LA DIALECTIQUE DU BATON ET DE LA CAROTTE
Le pouvoir marche aujourd’hui « sur des œufs »… Il est inquiet. La crise, couplée à une dégradation vertigineuse de la situation sociale, entrave la farouche volonté de libéraliser l’ensemble de l’économique,… et ce d’autant plus que les lois du marché atteignent les limites du supportable.
C’est donc des trésors de subtilités tactiques et stratégiques que mettent au point les gestionnaires du système pour faire passer en force, ou à l’insu de la majorité, des « réformes » qui vont encore plus aggraver la situation des citoyens.
DE LA STRATÉGIE DU « BALLON SONDE »…
La proposition du sénateur UMP Philippe Marini, un illustre inconnu de la classe politique,… pour une initiative aussi « énorme », en dit long sur la franchise et la couardise de la bande au pouvoir.
Qui peut en effet, sérieusement, imaginer un seul instant, dans la situation actuelle, que la proposition de « déduire du revenu imposable les pertes enregistrées en bourse cette année » ait été faite à l’initiative individuelle d’un « troisième couteau » sans l’aval des plus hautes instance de l’État ?
Un tel cas de figure est parfaitement improbable quand on sait comment fonctionne le « processus démocratique » dans les hautes sphères du pouvoir.
Cette ahurissante initiative avait, à n’en pas douter, l’aval du sommet de l’État, mais peut-être pas du 1er Ministre qui est aujourd’hui un simple figurant.
Pourquoi une telle proposition et pourquoi présentée par un inconnu ?
L’avantage de la faire présenter par un inconnu est de ne pas mouiller des personnalités officiellement, sinon réellement, de 1er plan. Imaginez le Président, voire le 1er Ministre faisant cette déclaration ? Ça aurait fait un peu désordre dans les chaumières.
Pourquoi une telle proposition ? Pour voir !
Pour voir comment réagit l’opinion. Pour voir comment réagit le « nouveau parti socialiste » et de manière générale l’opposition.
Et si des fois ça pouvait passer ? Ca ne « mange pas de pain » d’essayer. D’autant plus qu’un repli stratégique peut-être parfaitement positif sur le plan de l’opinion publique.
On laisse un peu mijoter l’opinion, on observe et on réagit. Si l’on tire sur le « ballon-sonde », on retire, sinon,… ben ça passe !
Il a fallu presque deux jours au 1er Ministre pour réagir,… et là il s’en est donné à cœur joie en déclarant :
« Cet amendement créerait de fortes inégalités » et « dans cette période de difficultés économiques, le gouvernement estime qu’il n’appartient pas au contribuable de compenser les pertes des actionnaires »
Ç’est-il pas beau ça ? Ça fleure bon l’égalitarisme républicain. Ça donne du baume au cœur de celles et ceux qui ont mal encaissé les efforts inouïs consentis par l’État en faveur des banquiers. On croirait la République rétablie, du moins sauvée dans ses valeurs essentielles… Il ne manque que la Marseillaise pour couronner le tout... Et peut-être un dépôt de gerbe sur la tombe de l’actionnaire inconnu victime de la barbarie financière.
Il est évidemment de notoriété publique que le gouvernement combat avec la dernière énergie, et sur tous les terrains, les inégalités… Il n’est qu’à observer la courbe du nombre de pauvres qui ont recours aux actions humanitaires et caritatives pour vivre, voire survivre, et le nombre de riches qui meurent de froid.
Cette annonce était-elle une erreur ? Non,… elle est dans la parfaite logique de ce que défend et dont « est garant l’État : l’intérêt des actionnaires », c’est-à-dire de ceux qui profitent de l’investissement en capital et de la spéculation.
Bien sûr, comme dans le cas de l’effort inouï accordé aux banques, on nous a présenté les choses sous l’angle le plus anodin : la défense de la « petite épargne » et la défense des intérêts des « petits actionnaires »… c’était la confiture qui aurait pu faire passer la pilule, mais celle-ci était trop grosse au regard de la quantité de « lubrifiant » utilisé.
… À LA CRIMINALISATION DES CONFLITS SOCIAUX
Le retrait à grand spectacle de cette « mesure » mort-née est très significatif de la crainte qu’a aujourd’hui le Gouvernement dans sa propre politique,… ce qui ne l’empêche pas de se « lâcher », de passer à l’offensive sur d’autres terrains.
Deux exemples.
La condamnation de « Droit Au Logement », accusé d’ « entrave à la circulation et de dépôts de débris sur la voie publique » (on croit rêver !) avec amende et confiscation de plusieurs centaines de tentes en dit long sur le mépris dans lequel le pouvoir tient les associations dont il a pourtant bien besoin pour éviter l’explosion sociale.
Le traitement qu’il réserve à la révolte, qui monte, de la jeunesse est encore plus révélateur. Le pouvoir n’hésite pas à envoyer contre des gamins, des brutes en tenue de combat, et même la BAC (Brigade Anti Criminalité) dont l’intitulé se passe de commentaire au regard de la nature du conflit en question… sans parler des « exploits » de ce corps d’ « élite ».
Enfin, dans l’affaire du sabotage des caténaires le gouvernement n’a pas hésité à frapper fort en ressortant le vieil épouvantail, toujours d’actualité, du terrorisme,… il suffit de changer son costume : d’islamiste on est passé à l’ultra gauche. Le discours, là encore, a largement dépassé les faits dont les preuves se sont réduites comme une peau de chagrin. Mais la pression médiatique est maintenue et n’est pas prête de baisser avec la nomination du Président du CSA par le « Château ».
Devant la montée du mécontentements social, le processus de désignation d’un bouc émissaire est désormais trouvé : l’ultra gauche… Pas celle qui tient des discours révolutionnaires, et se produit avec succès dans les émissions « pipeules »,… celle au contraire que l’on ne voit pas ou peu (ce qui est suspect), qui n’a pas de télé, vit dans un village où elle est bien intégrée (ce qui montre sa perfidie et son désir de se cacher).
On est en pleine paranoïa mais ça marche toujours quand on procède par allusions.
La cerise sur le gâteau est incontestablement l’affaire des « pains de plastic » en plein Paris qui mobilise tous les médias et toutes les énergies. Une affaire où est suggéré un « faux islamisme » et une « probable ultra gauche »… On aurait voulu « insinuer que »… que l’on ne s’y serait pas pris autrement.
Est-ce à dire qu’il s’agisse d’une manipulation ? Ce n’est évidemment pas certain,… mais qui peut dire, aujourd’hui, avec un pouvoir devenu impopulaire, une manipulation politique permanente à tous les niveaux, un jeu malsain du « chat de la souris » entre le pouvoir et la « société civile »,… où est le vrai et où est le faux ?
En période de crise, le pouvoir est prêt à tout pour « reprendre la main ».
Quand on voit aujourd’hui l’utilisation qui peut-être faite de la « psychose du terrorisme » en matière de limitation des libertés et d’encadrement policiers,… on est en droit de s’interroger sur les tenants et aboutissants d’évènements qui tombent « à point nommé » dans une période de crise.
La politique du bâton et de la carotte nous fait osciller entre la paranoïa et la naïveté… C’est exactement l’histoire du « flic sympa » et du « flic méchant » quand vous êtes interrogé par la police qui essaye de vous déstabiliser. Auquel des deux se fier ?
À aucun évidemment ;… tous les deux jouent le même jeu, la même partition, mais avec des instruments différents.
Patrick MIGNARD
18 Décembre 2008
Voir aussi :
« LES « AVANTAGES » COLLATÉRAUX DU TERRORISME »
« LA REVOLTE ?... ET APRÈS ? »