LA « FAUSSE DEMOCRATIE » DES PARTIS POLITIQUES
Il est de bon ton pour les politiciens de donner des leçons de civisme aux citoyens en déclarant solennellement que « les partis politiques sont les garants de la démocratie ». Affirmation qui laisse perplexe quand on constate comment fonctionnent ces mêmes partis et surtout la manière dont ils agissent quand ils accèdent au pouvoir.
Un parti politique est un moyen et uniquement un moyen. Question : quel est l’objectif ?
A QUOI SERT UN PARTI POLITIQUE ?
Qu’à l’origine, c’est-à-dire à la fin du 18e siècles, les groupements, clubs et autres ligues aient été des centres de réflexion politique dans lesquels ont germé des idées démocratiques, c’est une évidence incontestable... Qu’ils aient aidé à la « prise de conscience » et au « changement social », c’est également vrai.
Ceci n’est plus vrai aujourd’hui.
Constitutionnellement, les partis politiques “ concourent à l’expression du suffrage ” des citoyens et « contribuent ainsi au débat et à la démocratie ». Quand est-il exactement ?
II n’est qu’à observer le « ballet » des partis politiques dans l’arène électorale pour constater que le spectacle est toujours le même, sur le fond, et que rien ne change sur l’essentiel... quant au débat qu’ils impulsent, qu’ils contrôlent, qu’ils délimitent, il ne porte jamais sur les questions et problèmes essentiels, sans parler de la dynamique qu’ils disent impulser et qui est en fait totalement inexistante.
Comme toute structure humaine, le parti politique a complètement dégénéré et est devenu une officine de pouvoir et de promotion sociale. En effet, la problématique que pose le parti politique est essentiellement gestionnaire : « il faut gérer le système et montrer que l’on sait le faire mieux que les autres ». C’est exactement cette attitude qu’ont pris en Europe et dans le monde tous les partis de gauche... y compris les partis communistes... qui se disaient/disent abusivement des partis « de rupture ».
Que les partis politiques se livrent à une réflexion, on ne peut pas le nier, mais ce qui importe c’est le sens de cette réflexion, la problématique qui la fonde.
L’action d’un parti politique porte sur essentiellement deux points :
l’élaboration d’un programme de gestion du système marchand qui est censé être « plus efficace » que celui de l’« adversaire » ;
la mise au point d’une tactique en vue de l’accession au pouvoir (alliances, ententes,... avec d’autres formations politiques), avec tous les dégâts collatéraux de telles pratiques (magouilles, népotisme, favoritisme, détournement de fonds, faux électeurs, promesses démagogiques...) (voir également l’article « PEUT-ON AVOIR CONFIANCE DANS LES HOMMES/FEMMES POLITIQUES ? »)
Jamais, le parti qui veut accéder au pouvoir et/ou qui y est ne pose, et ne se pose, la question du sens du système économique qu’il gère. Le système marchand, le salariat, est considéré comme une réalité intangible qu’il est hors de question d’interroger sur ses principes (voir l’article « MARCHANDISATION ET IRRESPONSABILITE »).
DEMOCRATIE ET PARTI POLITIQUE
Le parti n’a pas nécessairement besoin d’être unique pour verrouiller la vie politique d’un pays. Les « grandes démocraties modernes » comme il est de bon ton de les nommer, ne se privent pas, par un subtil jeu de « ping-pong Droite-Gauche », « bipartisme », de figer toute évolution des rapports sociaux vers plus de social et d’humain, à fortiori de les changer. Ils manipulent l’opinion dans les médias, édictent des règlements pour éliminer les « gêneurs », mettent des seuils d’accès, des pourcentages minimum, découpent les circonscriptions à leurs convenances, systématisent les « parrainages » qu’ils contrôlent, détournent par mille procédés l’argent public... Ainsi ils arrivent « démocratiquement » et « légalement » à un véritable totalitarisme... tout en sauvant les apparences.
L’alternance, que l’on confond avec l’alternative n’est que le changement de personnel politique à la tête du même Etat et pour une continuation et une gestion du même système, le système marchand. Les hauts fonctionnaires restent et continuent leur œuvre de gestion. La différence peut faire illusion dans certains cas et certaines circonstances, mais sur le long terme il est impossible de se tromper... il s’agit, sur le fond d’une même politique.(voir l’article « VICTOIRE DE « LA » POLITIQUE... MORT « DU » POLITIQUE »)
Il est vrai qu’à certaines époques le système a, pour des raisons conjoncturelles, éliminé les partis politiques au profit d’un seul ce que l’on appelle une dictature. Mais il serait faux de croire qu’il s’agit d’un phénomène, -le fascisme- hors du temps et a-historique comme on essaye de nous le faire croire. Les partis totalitaires ont souvent, plus ou moins, accédé au pouvoir avec la complicité implicite ou explicite d’autres partis (ne serait-ce que pour des raisons tactiques) et ont été toujours financés par le Capital. Le fascisme a d’ailleurs été une manière de sauver le système marchand qui ne l’a, et qu’il n’a, jamais, radicalement renié. On a trouvé des grands commis d’état démocratiques se mouler parfaitement dans les oripeaux du fascisme et inversement (faut-il citer des noms ?).
