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EN FINIR AVEC LA MARCHANDISE

"La marchandise est incompatible avec la citoyenneté. Cette affirmation peut paraître surprenante… pourtant à y regarder de très près, elle est exacte. Comment cela se peut-il ? La marchandise n'est pas simplement une caractéristique de "ce qui est produit", elle est l'expression d'un "rapport social", autrement dit elle structure nos rapports, elle spécifie la manière dont nous nous organisons socialement pour produire mais aussi pour répartir les richesses produites. Elle est donc à la base de la structure de notre société.

Les lois de fonctionnement du système marchand spécifient clairement, et disons-le simplement, que ce qui est produit n'a de sens que s'il rencontre une demande solvable, autrement dit si "on peut le vendre"… a contrario s'il ne trouve pas une demande solvable il est inutile. Or, ce qui détermine la solvabilité de la demande, c'est-à-dire le fait que l'on détienne de l'argent, que l'on ait un revenu, c'est l'utilité que l'on représente par rapport à l'appareil de production, autrement dit le fait que l'on a un emploi. Avoir un emploi ne dépend donc qu'en partie de la volonté de celui qui le cherche, la partie essentielle dépend du calcul économique effectué par l'entreprise, pour savoir s'il est rentable ou non d'embaucher. Quand on aura dit que la rémunération du salarié est un coût pour l'entreprise, et que sa réduction s'opère de la même manière que tous les autres coûts, on comprendra en quoi le système marchand n'est qu'une entreprise d'instrumentalisation des individus, les salariés.



Si l'on considère maintenant la citoyenneté, comme une manière, une conception de considérer l'être humain comme un sujet souverain de son histoire, de la pratique sociale, on voit tout de suite, non seulement le décalage, mais la contradiction entre ces deux conceptions. C'est cette contradiction qui s'exprime aujourd'hui, au point de déstabiliser l'ensemble de l'édifice social.
Cette contradiction ne s'exprime-t-elle qu'aujourd'hui ? Non ! évidemment. Elle s'exprime depuis le 19ème siècle mais jusqu'à présent elle a pris des formes particulières, essentiellement l'opposition ouvrière. Et surtout, les marges de manœuvres du capital (dans les pays industriels développés) étaient bien plus importantes qu'elles ne le sont aujourd'hui. En effet, la mondialisation de l'économie tend à relativiser de plus en plus, dans les "pays développés" l'importance de la force de travail dans le processus de production. Autrement dit, ce qui constituait l'essence du lien social (avoir un emploi, disposer d'un revenu, consommer…) est entrain de se déliter. Ce lien social était contradictoire, plein de conflits, mais il constituait cependant une cohérence sociale… ce n'est plus le cas aujourd'hui. Ceci explique le décalage de plus en plus important entre un système économique de plus en plus inégalitaire et source d'exclusion, et le discours politique sur la citoyenneté.

C'est à partir de cette problématique qu'il s'agit de poser le problème du changement. On est en droit de se poser légitimement la question, sur le plan historique, de savoir si le système marchand, à l'instar de tous les autres systèmes dans l'Histoire, n'est pas parvenu à un degré de contradiction qui rend incompatible l'organisation économique et les aspirations politiques et sociales. Et ce d'autant plus que le degré de développement des capacités de production pourrait satisfaire l'ensemble des besoins des êtres humains sur cette planète. Les inégalités sociales, économiques, l'exclusion, la destruction de l'environnement, la liquidation des acquis sont les sociaux conséquences logiques du fonctionnement du système marchand…. ce ne sont pas des "fatalités naturelles" comme on essaye de nous le faire croire.

