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Publié par PM sur
Publié dans : #matiere a reflexion

VOTER EST UN DROIT, MAIS EST-CE VERITABLEMENT UN DEVOIR ?

 

 

Que le droit de vote soit un progrès par rapport aux autres pratiques politiques, c’est une évidence. Que le système de la représentation politique soit une nécessité dans une société organisée, c’est également difficilement contestable. Pourquoi, en dépit de ces «évidences» une telle méfiance a fini par naître entre les citoyens et «la» politique? Pour une raison apparemment fort simple: l’élection est incapable de répondre aux grands problèmes de notre société. Il a fallu du temps pour faire ce constat, mais aujourd’hui il est en passe d’être établi et compris par un très grand nombre, sinon par la majorité.



Le discours politique sur le «changement», véritable «tarte à la crème» de toutes les campagnes électorales, ne passe plus… par ce que le citoyen sait qu’il est faux… De là à en conclure que celles et ceux qui le tiennent sont des mystificateurs, à défaut d’être des imbéciles (ce qu’ils ne sont pas), il n’y a qu’un pas qui aujourd’hui est franchi.

L’insistance des politiques à vouloir nous faire croire «qu’ils ont la solution» et les pratiques mafieuses et crapuleuses de certains,… agrémentés d’une impunité d’autant plus assurée que la place dans l’appareil de l’Etat est élevée, ont fini par jeter le discrédit sur l’ensemble de la «classe politique» et donc sur le système qui lui assure l’accession au pouvoir.

Une telle «dérive» de la conscience citoyenne est évidemment insupportable pour celles et ceux qui ont en charge le fonctionnement du système. Il leur faut absolument sauver l’illusion d’un consensus populaire, et quoi de mieux comme consensus que la «participation à l’élection». Gauche et Droite réunies n’ont qu’une seule obsession: «que le peuple participe à l’élection», cette participation sera l’expression, la concrétisation de l’adhésion du citoyen au système qui le gruge, de son allégeance au système… et on pourra toujours lui répliquer que «les politiques menées ne sont finalement que l’expression de sa volonté»… bloquant ainsi toute contestation dangereuse. Pour celles et ceux qui n’ont pas compris, on procède par culpabilisation avec l’argument classique: «Des femmes et des hommes sont morts pour le droit de vote»… comme si ces femmes et ces hommes s’étaient battus pour que l’élection devienne la mascarade qu’elle est aujourd’hui! Cautionner une telle chose n’est ce pas les tuer une deuxième fois?

Certes, Droite et Gauche préfèrent chacune voir ses propres membres accéder et occuper le pouvoir pour bénéficier de ses privilèges, mais le principal danger est tout de même cette suspicion citoyenne qui se généralise et dont l’expression est l’abstention, c’est dire un nouveau phénomène politique qui est la remise en question de la comédie électorale qui nous est régulièrement jouée. Droite et Gauche se satisfont parfaitement d’une «alternance politique» qu’elles nous présentent comme la quintessence du fonctionnement démocratique… le problème pour elles c’est que les citoyens y croient, eux, de moins en moins.

Pour combattre cette tendance du «rejet de la politique», en fait «des politiques et de leurs pratiques», tout ce joli monde fait assaut de «civisme», voire de «morale civique», expliquant doctement et avec le plus grand sérieux que la «participation est un acte citoyen» et que celle ou celui qui ne vote pas est, bien entendu, un «mauvais citoyen»… l’abstentionniste n’est qu’un «pêcheur à la ligne»(?) de surcroît «irresponsable»…

Si à une époque, l’abstentionnisme était, encore que, réductible à la nonchalance, à l’irresponsabilité ou la paresse civique, aujourd’hui ce n’est plus du tout le cas. La montée vertigineuse des taux d’abstention n’a plus rien à voir avec la «pratique de la pêche à la ligne» et dénote au contraire l’émergence d’un phénomène politique qui prend de l’ampleur pour des raisons beaucoup plus graves.

Si le droit de vote demeure aux yeux de toutes et tous un droit, on n’est plus bien certain qu’il constitue encore un devoir. En effet, à la question «Doit-on aller voter?», on ne peut pas ne pas accoler la question «Pour quoi faire?» Or, nous l’avons vu, la réponse à cette dernière question est tout à fait problématique.

«Voter» pour simplement «voter» n’a aucun sens… ou bien alors, il s’agit d’entretenir l’illusion symbolique, la croyance en une utilité politique de choix et de changement… qui n’existent pas. A la limite, et c’est ce vers quoi nous allons, voter dans ces conditions, c'est-à-dire prendre systématiquement les gens pour des imbéciles dans ce qui devrait constituer un acte essentiel de la vie citoyenne, c’est ouvrir la voie à des démagogues dont on sait ce que ça peut donner… rappelez vous la république de Weimar!

Ce n’est donc pas un hasard si, aujourd’hui, nous assistons à une véritable offensive pour faire participer aux élections… c’est la meilleure manière pour faire que rien ne change.

Ce n’est pas non plus un hasard si les taux d’abstention sont minorés et si les calculs de pourcentages obtenus par les candidats sont calculés et diffusés par rapport aux «scrutins exprimés». Refaites les calculs par rapports aux «inscrits» et vous vous rendrez compte que les «élus» sont des «nains politiques»!

Ce n’est pas non plus un hasard si les candidats aux élections, véritables ectoplasmes de la pensée politique, se vendent en utilisant les méthodes du marketing en valorisant leur image, ou celle de leur conjoint-e, ou chanteur/sportif préféré…

Ce n’est pas un hasard si, même s’ils «ne pêchent pas à la ligne», nombre de citoyens éviteront de faire la queue devant une urne, comme on fait la queue devant un boulangerie par temps de pénurie, pour déposer un bulletin qui a perdu tout son sens.

Enfin, ce n’est pas un hasard si régulièrement se repose le problème de savoir si l’on doit rendre le vote obligatoire… ce qui aurait l’avantage de pouvoir officialiser et légitimer l’escroquerie qu’est devenu l’élection.


Patrick MIGNARD                                                                            18 Juin 2004

 

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