la contradiction entre le statut de « salarié » et celui de « citoyen » devient insupportable. Le « salarié » est « instrumentalisé » par le système (j’ai besoin, j’embauche… je n’ai pas besoin, je licencie ) or, le « citoyen » est en principe « libre ». Tant que les conditions économiques faisaient que le « salarié » coïncidait, tant bien que mal avec le « citoyen » dans une même personne… par exemple l’action citoyenne permettant de faire efficacement pression, la situation se maintenait… la cohésion sociale, quoique conflictuelle, n’était pas remise en question… la preuve : dans un pays développé le système marchand n’a jamais été renversé. Aujourd’hui ce n’est plus le cas. Que peut représenter le statut de « citoyen » pour l’ « exclu », et même pour le « salarié » qui est complètement dépendant du fonctionnement du système marchand sans possibilité de changer quoi que ce soit ?

UNE SITUATION BLOQUEE

La pire des choses arrive au système marchand : il n’est plus capable de créer et d’assurer de la cohérence sociale. Ce n’est pas un phénomène passager, c’est un problème structurel : c’est la logique de son propre développement qui l’a conduit à cette impasse. Les valeurs qu’il prétend défendre, incarner, apparaissent de plus en plus en contradiction avec son propre mode de fonctionnement. La question pour le système est la suivante : comment en sortir ?

Il n’a évidemment pas la solution pour une raison simple : elle n’existe pas. Il sait qu’il n’a plus rien à négocier et qu’il doit imposer la situation à l’ensemble de la population. Pour cela il lui reste quelques moyens :

- la propagande : la plupart des moyens de communication à son service, il verrouille, non pas en censurant brutalement (encore que !), mais surtout en orientant l’information, en déviant les analyses, en isolant la vraie contestation, en favorisant les pseudo analyses, en technicisant le débat, en renvoyant tout à l’électoral… alors qu’il sait que rien ne changera. C’est une tactique qui jusqu’à présent fonctionne.
- la répression : tendance à criminaliser la contestation sociale et les conflits sociaux… faisant apparaître les « contestataires » comme des anti démocrates et des délinquants,
- en favorisant, financièrement, politiquement et médiatiquement des organisations pseudo contestataires qui ont pour objectif de rassembler et de canaliser dans des opérations médiatico-spectaculaires les « contestataires ».

Toutes ces actions ne font que maintenir en survie un système qui vit chaque jour l’émiettement de ce qui constituait son unité, sa cohérence. L’élimination des acquis sociaux, fruit de plusieurs décennies de luttes sociales, illustre la décadence d’une structure sociale qui n’a plus d’avenir. L’incivisme n’est que l’expression au niveau citoyen d’une perte de confiance dans un avenir qu’est incapable d’assurer le système.

°

Les dérisoires « solutions » offertes aux citoyens ne sont que des moyens de faire accepter la situation au nom d’une pseudo rationalité dont ils feront toujours les frais en terme de conditions de vie. La pratique des gestionnaires du système, la politique économique n’est plus d’ordre stratégique : construire un système, mais purement tactique : faire le plus rapidement de l’argent et éviter que tout s’écroule.

Le système marchand se meurt étouffé, comme l’ont été tous les systèmes dans l’Histoire, par son incapacité à permettre aux femmes et aux hommes de pouvoir tout simplement vivre dans la dignité.

Toulouse  13   Février 2004

Patrick MIGNARD

 

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