Une telle problématique rend obsolètes la forme des luttes qui se mènent aujourd'hui, et bien entendu la stratégie de l'action politique qui prime dans notre société. C'est à un réexamen complet, radical et sans complaisance de nos "certitudes" de l'action politique et sociale à laquelle nous devons procéder aujourd'hui.
Nous sentons l'émergence, timidement, avec des réticences et des tentatives de contrôle par les vieux appareils politiques, du réveil de cette conscience nouvelle, porteuse d'un "monde nouveau"… Il y va peut-être de l'avenir de l'Humanité et même de la vie sur cette planète.

31 Mars 2004                                                    Patrick MIGNARD

 

 

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VICTOIRE DE « LA » POLIQUE,… MORT « DU » POLITIQUE

Ne nous méprenons pas, les élections n'ont aucune valeur en elles-mêmes, elle ne sont qu'une manière de faire croire à la liberté de choix des citoyens et à organiser par le conditionnement et la manipulation la reproduction du système pour éviter tout changement. Cela dit, elles sont tout de même un révélateur des stratégies des partis politiques, et de leur puissance de mystification, elles sont aussi un révélateur des croyances et fantasmes de courants politiques qui, attirés par le spectacle de la « conquête pouvoir » croient être en mesure, à travers elles, de réaliser leurs « rêves », elles sont enfin un moyen de mesurer le degrès de conscience politique et d'esprit d'initiative des citoyens-nes. Ce sont ces aspects dont il sera question dans cet article.

L'élection de mars 2004 est significative du rôle régulateur et conservateur de l'élection dans notre système. Elle révèle de manière éclatante l'extraordinaire pouvoir de mystification de celle-ci à l'égard des citoyens.

LA BANDE DES GESTIONNAIRES

Ils se partagent, en alternance, le pouvoir. Les enjeux ne sont nullement politiques (au sens noble du terme), ils sont simplement gestionnaires Qui gèrera le système ? Qui assurera sa pérennité ? quelle bureaucratie , quel gang règnera et se prélassera dans les délices et les privilèges du pouvoir ? La Droite et la Gauche, car il s'agit d'elles, ont parfaitement joué la partition… pour la nième fois on assiste à un changement fictif de politique qui n'a rigoureusement aucune conséquence sur la réalité de la vie quotidienne de millions de citoyens. Le désaveu de l'un est immédiatement interprété, analysé et entériné comme la victoire de l'autre… autrement dit la légitime colère populaire est toujours et systématiquement confisquée par l'un ou l'autre… aboutissant à un statut quo qui fait que tout continue comme avant.

Droite et Gauche, qui veulent nous faire croire que tout les oppose, sont unanimes pour … réduire au maximum l'abstention et faire voter tout le monde… comme si curieusement , avant même de savoir « pour qui l'on vote », il « faille voter ». Un tel empressement est tout à fait logique et explicable : il faut préserver la légitimité de ce pouvoir, donner l'illusion que tout le monde joue le jeu et donc accepte la règle du jeu… ce n'est qu'à cette condition que le mythe démocratique peut fonctionner.

Il sont les gagnants à tous les coups, et ne peuvent que l'être, dans les élections. Ils apparaissent, et sont d'une certaine manière, les seuls qui peuvent garantir que le « changement se fera sans changement »… et comme on ne sait pas trop ce qu'il pourrait être, on préfère s'en tenir à ce que l'on connaît… même si l'on sait que ce n'est pas très bien. (« On » étant le citoyen-électeur moyen… autrement dit la majorité).

Cette pratique politique de l'alternance, quintessence de l'expression démocratique pour ses bénéficiaires, mais dans les faits totalement stérile et conservatrice, ne peut profiter à terme qu'à une extrême droite à l'affût des failles du système politique.

