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Publié par PM sur
Publié dans : #matiere a reflexion

PEUT-ON DIALOGUER AVEC LA POLICE ?

L’article de BAKOU - « Victoire un Garde mobile et sa femme ont appris à lire !!!! », s’il ne m’a pas choqué. Je m’interroge cependant, et suis pas le seul, sur ce qu’il peut apporter à la réflexion. J’ai des doutes sur son efficacité pédagogique. J’ai donc essayé de « recentrer » la discussion.

A la question posée en titre je répondrai non. Il ne s’agit pas là d’une question de principe ou d’une réaction épidermique mais d’un constat à la fois d’une expérience et la conclusion d’une analyse de ce qu’est véritablement la police.(le terme « police » recouvre ici à la fois Police et Gendarmerie)

Essayons de raisonner sans a priori et sans agressivité.

Peut-être doit-on remplacer la question « Peut-on dialoguer avec la police » par la question « Doit-on dialoguer avec la police ? ». En effet la police n’a pas une autonomie de pensée, elle est l’instrument des instances politiques. A ce titre elle ne saurait avoir une démarche autre que celle de l’autorité qui lui donne les ordres. Et puis, dialoguer sur quoi ?

DIALOGUE DANS L’ACTION ?

Peut-on imaginer un dialogue entre manifestants et policiers sur la mission de ces derniers ?

Comme de nombreux manifestants, dans des situations calmes, (face à face) j’ai de nombreuses fois essayé de discuter avec ceux qui nous faisaient face... sans grande illusion tout de même. Le dialogue est évidemment impossible. Nous n’avons affaire qu’à des individus, l’air buté qui ne répondent rien et regardent fixement devant eux.

Il est exclu qu’ils entament le moindre dialogue... j’ai pu constater que leurs chefs y veillent... ils n’ont pas à penser sur ce qu’on leur ordonne. Ils obéissent. Le dialogue ne peut s’établir qu’avec l’étage supérieur, celui qui donne les ordres... et encore, il n’est généralement pas là, sur le terrain... c’est le plus souvent le préfet, dans son bureau... quand ce n’est pas le ministre.

Imaginez un seul instant que les policiers, durant une action se posent la question du « bien fondé », « du sens moral », « de la justesse » de ce qu’on leur fait faire (évacuations d’usine occupée, expulsions de familles de leurs logements, destruction d’OGM...). Il est évident que dans ces conditions leur mission s’avèrera sinon impossible, du moins aléatoire.

Je n’ai jamais vu un policier prêt à discuter le sens de la mission qui lui est confiée. Même dans les cas extrêmes, très rares sont les policiers qui ont porté un jugement sur leur mission au point de la refuser : les exemples les plus flagrants sont les rafles de juifs durant l’occupation nazie et les massacres d’Algériens pendant la Guerre d’Algérie (en particulier le 17 octobre 1961) et de Charonne en 1962.

Le dialogue à ce niveau est totalement impossible.

DIALOGUE AVEC L’INSTITUTION ?

Dans le cadre d’un engagement associatif, on peut prendre contact avec la Police, ou plus exactement avec les représentants syndicaux des policiers. La prise de contact est plus simple avec les syndicats dits « progressistes », qu’avec les syndicats « de droite ». Mais, pour l’avoir pratiqué, dans le cadre du militantisme dans une organisation de défense des droits de homme, l’expérience de ces contacts est particulièrement décevante... et finalement inutile. Ce n’est pas que les policiers refusent la discussion au contraire, ce n’est pas qu’il ne nous écoutent pas loin de là, ... le problème c’est que sur l’essentiel ils n’ont rien à dire... pas par ce qu’ils seraient stupides mais parce qu’ils sont, pour les plus conscients (et il y en a dans les syndicats), dans une situation qui les verrouille totalement.... La conclusion est souvent : il nous faudrait plus d’effectif... le hic c’est « pour quoi faire ? » et cette question, débattue sur le fond est un vrai tabou... ce qui se comprend puisqu’elle porte sur le sens du système que les policiers servent.

Il fut une époque où l’on rencontrait dans la police, j’en ai fait l’expérience, des policiers, souvent issus de la Résistance, qui avaient une conception particulière de leur mission. Ils n’hésitaient pas à pratiquer ce que l’on pourrait nommer un « double jeu » en ayant des démarches discrètes pour renseigner, conseiller les militants (jeunes, que nous étions). Cette catégorie de policiers a disparue, non seulement du fait du temps, mais aussi du fait que le système s’est doté, pour la formation de la police de méthodes et conceptions « pasqualo-sarkosiennes » qui ne laissent plus la place à ce genre d’initiatives..

