LA SOCIETE DU « NON DIALOGUE »
Les « partenaires » sociaux parlent sans cesse de « dialogue » comme moyen de résoudre les problèmes sociaux, mais au fil des conflits on se rend compte que ce soit disant dialogue est complètement piégé. La dernière expérience que viennent de faire les salariés, mais aussi les étudiants français est particulièrement instructive à cet égard.
Il ne s’agit pas de dramatiser ou de prendre une position maximaliste, il s’agit de comprendre exactement ce qu’il se joue et quel est l’état des forces en présence.
LES CONDITIONS DU DIALOGUE SOCIAL
Il n’y a pas une définition précise et « officielle » de ce qu’est un dialogue social, mais essayons tout de même de le définir.
Le dialogue social se fonde sur un consensus implicite entre plusieurs parties susceptibles et d’accord pour faire des concessions.
Le fondement de tout dialogue est la possibilité d’aboutir à une entente, à un compromis, un accord dans lequel chaque partie trouve un intérêt.
Pour qu’il y ait dialogue il faut une triple condition :
une situation qui fasse problème
des interlocuteurs,
« quelque chose » à négocier
La situation, nous la connaissons tous : un système économique fondé sur le profit et qui, dans les conditions actuelles de mondialisation marchande – et qui plus est, de crise - fait que, les anciens pays industriels, voient leur puissance économique relativisée.
Les interlocuteurs nous les connaissons également mais ils prennent une configuration nouvelle :
l’État, considéré à tort comme neutre dans le rôle de l’arbitre joue de plus en plus évidemment en faveur des possesseurs du capital ;
les possesseurs du capital, de plus en plus exigeants – fonds de pensions, Hedge Funds, en particuliers – et qui jouent leurs intérêts sur une plus grande échelle.
les interlocuteurs : les représentants institutionnels des salariés – les syndicats – qui ne se sont pas rendu compte – ou bien ils mentent – que les actions d’antan sont aujourd’hui des impasses.
Quelque chose à négocier : là est le cœur du problème. Ce qui se négocie, ce n’est plus des avancées sociales comme se fut le cas jusqu’à il y a une dizaine d’années, mais le recul des acquis sociaux. En effet, l’époque est finie, celle où les pays développés industrialisés avaient le monopole de l’économie mondiale et dictaient leur loi.
Les conditions du dialogue social, contrairement aux époques passées, est problématique
LE DIALOGUE SOCIAL EST-IL ENCORE POSSIBLE ?
Et d’abord, a-t-il encore un sens ?
Le seul sens que l’on puisse, aujourd’hui, lui trouver c’est de garder le contact et d’éviter la rupture entre « partenaires sociaux ». À proprement parler, il ne s’agit plus là de sens, mais du constat d’une exigence partagée : donnons nous l’impression de dialoguer pour éviter de nous affronter.
Or, ce qui prétend être un dialogue social actuel est fondé sur une situation complètement déséquilibrée qui peut se résumer à la manière du Pouvoir en place de poser le problème : « OK pour dialoguer, mais nous maintiendrons nos positions et nos décisions quoi qu’il arrive ». Ce qui montre que le soit disant dialogue n’est qu’un prétexte qui n’est absolument pas ce qu’il prétend être.
L’occultation du réel par le discours est une constante permanente de tous les pouvoirs, à toutes les époques. Aujourd’hui, on est dans cette situation dans la mesure où le pouvoir n’a plus rien à négocier, ne cèdera plus rien,… et sait qu’il peut ne rien céder.
L’attitude de l’État est parfaitement logique. En effet, garant de la pérennité du système marchand, fondé comme nous l’avons vu, sur la réalisation du profit, il se doit de gérer ce système – encore qu’il a abandonné une grande partie de ses prérogatives – dans des conditions de mondialisation nouvelles par rapport à la période précédente. Cette garantie, il l’assure par la référence exclusive aux lois du marché (libéralisme) et le renforcement de la répression (l’État gendarme succédant à l’État providence).
Il a, face à lui, des partenaires qui, non seulement sont dispersés et en désaccord sur les mesures tactiques, à fortiori stratégiques, à prendre et qui n’ont recours qu’à de vieilles méthodes (manifestations, grèves, pétitions, protestations, délégations) dont on sait, par la pratique, qu’elles sont totalement obsolètes.
NON DIALOGUE ET AFFRONTEMENT
Est-ce à dire que la situation est bloquée ?
Oui, certainement, en ce sens qu’elle ne peut générer aucun changement. Les forces « conservatrices » au pouvoir n’ont face à elles aucune force ayant un projet et une stratégie alternative. Nous en avons aujourd’hui un parfait exemple.
Les trépignements d’impatience, les défilés à répétition, la radicalité des discours, qui tiennent lieu d’une soit disante stratégie politique, ne sont que des manifestations d’impuissance qui veulent donner l’illusion d’une dynamique qui en fait n’existe pas.
Ce blocage est incontestablement générateur de violence sociale. L’exaspération succède tout logiquement au piétinement.
Cette violence, si elle est logique et compréhensible, est parfaitement stérile. Certes, elle alimente chez certains les fantasmes du « grand soir », ou de l’ « insurrection qui vient »,… pour d’autres elle doit être canalisée vers les urnes. Pour le pouvoir, elle est une aubaine, lui permettant de faire un « pot pourri » de « violence-délinquance-irresponsabilité politique-terrorisme,…. », le tout, avec l’appui des médias complaisants, aboutissant à une remise en question des libertés publiques et un renforcement de l’arsenal répressif.
Allons nous vers un affrontement social, un conflit ouvert entre possesseurs et leurs valets et victimes de ce système qui nous conduit à la ruine ?. Peut-être ! Qui peut l’affirmer ?
Une chose est cependant sûre : l’affrontement, aussi logique soit-il, s’il se produit, sera écrasé par les possédants qui disposent d’un arsenal et de bandes armées prêts à celui-ci, mais savent aussi également qu’aucune alternative sérieuse à leur système n’est prête à prendre la relève… autrement dit les hésitants, la majorité, dans tous les cas de figure, se retournera vers eux et non contre eux – ce qui explique aujourd’hui la situation apparemment absurde qui fait que la majorité vote contre ses propres intérêts.
En attendant,… quoi au juste ? … on nous fait patienter en organisant des manifestations folkloriques et colorées, des pétitions par centaines et des élections… ; jusqu’aux vacances qui joueront le même rôle que les massages sur des membres endoloris par l’effort.
Soyez cool,… « on » s’occupe de tout !
Patrick MIGNARD 20 mai 2009
Voir aussi :
« ILS NE CÈDERONT PLUS RIEN ! »
« CES LUTTES À BOUT DE SOUFFLE »
« LE SENTIMENT TRAGIQUE DE L’INUTILE »
« MANIFESTE POUR UNE ALTERNATIVE »