UNE EXTREME DROITE, LE VENT EN POUPE

On est en droit de se demander comment se fait-il que le Front National « rafle la mise du mécontentement », contrairement à l'extrême gauche qui devrait logiquement profiter d'une telle conjoncture. Qu'est ce qui fait que le Front National attire. Le FN présente deux avantages dont il sait parfaitement tirer parti :

il est une organisation contestataire : dénonciation de la classe politique, outrances, appels au soit disant « bon sens », bref tout ce qui peut attirer le citoyen peu informé (paradoxalement la majorité) et pas trop regardant sur le sens du discours ;

il est une organisation qui ne remet pas en question le système marchand dans son ensemble, ce qui est d'une certaine manière rassurant,

Autrement dit, le Front National est la synthèse parfaite de « on assure la stabilité en gardant l'essentiel et on fait le ménage »… si l'on sort de son discours, les références historiquement et politiquement douteuses et les dérapages verbaux du « Duce », on a un produit médiatico-électoral qui peut trouver, et trouve, preneur sur le marché électoral. D'ailleurs le FN l'a parfaitement compris, c'est pour cela qu'il lisse son discours et se donne un look respectable.

Le FN n'apportera évidemment aucune réponse aux questions qui se posent aujourd'hui, et il le sait, mais sa bureaucratie veut aussi profiter du pouvoir et surfe démagogiquement sur un mécontentement légitime.

Le discours contre le FN est important, mais pas essentiel. Le FN n'est que le produit du système marchand et ne pas se donner les moyens de lutter efficacement contre le système ne peut que le renforcer politiquement.

La persistance, voire la montée du FN, n'est en creux, que l'expression du manque d'alternative au système marchand.

EXTREME-GAUCHE : UNE STRATEGIE EN FAILLITE

Elle dénote aujourd'hui un fait devenu évident : elle n'a rien compris et j'en ne prend pour preuve l'affirmation d'une incroyable naïveté « Si les résultats des listes de l'extrême gauche aux élections régionales de 2004 peuvent être ressentis comme décevants, avec 4,58 % des suffrages, ils n'en marquent pas moins la stabilité et la consolidation d'un électorat de la gauche révolutionnaire. »( ? ? ? ?) ROUGE du 25/04/2004 ; et ne sait titrer aucune leçon de sa pratique politique.

Sa critique, que je crois sincère, des aberrations scandaleuses et criminelles du système marchand, s'accompagne d'une stratégie en total décalage avec la réalité historique d'un véritable changement. Je veux dire par là que le changement, le vrai, celui qui abolit les anciens rapports sociaux et en crée de nouveaux, ne se verbalise pas simplement et uniquement dans des discours (ce qui est le cas aujourd'hui) mais se construit concrètement par la mise en place de relations sociales nouvelles.

Nombreuses et nombreux partagent les critiques formulées par ces organisations. Pourtant, quand il s'agit de « concrétiser » ce choix par le bulletin de vote, beaucoup hésitent et font un autre choix. Pourquoi ? Probablement pour deux raisons liées entre elles. D'abord la question essentielle : « OK sur votre analyse, mais vous proposez quoi ? » Malgré toutes les contorsions sémantiques (et il sait faire !) du militant révolutionnaire, il n'y a pas véritablement de réponse… et pour cause… il n'a qu'un discours qui se fonde, prospectivement, sur aucune réalité.

Le discours de l'extrême gauche reste un discours et seulement un discours… et ce ne sont pas des mots d'ordre du style « interdiction des licenciements » qui va rassurer le citoyen… car ce dernier sait pertinemment que dans l'état actuel des choses c'est un mot d'ordre, certes fort sympathique, mais hélas purement propagandiste, sans aucun fondement concret, sans l'ombre du moindre début d'un commencement de réalisation possible Au final l'électeur, s'il n'y a pas de risque, il veut bien voter pour l'extrême gauche, mais s'il y a un danger, style extrême-droite, alors il vote « utile »… c'est exactement le « syndrome du 21 avril 2002 » et qui a joué à plein cette fois ci.