Il faut comprendre également que le policier se sait « mal aimé » quoiqu’en dise le pouvoir qui l’utilise. Il n’exerce pas une profession valorisante... il n’est d’ailleurs pas le seul dans ce cas. Policier est un métier que l’on fait rarement par vocation ou par passion. De plus c’est un métier dangereux, difficile et ingrat : il y a certes le « prestige » de l’uniforme et la stabilité de l’emploi, mais il y a aussi les emplois du temps délirants et le salaire pas si élevé que cela.

Dotés de pouvoirs exorbitants sur les autres citoyens, d’une « couverture » quasi absolue assurée par les pouvoirs publics, crus systématiquement par la Justice, une telle profession devrait être assurée par des individus d’une teneur morale, humaine et civique exemplaire. Or c’est bien loin d’être le cas concernant des gens dont l’univers culturel est souvent borné par le sport, le tiercé et TF1... Cela se pourrait-il également pour assurer l’ordre d’un système inégalitaire ?

Il y a des sadiques et des pervers dans toutes les professions, mais pour ce qui le sont dans la police ça se voit plus qu’ailleurs et ça fait plus de dégâts (matériels, humains, et moraux). Les dérives inévitables sont multiples... ce qui accroît la colère et le sentiment d’injustice dans la population, sans parler des militants, et terni encore plus une image difficile à conserver positive quand il s’avère, en particulier dans les conflits sociaux, que la police est (ce qu’elle est effectivement), le bras armé d’un système injuste et inégalitaire.

Le syndrome de la « forteresse assiégée » a alors tendance à se développer... l’ « esprit de corps », entretenu par la hiérarchie, isolant encore plus l’institution policière de la société civile... et en particulier de ses éléments les plus progressistes.

UNE SITUATION BLOQUEE ?

Je pense que oui. Dans un système comme le notre, basé sur l’instrumentalisation de l’individu, générateur d’inégalité, d’exclusion, de frustration, la police joue un rôle essentiel de maintien de cet ordre. Le vernis démocratique ne tient que par l’illusion persistante et particulièrement élaborée fournie par le système électoral et l’illusion d’un « service public » que serait la police.

Cependant, dans un système qui se veut démocratique, l’image de la police est important pour entretenir cette illusion. Ainsi, les CRS par exemple sont employés à la fois pour la répression, mais aussi pour le sauvetage : les mêmes qui assurent l’été la surveillance des places peuvent vous tabasser en hiver au cours d’une manifestation. Cette ambivalence dans la fonction sert à la fois à la police à se donner une image valorisante pour elle-même, et pour le public.

L’affichage de la Déclaration des Droits de l’Homme et dans les commissariat et l’adoption d’un code de déontologie fait partie de cette volonté de se donner un look « moderne et démocratique », mais ne change en rien, ni la nature, ni les pratiques de la police.

Il est évident que moins le système (ce qui est de plus en plus le cas) pourra « lâcher du lest » sur les revendications et les conditions de vie sociale, plus il aura recours à ses forces de répression.

Il n’est pas exclu de trouver dans la police des éléments, isolés, partageant les mêmes doutes, les mêmes convictions et les mêmes espérances que nous... ils seront non seulement conscients, mais aussi courageux (il y en a eu, peu mais il y en a eu, durant l’Occupation). Ils nous seront précieux dans le combat que nous menons.

Affronter la police peut se comprendre dans la spontanéité d’un conflit social ou d’une manifestation... mais ne nous trompons pas, nous seront toujours vaincus dans ce combat... l’Histoire nous le démontre. S’affronter à la police ressemble un peu aux Jacqueries du Moyen Age... c’est humainement compréhensible, mais politiquement inefficace.

La police n’est que l’instrument d’un système. Ce n’est pas la police qui fait problème, mais le système. La police ne tiendra que tant que ce système tiendra. Le jour où se système se décomposera la police se décomposera. A nous de nous donner les moyens de le rendre obsolète.

5 septembre 2005                                                              Patrick MIGNARD

Je renvoie également aux articles :

VERS UNE SOCIETE POLICIERE ?

VIOLENCE ET CHANGEMENT SOCIAL

VIOLENCES POLICIERES ET LIBERALISME

 

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