COMMUNISME : « LE RETOUR AUX SOURCES » ?
La lente agonie de ce qui fut « l’idéal communiste » en passant par le/s stalinisme/s, l’absurde « guerre froide », et… finalement l’écroulement de l’empire soviétique et la décadence des partis communistes, laisse nombre de militants/es dans un désarroi complet. C’est tout un monde de croyances, de certitudes, d’analyses qui se croyaient « scientifiques », toute une vie militante, qui s’écroulent.
Dans les pays où le Parti Communiste a joué un rôle important et où, comme en France, il s’est maintenu tel quel, son effondrement d’audience, son potentiel militant et électoral ont été spectaculaires. Cette situation, et on peut humainement le comprendre, est insupportable pour ses militant-e-s et en particuliers celles et ceux qui sont des vétérans. Tout est fait pour faire « renaître l’espoir »,... mais à quel prix ! Et avec quelles « chances » de succès.
LE RÊVE ÉVANOUI
On a souvent comparé le Parti Communiste à une Eglise... la comparaison n’est certes pas flatteuse pour des « matérialistes », mais elle est pourtant hurlante de vérité : à un certain moment un Dieu, un/des pape/s, une foi, des textes sacrés, une éthique constamment violée, des fidèles et des hérétiques condamnés et persécutés… tout y est ou plutôt, y était !
La différence avec l’Eglise c’est qu’elle promet le Paradis au Ciel alors que les « communistes » le promettaient sur la Terre, et à court terme. L’Eglise échappe, et échappera toujours, à la preuve de ce qu’elle affirme, pas les « communistes ».
La « culture communiste », sur le plan théorique, a été un véritable acte de foi… la preuve la plus flagrante était que le doute n’était pas permis, ce qui pour, une théorie qui se voulait scientifique, est particulièrement curieux.
Une fois admis ce qu’il faut bien appeler un dogme on était bien dans la Grande Famille… jusqu’au jour où tout s’est écroulé. Le problème c’est qu’il faut expliquer ce qui s’est passé sans toucher au fond de la théorie... et là, plus rien ne colle !... Alors, on se raccroche à la croyance. « Ce n’est pas parce que l’on n’a pas vu le Père Noël qu’il n’existe pas » semble être la méthode de pensée des militants désemparés.
Attitude touchante et naïve de vieux communistes qui refusent de voir leur « monde magique » s’écrouler, leurs certitudes remises totalement en question… Ils s’accrochent avec la vigueur du désespoir à des espérances chimériques et pensent qu’en disant très fort leurs convictions, ils vont retrouver leurs espoirs d’antan. Une telle attitude infantile en dit long sur le conditionnement dont ils ont été victimes et montre, s’il en était encore besoin de le prouver, que leur engagement tenait plus de la profession de foi que de la conscience politique… bien qu’ils ne soient pas les seuls dans ce cas.
Les communistes ont en fait été rattrapés par l’Histoire, cette même Histoire qu’ils croyaient comprendre, maîtriser et… faire. Ils ont été défaits par l’objet même qu’ils prétendaient dominer. Or, s’ils ne comprennent pas cela, il est évident qu’un renouveau, une renaissance de leur parti est totalement impossible.
Mais reconnaître cela est un véritable « arrache cœur », c’est reconnaître que les fondements mêmes de ce à quoi on croyait, on a cru une bonne partie de sa vie, étaient complètement erronés. Certaines et certains font ce douloureux exercice et disent « OK, on s’est trompé revoyons l’ensemble de la question », d’autres, nombreux, préfèrent nier, ne pas voir, dénoncer, une fois encore, celles et ceux, qui affirment cela, que ce sont des « ennemis de classes », « liquidateurs », « irresponsables », « petits bourgeois », etc…
RETOUR AUX SOURCES,... MAIS À QUELLES SOURCES ?