Le problème pour l'extrême gauche, c'est qu'elle aussi s'est fait prendre au jeu des élections et envisage l'action politique essentiellement dans ce domaine électoral. Certes elle soutien des luttes, organise des manifs, participe à des colloques, bref s'agite… mais c'est tout, elle a complètement oublié les leçons de l'Histoire en matière de changement. Elle est condamnée soit à rester un groupuscule contestataire, véritable caution démocratique des grands partis, soit, peu à peu, à s'intégrer dans le jeu classique en multipliant les élus qui vendront leurs promesses aux électeurs.

UN « ALTERMONDIALISME » EN PLEINE CONFUSION

Le problème des altermondialistes c'est qu'ils veulent jouer dans la cour des grands, avec les moyens des grands, or ces grands ont des pratiques de voyous (on a pu apprécier leurs méthodes en Midi Pyrénées) qui ont pris toutes les bonnes places et sont prêts à briser les plus petits si ceux-ci veulent se montrer… ils ne les accepteront que s'ils ont besoin d'eux.

L' « altermondialisme » n'est que l'ultime tentative pour « trouver une issue » pour sortir de ce système. Le problème c'est que ce mouvement hétérogène draine à la fois des citoyens-nes sincères, mais aussi toute une faune de militants qui le considère comme un vivier pour leurs organisations. Ca débat, ça manifeste, ça conteste, ça interpelle… mais ça ne fait que ça. Cette « soupe aux idées », si elle parait sympathique, n'en demeure pas moins un magma des plus stériles. Aucune stratégie de mise en place de nouveaux rapports sociaux, de nouvelles formes de luttes, de fédération des expériences… rien de tout cela à la grande satisfaction des organisations traditionnelles qui manipulent et rabattent les militants déçus dans leurs rang et en font des cautions écolo-contestataires sur des listes électorales … quand elles en ont besoin… sinon elle les méprisent souverainement (voir l'expérience toulousaine des Alternatifs).

Une mention doit être cependant faite pour les VERTS , véritables caméléons politiques, qui sont passés maîtres dans l'art du double discours et de la double pratique… parfaitement opportunistes ils sont là où il faut, quand il faut pour retirer les « marrons du feu ».

Aujourd'hui, aucune organisation politique (je parle d'organisations qui militent en principe pour le changement) n'est capable de faire une analyse critique de la situation. Aucune organisation politique n'est capable, sinon dans le discours, d'articuler l'analyse, la théorie, avec une pratique sociale… autrement dit d'avoir une praxis. Ces organisations sont essentiellement conservatrices, dans leurs projets… qui n'existent pas et qui donc renvoie à la réalité présente, et dans leur manière d'être (bureaucratie, marketing politique, collaboration avec les gestionnaires).

Les élections sont devenues, avec le consentement de toutes ces organisations, le centre de gravité de ce que l'on appelle la vie politique… c'est pour cela que « le » politique est mort.

Lundi 29 Mars 2004. Patrick MIGNARD

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ELECTIONS : PARTICIPER OU PAS ? (2)

Le texte « ELECTIONS : PARTICIPER OU PAS ? » a entraîné pas mal de réactions dans les forums et les sites où il a été publié... la plupart d’ailleurs essentiellement négatives et fort critiques. Je n’en ai pas été surpris tant le malaise est profond dans notre société. Je ne peux pas répondre à toutes ces critiques.

Ce texte précise un certain nombre de points et veut répondre à quelques critiques de fond. Il ne clos pas le débat loin de là car, quoi qu’il en soit le problème est désormais posé et il faudra bien, malgré les cris scandalisés et les « leçons de morale civique », y répondre.

