VICTOIRE DE « LA » POLIQUE,… MORT « DU » POLITIQUE
Ne nous méprenons pas, les élections n'ont aucune valeur en elles-mêmes, elle ne sont qu'une manière de faire croire à la liberté de choix des citoyens et à organiser par le conditionnement et la manipulation la reproduction du système pour éviter tout changement. Cela dit, elles sont tout de même un révélateur des stratégies des partis politiques, et de leur puissance de mystification, elles sont aussi un révélateur des croyances et fantasmes de courants politiques qui, attirés par le spectacle de la « conquête pouvoir » croient être en mesure, à travers elles, de réaliser leurs « rêves », elles sont enfin un moyen de mesurer le degrès de conscience politique et d'esprit d'initiative des citoyens-nes. Ce sont ces aspects dont il sera question dans cet article.
L'élection de mars 2004 est significative du rôle régulateur et conservateur de l'élection dans notre système. Elle révèle de manière éclatante l'extraordinaire pouvoir de mystification de celle-ci à l'égard des citoyens.
LA BANDE DES GESTIONNAIRES
Ils se partagent, en alternance, le pouvoir. Les enjeux ne sont nullement politiques (au sens noble du terme), ils sont simplement gestionnaires Qui gèrera le système ? Qui assurera sa pérennité ? quelle bureaucratie , quel gang règnera et se prélassera dans les délices et les privilèges du pouvoir ? La Droite et la Gauche, car il s'agit d'elles, ont parfaitement joué la partition… pour la nième fois on assiste à un changement fictif de politique qui n'a rigoureusement aucune conséquence sur la réalité de la vie quotidienne de millions de citoyens. Le désaveu de l'un est immédiatement interprété, analysé et entériné comme la victoire de l'autre… autrement dit la légitime colère populaire est toujours et systématiquement confisquée par l'un ou l'autre… aboutissant à un statut quo qui fait que tout continue comme avant.
Droite et Gauche, qui veulent nous faire croire que tout les oppose, sont unanimes pour … réduire au maximum l'abstention et faire voter tout le monde… comme si curieusement , avant même de savoir « pour qui l'on vote », il « faille voter ». Un tel empressement est tout à fait logique et explicable : il faut préserver la légitimité de ce pouvoir, donner l'illusion que tout le monde joue le jeu et donc accepte la règle du jeu… ce n'est qu'à cette condition que le mythe démocratique peut fonctionner.
Il sont les gagnants à tous les coups, et ne peuvent que l'être, dans les élections. Ils apparaissent, et sont d'une certaine manière, les seuls qui peuvent garantir que le « changement se fera sans changement »… et comme on ne sait pas trop ce qu'il pourrait être, on préfère s'en tenir à ce que l'on connaît… même si l'on sait que ce n'est pas très bien. (« On » étant le citoyen-électeur moyen… autrement dit la majorité).
Cette pratique politique de l'alternance, quintessence de l'expression démocratique pour ses bénéficiaires, mais dans les faits totalement stérile et conservatrice, ne peut profiter à terme qu'à une extrême droite à l'affût des failles du système politique.
UNE EXTREME DROITE, LE VENT EN POUPE
On est en droit de se demander comment se fait-il que le Front National « rafle la mise du mécontentement », contrairement à l'extrême gauche qui devrait logiquement profiter d'une telle conjoncture. Qu'est ce qui fait que le Front National attire. Le FN présente deux avantages dont il sait parfaitement tirer parti :
il est une organisation contestataire : dénonciation de la classe politique, outrances, appels au soit disant « bon sens », bref tout ce qui peut attirer le citoyen peu informé (paradoxalement la majorité) et pas trop regardant sur le sens du discours ;
il est une organisation qui ne remet pas en question le système marchand dans son ensemble, ce qui est d'une certaine manière rassurant,
Autrement dit, le Front National est la synthèse parfaite de « on assure la stabilité en gardant l'essentiel et on fait le ménage »… si l'on sort de son discours, les références historiquement et politiquement douteuses et les dérapages verbaux du « Duce », on a un produit médiatico-électoral qui peut trouver, et trouve, preneur sur le marché électoral. D'ailleurs le FN l'a parfaitement compris, c'est pour cela qu'il lisse son discours et se donne un look respectable.
Le FN n'apportera évidemment aucune réponse aux questions qui se posent aujourd'hui, et il le sait, mais sa bureaucratie veut aussi profiter du pouvoir et surfe démagogiquement sur un mécontentement légitime.
Le discours contre le FN est important, mais pas essentiel. Le FN n'est que le produit du système marchand et ne pas se donner les moyens de lutter efficacement contre le système ne peut que le renforcer politiquement.
La persistance, voire la montée du FN, n'est en creux, que l'expression du manque d'alternative au système marchand.