Ainsi, le soit disant système démocratique a, en toute innocence feinte, en toute légalité, en toute apparence quant au respect des valeurs qu’il prétend défendre, tissé une véritable « toile d’araignée » juridico-démocratico-constitutionnelle qui donne l’illusion du fonctionnement démocratique de notre société. Toute contestation du soit disant fondement démocratique de l’édifice est considéré comme une hérésie et une provocation. A l’intérieur de cette construction, les partis politiques évoluent en toute tranquillité, se livrent aux jeux stériles de la succession au pouvoir, voire s’entendent comme « larrons en foire » pour violer et profiter de la légalité qu’ils votent et imposent à l’ensemble des citoyens. (faut-il citer des noms et des exemples ?)
ACTION POLITIQUE ET PARTI
Aujourd’hui s’engager dans l’action politique c’est « adhérer à un parti ». Pourquoi ?
Il y a abord, celles et ceux qui font carrière...
C’est une profession, une promotion sociale. Devenir membre de la direction d’un parti c’est profiter de privilèges exorbitants au regard du simple citoyen, c’est pouvoir accéder à la tête de l’Etat qui multiplie ces privilèges et permet d’agir en toute impunité pour soi et les siens. Ainsi se constitue toute une bureaucratie parasite, la classe (caste) politique composée à la fois de technocrates, d’arrivistes, d’affairistes, de courtisans et une ribambelle d’individus plus ou moins médiocres, purs produits des appareils politiques qui se casent dans les assemblées (faut-il citer des noms ?)... et ce sont ces gens, qui se prennent et se nomment « élite » ( ???) qu’il nous faut respecter et reconnaître comme l’incarnation de la démocratie... alors qu’ils ne sont que l’expression de la putréfaction de la pratique politique. Attention, faire ce genre de critique vous fait déclarer « adversaire de la démocratie » et, insulte suprême, de « poujadiste ».
Mais pour être efficace dira-t-on...
En fait, appartenir à un parti est aujourd’hui le degré zéro de l’engagement politique, même, et surtout, si l’engagement est réellement sincère. Etre dans un parti c’est un engagement à l’économie : on a une structure, des permanents professionnels (voir point précédent) qui s’occupent de l’intendance, qui pensent pour nous, ou orientent la (notre) pensée, dictent nos choix, orientent nos réflexions... il ne reste plus qu’à se coller derrière un « leader »... parisien de préférence... coller des affiches, (encore que !), vendre des journaux (encore que !)... et à voter,... surtout à voter... La fidélité tient lieu d’intelligence politique, l’obéissance de courage politique. On a alors la conscience (politique) tranquille. Et on peut même se permettre de fustiger les autres en leur demandant « ce qu’ils attendent pour s’engager ».
Le militantisme dans un parti politique est devenu ainsi un sous produit de la dégénérescence de la citoyenneté, une aliénation librement consentie au nom de la lutte contre... l’aliénation. La bêtise et le suivisme élevés au rang de valeurs civiques.
MILITANTISME ET ORGANISATION SONT-ILS CONDAMNABLES ?
Non ! Mille fois non ! C’est la forme qu’ont pris aujourd’hui l’un et l’autre qui l’est.
Autant est méprisable et dangereux le militantisme « suiviste », « sectaire », autant est respectable le militantisme qui se fonde sur la réflexion et la pratique politique.
Autant est méprisable et dangereuse l’organisation politique composée à sa direction de bureaucrates serviles et profiteurs (ce qui est le cas de la plupart des partis politiques actuels... faut-il donner des noms ?) autant est respectable et utile l’organisation politique qui aide et fédère des luttes et actions alternatives en vue de l’instauration de nouveaux rapports sociaux.
La professionnalisation de l’action politique a prouvé sa totale aberration et montré la gravité des dérives qu’elle engendre. Au nom d’une soit disante efficacité politique on a créé des postes de permanents dans lesquels s’incrustent des individus médiocres et arrivistes. En fait, on a feint de confondre l’efficacité politique avec la continuité politique. Efficacité politique et continuité politique ne correspondent pas forcément, et dans la structure et dans la durée. En effet, la continuité politique dans une organisation est souvent mère de la bureaucratie qui s’installe et fait valoir ses droits et privilèges. Or, ce n’est jamais l’organisation politique qui garanti l’efficacité politique, ce qui la garantit et en fournit la mesure, c’est la praxis, la conscience collective en action, l’action collective, la critique sociale par la mise en place de structures alternatives. Détachée de cette conscience pratique, l’organisation s’autonomise, devient une fin en soi et fini en bureaucratie gestionnaire de ses intérêts qui se confondent avec ceux du système qu’elle gère.
Cette donnée élémentaire est aujourd’hui totalement oubliée, niée par toutes les organisations du champ politique.
C’est au travers des lignes politiques, des stratégies politiques, des anathèmes proférés, et surtout par leur pratiques, que l’on peut mesurer la dérive de bureaucratisation et de sectarisation des organisations politiques. La plus grande méfiance s’impose donc à leur égard, non pas parce qu’elles existent, mais parce qu’elles se situent dans un problématique socialement, et osons le mot, historiquement, aberrantes.
Redécouvrir la praxis comme pratique sociale collective au travers de la mise en place de structures alternatives, non seulement relativisera l’action et la malfaisance des bureaucraties politiques, mais permettra de poser les bases de principes d’organisation, collectivement assumés et conforme aux objectifs et exigences du changement.
L’efficacité ne sera plus dans la pratique des appareils mais dans la pratique sociale.
26 juin 2005 Patrick MIGNARD