SUR LA NATURE DU « PHENOMENE ABSTENTIONNISTE »

Rares sont les commentaires qui dénotent une conscience de l’ampleur et de la nature du phénomène. La plupart se résument à des « leçons de civisme » et à « fustiger-ces citoyens-irresponsables-qui-font-du-mal-à-la-démocratie ». De fait il y a une sous évaluation du phénomène qui, j’en suis convaincu, est le symptôme d’une dégénérescence du système politique consécutive à l’accroissement des contradictions qu’il reflète : en particulier le « statut de citoyen », parfaitement contradictoire avec l’ « instrumentalisation du salarié ». Cette impuissance et ce refus, voire, je ne l’exclue pas, la crainte de l’analyse du phénomène, est extrêmement préoccupante car, en se projetant dans l’avenir, vue l’aggravation des conditions sociales et économiques et le glissement de la classe politique vers plus d’isolement et de corruption... on cours à la catastrophe... catastrophe que certains mettront évidemment sur le dos des... abstentionnistes.

L’abstention n’est plus celle des « pêcheurs à la ligne », elle est aujourd’hui l’expression d’un « ras le bol » politique, citoyen, d’un désarroi devant l’aggravation des contradictions de notre société et la volonté de la classe politique de « faire comme si de rien n’était ». Cette attitude des politiques est confortée, il est vrai, par la passivité des « citoyens » qui « râlent mais qui votent »... du moins jusqu’à présent.

L’abstention est une attitude de citoyens-nes et qui se vivent et se revendiquent en tant que tels. Les mépriser, comme c’est souvent le cas, les culpabiliser, voire essayer de les récupérer (les votes n’ont pas d’odeur) est la pire des attitudes. C’est à la fois les nier dans leurs interrogations et refuser de poser le problème de fond. Caricaturer leurs propos, du genre « Ah oui, pour toi il n’y a que le Grand Soir qui compte » ou pire « Ton attitude conduit finalement au terrorisme » fait assurément progresser la réflexion (sic) et montre le degrés d’intelligence citoyenne des « donneurs de leçons »...Ce n’est ni par le mépris, ni en trépignant frénétiquement et en scandant « il faut voter », « il faut voter »... que l’on règlera le problème et que l’on convaincra les récalcitrants.

SUR LA NATURE DE L’ELECTION

J’ai eu beau défendre le principe de l’élection et expliquer qu’il est incontournable dans une société organisée, certaines critiques ont absolument voulu m’accuser d’être « contre l’élection »... c’est tellement plus facile ! ! . Attitude singulière et qui dénote une vision quasi obsessionnelle, voire mystique de ce qu’est l’élection. Il y a là une sorte de tabou qui annihile toute clarté de jugement. Toucher à l’élection... c’est toucher au droit de vote... c’est toucher à la démocratie... c’est ouvrir la porte au totalitarisme... conclusion : « il faut voter ». A la question « pour qui ? »... peu importe, « il faut voter »... mais ... « il faut voter » ! ! ! ! ( ????). Le dialogue rationnel n’est plus possible. Attitude gravissime qui ne fait pas avancer la réflexion d’un iota au contraire. Cette attitude obsessionnelle agit d’ailleurs de manière totalement négative envers celles et ceux qui ne votent plus car ils/elles se calent aussi sur des positions parfaitement opposées et elles aussi obsessionnelles. « à bas le vote » ... » « à bas toutes les élections » ( ????)... ce qui ne fait guère plus avancer le débat.

Il est tout à fait symptomatique que l’on fasse systématiquement l’amalgame entre abstention et désintérêt, désengagement politique, cela montre une fois de plus que l’on résume l’engagement citoyen à la seule participation (ou presque) de l’élection... alors que, dans la réalité nombreux sont les votant qui se foutent royalement de la vie politique et qu’il y a de plus en plus d’abstentionnistes qui sont des citoyens engagés dans le mouvement social.

L’ELECTION A L’EPREUVE DES FAITS

Les récents évènements dramatiques d’Espagne et leurs conséquences électorales (la défaite du Parti Populaire et la victoire du PSOE) ont aux yeux de certains confirmé la « force des élections ». C’est prendre ses désirs pour la réalité.