EXTREME-GAUCHE : UNE STRATEGIE EN FAILLITE
Elle dénote aujourd'hui un fait devenu évident : elle n'a rien compris et j'en ne prend pour preuve l'affirmation d'une incroyable naïveté « Si les résultats des listes de l'extrême gauche aux élections régionales de 2004 peuvent être ressentis comme décevants, avec 4,58 % des suffrages, ils n'en marquent pas moins la stabilité et la consolidation d'un électorat de la gauche révolutionnaire. »( ? ? ? ?) ROUGE du 25/04/2004 ; et ne sait titrer aucune leçon de sa pratique politique.
Sa critique, que je crois sincère, des aberrations scandaleuses et criminelles du système marchand, s'accompagne d'une stratégie en total décalage avec la réalité historique d'un véritable changement. Je veux dire par là que le changement, le vrai, celui qui abolit les anciens rapports sociaux et en crée de nouveaux, ne se verbalise pas simplement et uniquement dans des discours (ce qui est le cas aujourd'hui) mais se construit concrètement par la mise en place de relations sociales nouvelles.
Nombreuses et nombreux partagent les critiques formulées par ces organisations. Pourtant, quand il s'agit de « concrétiser » ce choix par le bulletin de vote, beaucoup hésitent et font un autre choix. Pourquoi ? Probablement pour deux raisons liées entre elles. D'abord la question essentielle : « OK sur votre analyse, mais vous proposez quoi ? » Malgré toutes les contorsions sémantiques (et il sait faire !) du militant révolutionnaire, il n'y a pas véritablement de réponse… et pour cause… il n'a qu'un discours qui se fonde, prospectivement, sur aucune réalité.
Le discours de l'extrême gauche reste un discours et seulement un discours… et ce ne sont pas des mots d'ordre du style « interdiction des licenciements » qui va rassurer le citoyen… car ce dernier sait pertinemment que dans l'état actuel des choses c'est un mot d'ordre, certes fort sympathique, mais hélas purement propagandiste, sans aucun fondement concret, sans l'ombre du moindre début d'un commencement de réalisation possible Au final l'électeur, s'il n'y a pas de risque, il veut bien voter pour l'extrême gauche, mais s'il y a un danger, style extrême-droite, alors il vote « utile »… c'est exactement le « syndrome du 21 avril 2002 » et qui a joué à plein cette fois ci.
Le problème pour l'extrême gauche, c'est qu'elle aussi s'est fait prendre au jeu des élections et envisage l'action politique essentiellement dans ce domaine électoral. Certes elle soutien des luttes, organise des manifs, participe à des colloques, bref s'agite… mais c'est tout, elle a complètement oublié les leçons de l'Histoire en matière de changement. Elle est condamnée soit à rester un groupuscule contestataire, véritable caution démocratique des grands partis, soit, peu à peu, à s'intégrer dans le jeu classique en multipliant les élus qui vendront leurs promesses aux électeurs.
UN « ALTERMONDIALISME » EN PLEINE CONFUSION
Le problème des altermondialistes c'est qu'ils veulent jouer dans la cour des grands, avec les moyens des grands, or ces grands ont des pratiques de voyous (on a pu apprécier leurs méthodes en Midi Pyrénées) qui ont pris toutes les bonnes places et sont prêts à briser les plus petits si ceux-ci veulent se montrer… ils ne les accepteront que s'ils ont besoin d'eux.
L' « altermondialisme » n'est que l'ultime tentative pour « trouver une issue » pour sortir de ce système. Le problème c'est que ce mouvement hétérogène draine à la fois des citoyens-nes sincères, mais aussi toute une faune de militants qui le considère comme un vivier pour leurs organisations. Ca débat, ça manifeste, ça conteste, ça interpelle… mais ça ne fait que ça. Cette « soupe aux idées », si elle parait sympathique, n'en demeure pas moins un magma des plus stériles. Aucune stratégie de mise en place de nouveaux rapports sociaux, de nouvelles formes de luttes, de fédération des expériences… rien de tout cela à la grande satisfaction des organisations traditionnelles qui manipulent et rabattent les militants déçus dans leurs rang et en font des cautions écolo-contestataires sur des listes électorales … quand elles en ont besoin… sinon elle les méprisent souverainement (voir l'expérience toulousaine des Alternatifs).
Une mention doit être cependant faite pour les VERTS , véritables caméléons politiques, qui sont passés maîtres dans l'art du double discours et de la double pratique… parfaitement opportunistes ils sont là où il faut, quand il faut pour retirer les « marrons du feu ».
Aujourd'hui, aucune organisation politique (je parle d'organisations qui militent en principe pour le changement) n'est capable de faire une analyse critique de la situation. Aucune organisation politique n'est capable, sinon dans le discours, d'articuler l'analyse, la théorie, avec une pratique sociale… autrement dit d'avoir une praxis. Ces organisations sont essentiellement conservatrices, dans leurs projets… qui n'existent pas et qui donc renvoie à la réalité présente, et dans leur manière d'être (bureaucratie, marketing politique, collaboration avec les gestionnaires).
Les élections sont devenues, avec le consentement de toutes ces organisations, le centre de gravité de ce que l'on appelle la vie politique… c'est pour cela que « le » politique est mort.
Lundi 29 Mars 2004. Patrick MIGNARD