Dans tous les débats, les articles, les commentaires, les sites où s’expriment les militants communistes, le « retour aux sources du communisme » est devenu un leitmotiv déclanchant un enthousiasme réel, mais oh combien naïf ! .
Mais une question récurrente se pose : existe-t-il des « sources du communisme » ? On peut, en cherchant bien, en identifier plusieurs, d’égales valeurs, certaines toujours ouvertes, d’autres qui se sont taries.
Celles qui se sont taries sont :
l’exemple soviétique ou plutôt l’exemplarité de la société soviétique… Ca a été la référence durant des décennies…Elle a fait totalement faillite,… soit !
la croyance dans un processus révolutionnaire qui, avec l’Union soviétique, la décolonisation, les luttes sociales formait un grand mouvement social international qui devait emporter le capitalisme… tout ce bel ensemble est mort… sauf le capitalisme !
Celles qui existent toujours :
les textes fondateurs du mouvement, longtemps considérés comme des « textes sacrés », de même que leurs auteurs ;
l’existence d’un capitalisme qui, loin d’avoir dépassé ses contradictions, les aggrave et conduit l’humanité à sa perte.
Pour ce qui est des textes fondateurs, une question essentielle se pose : sont-ils encore fiables ? N’y aurait-il pas dans ces textes les erreurs qui ont conduit le mouvement à sa catastrophe ? Graves questions qui renvoient en fait à reconsidérer ou non la problématique stratégique du changement social. Si les pères fondateurs se sont trompés, il faut, il va falloir, oser le dire, et dire où et comment la théorie est fausse. Dur exercice aussi bien psychologique (question existentielle du militantisme), que théorique (refondre une théorie du changement historique) auxquels les militants communistes ne sont pas préparés… leurs collègues de l’extrême gauche non plus d’ailleurs.
Pour ce qui est de la réalité du capitalisme, c’est la source la plus sécurisante… le militant sait contre quoi il se bat… Il ne sait pas trop comment, il ne comprend pas trop quelle est l’efficacité des méthodes ancestrales utilisés (qui échouent toutes les unes après les autres), il ne voit pas le bout de sa lutte,… mais il sait ce qu’il a en face… Et cette réalité seule le motive pour être un opposant, donc pour exister politiquement.
Quelle est la crédibilité de ces fameuses « sources de jouvence » pour ramener à la vie le mouvement communiste ? On peut douter de leur validité.
Le décalage est prodigieusement important entre ce en quoi le Parti Communiste a cru depuis sa création et la nécessaire révision de la théorie du changement social. Les militants, à fortiori les bureaucrates, sont prêts à réviser, mais pas trop, surtout garder l’essentiel… et si c’était cet essentiel qui était à revoir ?
Le risque c’est que la révision, le retour, ne soient que formels, superficiels… C’est d’ailleurs ce qui se dégage aujourd’hui des textes et débats entre communistes. On assiste à une grande « remise en question » mais… pour finalement retomber dans les mêmes ornières théoriques. L’essentiel de ce qui est fait consiste en déclarations tonitruantes, enthousiastes, des professions de foi de confiance, un sentimentalisme de parti fondé sur le culte de la fidélité,… un rappel des valeurs fondamentales, toutes honorables, que l’on n’a jamais réussi à concrétiser et que l’on ne sait toujours pas comment concrétiser.
L’ossature bureaucratique du Parti Communiste est sa seule garantie qu’il ne disparaisse pas complètement, du moins à cours terme. La perte continue de ses bastions locaux n’est que le début de la fin. Le forcing désespéré pour se dégager de la social démocratie, qu’il a soutenu durant des années, et qui a eu sa peau, et pour rejoindre celles ceux qui essayent de poser les problèmes autrement, n’est qu’une ultime tentative bien tardive pour échapper au jugement du l’Histoire. Sa culture interdit, de fait et affectivement, à ses militants fidèles de faire l’effort théorique réel de la vraie rénovation.
Une coquille vide peut faire illusion, même si elle est vide.
Patrick MIGNARD
16 Février 2008