Que l’élection ai permis aux Espagnols de virer un parti au pouvoir réactionnaire et manipulateur c’est un fait incontestable... mais pour mettre quoi à la place ? un parti qui a déjà été au pouvoir, aussi réactionnaire et corrompu que le précédent... quel progrès ! ! ! ! ... Il est vrai que le PSOE va retirer les troupes d’Irak (encore que je demande à voir !), qu’il n’a pas les mêmes relations avec l’Opus Dei, qu’il n’a pas la même histoire,etc.. Mais sur le fond il va gérer le même système d’inégalité, de misère et de privatisations...Il a même l’intention de « libérer » l’information (suite aux manipulations) de la tutelle de l’Etat et donc la livrer... au fric... Et on peut appeler ça un progrès ? Mais l’élection telle qu’elle est conçue aujourd’hui laissait-elle un autre choix ?... évidemment que non. De même pour nous à la Présidentielle où l’on était piégé (VOTEZ ESCROC, PAS FASCHO).

Et je ne parle pas du « retour à la Démocratie » en Russie avec l’élection du « boucher de la TCHECHENIE » qui a fait distribuer du chocolat aux électeurs et prendre la tension artérielle aux vieux à la sortie des bureaux de vote ( ?)... pour limiter l’abstention. Quel progrès ! ! ! !

Et je ne parle pas de Lula au Brésil où l’on allait voir ce que l’on allait voir... Sans commentaires !

Et.......

L’ABSTENTION ET LE FRONT NATIONAL

« L’abstention fait le jeu du Front National ! », c’est l’argument qui se veut massue pour faire voter, quand tous les autres ont échoué. Argument évidemment fallacieux qui a pour objectifs , faire peur et culpabiliser.

Si l’on part du principe que les votes sont captifs, les politiciens parlent d’ailleurs comme des propriétaires « mon électorat », « mes électeurs », et que l’électorat du FN est un électorat « stable », autrement dit politiquement engagé dans ce mouvement... alors oui, l’abstention, qui touche la gauche, et moins la droite (encore que !), fait le jeu du Front National.

Hélas pour nos stratèges électoraux, la réalité politique n’est pas aussi simplement caricaturale. Il y a parmi les électeurs du FN, et toutes les études le démontrent, une bonne partie de gens qui en ont marre d’être pris pour des imbéciles. Ils se trompent certes en votant FN, mais l’on sait bien que l’extrême-droite (qui a d’ailleurs été instrumentalisée pour des raisons électoralistes par la gauche et la Droite), experte dans la manipulation, la récupération et la confection des illusions arrive à les attirer... autrement dit, l’électorat du FN est composé de citoyens écoeurés qui, voulant remplir leur devoir de citoyen, votent comme on leur a dit de le faire. Franchement, je préfère un citoyen qui s’abstient qu’un citoyen qui vote FN... Certains de mes détracteurs penseront ainsi qu’un électeur du FN est meilleur citoyen que moi... la preuve, il a voté, lui... Raisonnement d’une haute teneur.

Quoi qu’il en soit, du fait de l’aggravation de la situation sociale, de la morgue et cynisme des politiques et le verrouillage du système électoral, l’abstention va probablement et inéluctablement progresser. Le discours moralisateur va être de moins en moins adapté à la situation...Il va bien falloir à moment donné discuter sérieusement... et éviter le discours civiquement moraliste.

Je déplore qu’au nom d’une position de principe, aujourd’hui largement battue en brèche par la réalité, l’on s’enferme sur des positions qui rendent sourds à toute analyse et tentative d’explication du phénomène de l’abstention.

Je déplore cette véritable attitude de dénie de la réalité dans lequel se réfugient, encouragés évidemment par la classe politique qui a tout à perdre dans cette affaire, celles et ceux qui pratiquent le « culte de l’élection » alors que tout le système est entrain de se décomposer à leurs pieds.

Je déplore cette attitude minimaliste qui se contente de « voter pour le moins pire », de « voter parce qu’il vaut mieux ça que rien », de « voter parce qu’il n’y a pas d’autre alternative », ...

Je déplore cette situation bloquée qui est le symptôme de notre impuissance à penser et concevoir une alternative à ce système économique et politique qui n’a jamais respecté l’être humain.

Je déplore cette pratique qui est entrain de préparer lentement mais sûrement le terrain à l’extrême-droite qui se nourrit de la crise et du désarroi croissant des citoyens.

Je déplore cette attitude qui nous conduit tout droit à la catastrophe.

18 mars 2004                                                                               Patrick MIGNARD

 

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VERS UNE SOCIETE POLICIERE ?

La généralisation des politiques sécuritaires dans tous les pays développés ne peut que faire s’interroger le citoyen conscient. Comment expliquer cette dérive dans des pays qui n’ont de cesse de se réclamer « démocratiques » et « respectueux des droits de l’homme ». Evitons toute vision policière de l’Histoire et essayons de comprendre.

A moins de partir de l’hypothèse que nous sommes sur la voie de l’établissement d’un Etat totalitaire, comme le 20e siècle en a connu en Europe, ce qui n’est certainement pas le cas, il est indispensable de comprendre pourquoi on assiste à un « durcissement », en terme policier, de contrôle, judiciaire de notre société. Les protestations émises contre un tel glissement sont certes indispensables, mais elles sont largement insuffisantes à la fois pour convaincre la majorité passive et/ou qui ne remarque rien, ou qui ne veut volontairement rien voir, mais aussi pour élaborer ce qui pourrait être le début d’une alternative sociale.

LE CONSTAT IMPLICITE D’UN ECHEC

En matière sociale, comme en matière éducative, la violence institutionnalisée est généralement l’aveu d’un échec pour un système qui se dit démocratique.

Comment est justifiée cette recrudescence policière par le gouvernement ? L’argument essentiel est : l’accroissement de la délinquance et de l’insécurité. Qu’il y ait, par rapport à une époque qui remonte à une trentaine d’années, et à fortiori avant, un recrudescence de la petite délinquance et un accroissement des actes qualifiés d’ « incivilité » ou d’ « incivisme », est une évidence qu’il serait stupide de nier. La question essentielle est « pourquoi ? » Qu’est ce qui peut expliquer cette tendance ? Il y a forcément des raisons sociales à une telle dérive.

On peut constater un relâchement, voire un déchirement du « tissu social ». Ce tissu social est le lien, le consensus, qui relie les individus d’une société autour sinon d’un projet et d’une conception commune, mais du moins des « limites » à s’imposer pour stabiliser une situation conflictuelle... C’est le lien qui existe à l’intérieur d’un classe sociale et qui fait que chaque membre a une place et une « reconnaissance sociale », un statut social, c’est aussi, bien qu’il soit conflictuel, le lien qui se tisse entre classes sociales, par exemple entre salariés et employeurs qui fait que la négociation est possible en cas de conflit, que les marges de manœuvres des uns et des autres permettent d’éviter toute rupture du rapport social. C’est d’ailleurs cette situation qui a fait que, jusqu’à aujourd’hui, dans les pays développés, malgré les conflits sociaux, parfois très durs, le système marchand n’a jamais été renversé.

Cette situation est entrain de radicalement changer depuis vingt ans. C’est en effet à cette époque que, ce que l’on appelle les « grandes mutations économiques », sont apparues. Les conséquences ? :

- réduction drastique de l’emploi consécutif à l’automatisation. Le chômage devient durablement structurel (c’est le fonctionnement même du système qui génère le chômage)
- délocalisations accélérées par la mondialisation marchande.
- l’exclusion devient un phénomène en constante progression avec en parallèle la précarisation due à un processus de dérèglementation du marché de la force de travail.
- relativisation du pouvoir de l’Etat-nation lié à la mondialisation marchande

Or, ce qui fait le « ciment » du système marchand c’est le fait d’utiliser la « force de travail salariée », et de ce fait de lui donner un statut, de donner une identité sociale au salarié, bref de donner un « sens » à sa vie sociale (même si elle est dure) et donc de contribuer à « tisser du lien social ». Tout cela est en perdition. La production a besoin de moins en moins de travail humain pour produire de plus en plus de biens. Le système marchand peut donc de moins en moins créer ce lien social. Il perd de plus en plus de « sens » aux yeux des citoyens. Les valeurs qu’il proclame apparaissent totalement illusoires comparées à la situation sociale qui empire... et l’Etat qui est le garant de ce système est incapable de résoudre cette contradiction.

LA POLICE COMME MOYEN DE REGULATION SOCIALE

La cohésion sociale et donc la régulation sociale ne peut être que de moins en moins assurée par le fonctionnement du système marchand. L’Etat, du fait des nouvelles conditions de valorisation du capital, peut de moins en moins jouer l’arbitre... et de ce fait se désengage de plus en plus de l’intervention économique (libéralisme). La situation sociale empirant il va bien falloir que l’Etat trouve un moyen d’assurer la pérennité et la stabilité du système... La seule solution qui lui reste c’est la coercition, la force, la violence. N’ayant plus rien, ou, pratiquement plus rien, à négocier il utilise ses fonctions régaliennes : police et justice en particulier. A défaut de négocier il va imposer, à défaut de discuter il va frapper. Brandissant des valeurs (celles de la République) totalement opposées à sa philosophie politique, il va donner l’illusion de les défendre tout en les violant impunément. Sa légitimité, assurée par des élections sous contrôle (idéologique, médiatique et financier), va lui assurer un pouvoir « moral » qui lui permettra de rejeter toute opposition (le mouvement social) dans l’illégalité et de frapper en toute légalité toute opposition à ses choix : juridiciarisation des conflits sociaux.

Le marché va réguler l’économique, avec toutes les conséquences que l’on sait (inégalité et exclusion), la police va réguler le social, les élections assurant le politique.

Un bon conditionnement idéologique du citoyen, agrémenté d’une bonne dose de peur (terrorisme, atteinte aux personnes, aux biens, insécurité routière, etc...) va conditionner la population aux nouvelles règles, à la nouvelle norme sociale : la rationnalité de la production, de la consommation, du comportement social est celle de l’intérêt économique, c’est-à-dire celle du marché... à l’exclusion de toute autre. C’est ce que l’on appelle la « pensée unique ». Le salut de tous et de chacun est dans cette nouvelle norme, le déviant, l’opposant, le critique est un danger... il faut le réduire au silence.

On comprendra dès lors que le recours à la délation généralisée est une conséquence tout à fait logique de cette conception de la citoyenneté. Le vrai, le bon citoyen c’est celui qui dénonce la transgression de la norme... et comme la police ne peut pas être partout, il est donc mis à contribution. Le citoyen devient ainsi le gardien d’un ordre social dans lequel l’autre est, par « nature » un concurrent sur le plan économique, mais aussi un danger dans la mesure où il remet en question, en la transgressant, la norme sociale. Le bon citoyen ne réfléchit pas, il respecte la norme. Le bon citoyen ne s’oppose pas à l’autorité, il coopère avec le gardien de cet ordre, le policier.

L’Etat procède ainsi à un véritable détournement du concept de « citoyenneté » à une extraordinaire perversion du statut de citoyen. La citoyenneté est vidée de son sens originel et participe à l’instrumentalisation de chacune et chacun tout en fournissant une couverture idéologique et « morale » acceptable.

Ce qu’il y a à craindre aujourd’hui ce n’est pas seulement d’avoir des policiers partout, mais surtout que nous devenions tous, de fait, dans nos têtes et nos comportements, des policiers.... autrement dit que nous soyons « instrumentalisés » par la logique du marché.

7 mars 2004                                                                                    Patrick MIGNARD

 

 

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